A Lipsheim, les habitants ne veulent plus des lignes à haute tension dans leur jardin

Les habitants de Lipsheim (Bas-Rhin) réclament l'enfouissement de deux lignes électriques à haute tension qui traversent leur village. Installées dans les années 1920-1930, les deux lignes de 63.000 volts font polémique.

Les habitants de Lipsheim, petit village de 2.500 âmes à une dizaine de kilomètres au sud de Strasbourg, ne sont pas contents. Et ils entendent le faire savoir. Réunis au sein du collectif "Les 400", ils ont adressé un courrier le 25 juin 2018 par la voix de leur porte-parole, Jean-Claude Soulé, à Strasbourg Electricité Réseaux (SER). Objet de leur exaspération: deux lignes de 63.000 volts chacune qui traversent une partie du village sur une longueur de 800 mètres.

La rue des Vergers est l'une des rues les plus concernées par l'une des deux lignes haute tension: elle passe soit au-dessus des toits des maisons, soit au-dessus des jardins des habitants.
 

​​​​​​Inquiétude des habitants

Izabel Carré habite au numéro 36 de la rue des Vergers depuis cinq ans. Pour elle, le pylône est une gêne importante : il est planté en plein milieu du jardin, à 5 mètres tout juste du mur de sa maison. Elle a fait pousser un arbre devant pour le cacher, et de l'autre côté, la serre a été mise là pour la même raison. "On n'entend plus les grésillements de la ligne. On fait avec. Mais par contre, au printemps et à l'automne, quand les oiseaux migrateurs se rassemblent, ils se posent tous en nuée sur les lignes, et nous, en-dessous, on les entend beaucoup et le jardin est rempli de fientes."

Ce qui m'inquiète surtout, ce sont les orages: on entend le grésillement plus fort, et on a toujours peur qu'une ligne tombe, ou même le pylône.


Années après années, en s'étendant vers l'ouest, le village s'est inévitablement rapproché des lignes à haute tension. Il y a quarante ans, cela ne posait pas de problème. Aujourd'hui, les questions sont de plus en plus pressantes et les habitants ont de fortes craintes.

Un peu plus loin, au numéro 32, Patrick Huber raconte: il a acheté sa maison en 1984 "et c'est vrai qu'à l'époque, les lignes haute tension ne nous posaient pas de problèmes." Patrick a travaillé pendant vingt ans à la blanchisserie d'un hôpital. Un jour, il a fait une courte formation en électricité. Et c'est là qu'il a appris l'existence des arcs électriques. "Je me suis alors rendu compte du danger qu'il y a à monter sur le toit, à quelques mètres de lignes hautes tension. C'est moi qui à l'époque ai construit ma cheminée, je ne savais pas que c'était dangereux. Aujourd'hui, pour rien au monde je n'irai travailler sur mon toit, avec de l'eau encore moins."

Et il dit ressentir comme un poids quand il est dans sa maison:
 
Il y a trois ans un incendie a ravagé une maison située un peu plus loin, rue des Vergers. Les pompiers n'ont pas voulu courir le risque d'activer leur lance à eau avant que l'électricité ne soit coupée. Résultat: rien n'a pu empêcher la destruction totale de la maison par le feu. Pour les Lipsheimois, cette épée de Damoclès est insupportable. 
 

Enfouissement ou déplacement des lignes haute tension

Dans le courrier envoyé à SER le 25 juin 2018, Jean-Claude Soulé, avec l'appui du maire de Lipsheim, demande donc l'enfouissement des lignes, travaux évalués à trois millions d'euros. Mais le village n'a pas les moyens de les financer. Une première réponse à une pétition initiée en 2017 par le collectif consistait pour SER à regrouper les deux lignes en une seule, celle qui passe au-dessus de la rue des Vergers. 
 


Cette proposition a été refusée par les habitants et le maire, qui les soutient. C'était sans doute la solution la moins coûteuse, 800.000 euros. "Mais on n'en veut pas !", assène Jean-Claude Soulé. Certains habitants pensent savoir pourquoi la proposition a été faite par SER: sous l'autre ligne haute tension, le lotissement Chopin devrait être étendu. Sans la ligne haute tension, la parcelle serait beaucoup plus grande, donc plus rentable pour le promoteur...
 


 

Vieux pylônes dangereux

Pour les riverains, il ne s'agit pas d'une question d'apparence. Ces lignes électriques ont été construites en 1921 et en 1930. Selon le collectif, elles ne répondraient plus aux critères de sécurité définis par l'arrêté de mai 2001 ayant pour but de renforcer la résistance des lignes haute tension contre les grandes tempêtes. SER a répondu au maire que l'arrêté concerne uniquement les lignes construites après 2001, les habitants en ont donc conclu que leurs lignes ne sont pas concernées par ces nouvelles dispositions préventives. Les résultats des travaux du Grenelle de l'environnement  permettraient selon "Les 400" d'incriminer les lignes à haute tension et leurs effets néfastes sur la santé: électrohypersensibilité, leucémies de l'enfant et certaines maladies neurodégénératives.

SER "est en train de rédiger la réponse", assure Frédéric Thiry, responsable communication à SER, vendredi 13 juillet, elle devrait être envoyée au collectif en début de semaine prochaine. "Mais nous n'avons pas attendu ce courrier pour agir: nous échangeons régulièrement avec la collectivité. Plusieurs scénarios existent, avec des coûts différents", explique-t-il. Mais il ne veut pas en dire plus pour l'instant. "Nous sommes dans une logique constructive, il n'y a pas d'approche dogmatique à Strasbourg Electricité Réseaux: on peut faire quelque chose, et la solution sera issue de la discussion."
 

 

Discussions en cours

SER a conscience du malaise des habitants et veut pouvoir y répondre par une solution qui réglera le problème... en échangeant avec les élus. La discussion a lieu avec la collectivité, pas avec le collectif, qui lui recevra un courrier. Pour Frédéric Thiry, il n'y a pas de problème de sécurité ou de vétusté des deux lignes à haute tension. La maintenance préventive et curative est faite régulièrement. 40 millions d'euros sont injectés chaque année dans l'investissement et la maintenance des lignes électrique qui sont performantes. Le temps de coupure moyen n'est que de 6 à 7 minutes par an, "ce qui est ridicule et très peu, comparé à d'autres régions". La politique d'entretien est "rigoureuse et efficace", selon lui. Et le premier problème, c'est surtout l'extension du village, au fil des années, de plus en plus près de ces lignes. 

Pour une ligne à haute tension, la distance minimum à respecter est de 5 mètres, entre le pylône et le mur d'habitation. Pour une ligne basse ou moyenne tension, cette distance descend à 3 mètres. Une réglementation obligatoire et respectée partout, y compris à Lipsheim. "Les mesures de sécurité et de conformité avec la réglementation ont toujours été respectée à Lipsheim, pour toute nouvelle construction aux abords de ces lignes", explique Frédéric Thiry


Ci-dessous, le courrier du collectif "Les 400" adressé à SER:


 
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