Avec le Covid, on en a presque oublié qu’une autre maladie continue de faire des ravages dans la population. La borréliose, appelée maladie de Lyme touche entre 50.000 et 70.000 personnes en France au minimum. Nicole Trisse co–rapporteure d’un récent rapport nous livre ses 24 recommandations.
En pleine pandémie, le rapport d’information sur la maladie de Lyme qui a pour but d’améliorer la prise ne charge des patients, est passé presque inaperçu. Il a été présenté mi-juillet à l’Assemblée Nationale. L’un des rapporteurs est la députée de la 5 e circonscription de Moselle Nicole Trisse. Une maladie infectieuse qui est tout autant d’actualité car l’alternance de pluies fréquentes et de chaleur offre un climat favorable au développement des tiques dans le Grand-Est.
Prévoir des consultations plus longues
Originaire de Moselle Est, une région particulièrement touchée par la maladie de Lyme, Nicole Trisse est sensibilisée depuis longtemps à la problématique d’errance des malades de Lyme. Mais depuis qu’elle est députée, elle ne cesse de recevoir des gens qui lui confient leur désarroi de ne pas trouver de parcours de prise en charge efficace, ou de ne pas être compris. C’est pourquoi la députée LREM de Moselle s’est investie dans ce rapport d‘information au côté de ses collègues. Après des mois d’auditions d’experts, de médecins, de malades et d’associations de malades, il en ressort 24 recommandations pour améliorer la prise en charge, et réduire l’errance des malades de Lyme ou d’autres maladies qui peuvent être transmises par les tiques.
Bon nombre de médecins généralistes n’ont pas les outils ou les connaissances suffisantes ni pour diagnostiquer, ni pour soigner Lyme, ou pour les réorienter vers des spécialistes lorsqu’ils ne peuvent pas les prendre en charge.
Nicole Trisse n’est pas partie de rien. En 2016, Marisol Touraine, ministre de la santé, avait alors mis en place un plan Lyme, mais qui se révèle aujourd’hui "insuffisant ou pas suffisamment bien appliqué" dansle rapport. En effet, suite aux nombreuses auditions, Nicole Trisse et ses collègues se sont rendu compte que "bon nombre de médecins généralistes n’ont pas les outils ou les connaissances suffisantes ni pour diagnostiquer, ni pour soigner Lyme, ou pour les réorienter vers des spécialistes lorsqu’ils ne peuvent pas les prendre en charge. Mais surtout, ils n’ont pas le temps".
Le rapport sur la maladie de #lyme poursuit sa route. C'est avec plaisir que nous l'avons remis aujourd'hui à M. le Ministre @olivierveran ainsi qu'à nos collègues membres du groupe d'études.
— Nicole Trisse (@NicoleTrisse) July 20, 2021
Nous travaillerons à une traduction concrète dans les mois à venir. pic.twitter.com/NKG1YWwgMQ
D’où cette première recommandation qui concerne les médecins généralistes : prévoir des consultations longue à rémunération majorée pour les malades de Lyme. En effet, la maladie pouvant prendre différentes formes et différents symptômes, le diagnostic peut prendre du temps, entre 45 minutes et une heure. Par ailleurs, un questionnaire ‘Lyme’ permettrait aux médecins d’être assistés dans le diagnostic, mais aussi d’harmoniser les prises en charge qui pour le moment dépendent beaucoup de l’intérêt des praticiens, et de leur temps.
La maladie est complexe, et différente d’une personne l’autre. Il faut savoir que les symptômes peuvent aussi se rapprocher d’autres maladies comme la sclérose en plaque ou la fibromyalgie. D’où la nécessité d’être accompagné.
Plus de groupes d'experts dédiés dans les hôpitaux
Le plan Lyme de 2016 prévoyait également des centres de compétences Lyme sur tout le territoire. Comprenez par là, des équipes pluridisciplinaires au sein d’hôpitaux, qui peuvent prendre en charge les malades grâce à leur expertise ( neurologues, rhumatologues, cardiologues…) . Or aujourd’hui selon Nicole Trisse, il n’y en a pas dans le Grand-Est. L’ARS ( Agence Régional de Santé) a bien lancé des appels à projet, mais le manque de budget pour accompagner les hôpitaux candidats en aurait découragé plus d’un.
Résultat, alors que notre région est la plus touchée par les malades de Lyme, avec une incidence entre 200 et 400 malades signalés, il n’y aurait selon la députée, "aucun centre de compétence Lyme digne de ce nom qui pourrait prendre en charge les malades". L’équipe de députés proposent qu’un budget raisonnable soit attribué pour la création de ces centres, idéalement un par département, avec un secrétariat ou un psychologue qui centraliserait tous les dossiers, bien souvent éparpillés dans autant de cabinets médicaux que de médecins consultés par les malades en errance…Le rapport conseille un maillage qui permette la prise en charge rapide en moins de deux mois des patients.
Il est urgent d’investir de l’argent dans la recherche et la collecte de données épidémiologique afin d’avoir une meilleure compréhension de la maladie
Alors certes il existe un centre de référence au CHU de Strasbourg, qui travaille en lien avec le CHRU de Nancy. Mais ce centre se situe plutôt au niveau 2 dans le dispositif prévu par le ministère. Les experts des 5 centres de références comme celui de Strasbourg, sont censés pouvoir prendre en charge les cas cliniques les plus graves, mais surtout avoir suffisamment de recul et d’informations pour faire de la recherche, prévoir des recueils de bonnes pratiques et des évaluations cliniques qui permettront d’améliorer et d’harmoniser la prise en charge des malades de Lyme au niveau national. Pour la députée "il est urgent d’investir de l’argent dans la recherche et la collecte de données épidémiologique afin d’avoir une meilleure compréhension de la maladie".
Plus de recherche en coopération avec les associations de malades
Elle propose notamment de s’inspirer des recherches conduites sur le "covid long" pour améliorer les connaissances sur les troubles chroniques associés à la maladie de Lyme et la création d’un registre régional des personnes qui en souffrent. Enfin, elle suggère fortement que tout ce travail se fasse sans prise de position pour ou contre les "lymes chroniques", mais plutôt en coopération avec les différentes associations de malades comme France Lyme ou Lyme sans frontières ou Chronilyme.
Enfin, il lui parait urgent de « mettre en place des outils de détection des situations d’errance via l’exploitation des données de la CNAM et inciter les ARS à développer une expertise du phénomène ».
Les deux dernières recommandations du rapport vont faire plaisir aux associations de malades car elles préconisent que sur la base de cas cliniques, "on puisse définir une offre thérapeutique initiale permettant de traiter les patients affectés par une symptomatologie somatique persistante, et garantir son remboursement par la sécurité sociale". Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui . Une situation qui pousse de nombreux malades, notamment en Moselle Est ou dans les Vosges qui recensent le plus grand nombre de personnes piquées par les tiques ( plus de 5000 par an en Grand-Est) , à aller se faire soigner de l’autre côté de la frontière chez nos voisins allemands, pour des sommes parfois exorbitantes.
Pour Nicole Trisse, "la France doit pouvoir proposer un parcours de soin et une prise en charge digne de ce nom aux malades de Lyme ou de quelconque maladies vectorielle véhiculée par les tiques" ( car il y a d’autres maladies que la borréliose…). Une prise en charge psychologique lui parait également indispensable pour permettre aux patients de retrouver une vie normale. Car les symptômes parfois divers, diffus et pourtant très invalidants, finissent par avoir un effet délétère sur le mental.
Elle rappelle l’urgence de la situation qui coûte déjà très cher au système de santé, entre l’errance médical et les arrêts maladie pour ceux qui ont des problèmes graves neurologiques. Plus de 900 personnes ont été hospitalisées dans ce cadre en 2019, pour notamment des problèmes cardiaques.
Nisole Trisse a reçu l’assurance du Président Emmanuel Macron pour le financement de recherches sur les maladies vectorielles et s’en réjouit. Des groupes de travail se basant sur le rapport devraient avoir lieu dès l’automne.