Marne : des cours de code informatique à l'école, "pour mieux comprendre notre monde numérique"

Delphine Thibault est enseignante à l'école Lavoisier de Châlons-en-Champagne (Marne). Ce vendredi 8 octobre, elle a entamé un cycle de quatre semaines de cours de code informatique à destination de ses élèves.

La Semaine européenne du code (ou Code week) vient de commencer et doit durer jusqu'au 24 octobre 2021. Son but : favoriser l'apprentissage du code - ou programmation - informatique, entré officiellement au programme scolaire.

Enseignante depuis 2010, Delphine Thibault s'inscrit pleinement dans cette démarche. Chaque vendredi à partir de ce 8 octobre, pendant quatre semaines, elle va initier ses élèves de CM1-CM2 au code. C'est "riche d'enseignement", et ça fait quatre ans que ça dure. 

Ça tombe bien : un fab lab (en français et en forme longue, un laboratoire de fabrication) rempli d'outils informatiques se trouve à l'école primaire Lavoisier de Châlons-en-Champagne (Marne). Il s'agit de l'établissement où enseigne la professeure de 36 ans (à voir sur la carte ci-dessous).


France 3 Champagne-Ardenne a interrogé Delphine Thibault sur sa démarche pédagogique.

Que faites-vous avec vos élèves ?

"Je propose un projet un petit peu particulier, en lien avec la Code week. Tous les vendredis, on va au fab lab de notre école, où on peut faire de la création numérique, de la programmation, de l'impression 3D. Aujourd'hui, on a fait de la programmation d'objets, et de la programmation de déplacement de petits personnages."

Je débarque. C'est quoi, du code ?

"Le codage, c'est donner des instructions à une machine, ou un robot, ou un objet connecté. Pour qu'il fasse ce qu'on a décidé qu'il fasse."

Et vous avez fait quoi, au juste ?

"Par exemple, ce matin, il y avait un petit jeu pour déplacer un personnage dans un univers, en évitant des pièges. Et il y avait de la programmation d'objets où l'idée était d'animer un petit astronaute dans l'espace, qui fait coucou avec son bras : il était branché sur un servomoteur programmé pour bouger."

En quoi ça a consisté, précisément ?

"Ce matin, on a eu deux activités parallèles, une autonome et une guidée. L'autonome, c'était du codage avec le matériel Osmo. Des petits jeux interactifs qui allient le numérique et la manipulation d'objets. Ils ont de vrais objets dans les mains, des flèches directionnelles donnant les déplacements du personnage. Un personnage qui est dans l'interface de la tablette. Avec un capteur positionné sur cette tablette, l'application reconnaît que l'enfant a initié un déplacement. Et ça lui dit si c'est bon ou s'il faut changer des choses."


"De l'autre côté, on avait des micro-contrôleurs. L'idée est de programmer un petit moteur pour qu'il bouge selon ce qu'ont décidé les enfants. Généralement, ils ont décidé de bouger le bras d'un astronaute perdu dans l'espace. Il fait coucou à l'auditoire."

Pourquoi ne pas réaliser un projet de fin d'année ?

"Je ne le ferais pas en expo pour une fête d'école. Mais comme on peut accueillir à nouveau dans les écoles, avec un protocole sanitaire moins strict, je vais proposer des portes ouvertes numériques dans la classe. Pour que les parents puissent venir voir ce qu'ont fait leurs enfants, mais aussi faire avec eux. Ce que je trouve intéressant, c'est que l'enfant va apprendre à son parent à coder, c'est très valorisant pour l'enfant. Et c'est rare que les parents aient des compétences en programmation."

Quelles compétences y gagnent les élèves ?

"Il y a beaucoup de compétences de logique : quelle action doit aller avant une autre, de quelle façon donner tel ordre... On fait du français, il y a des compétences langagières : tout passe par le langage oral, ou corporel. Par exemple on joue au jeu du robot avec un enfant qui va donner l'instruction, et un autre exécute l'action donnée à l'oral."

"Il y a aussi des compétences mathématiques, selon le projet. Par exemple, dans le projet de ce matin, il y a de la spatialisation : droite, gauche, devant, derrière, dessus, dessous... diagonale, etc. Il y a aussi des compétences en termes de temps : dans la programmation du bras de l'astronaute, il faut donner un laps de temps dans une certaine unité. Il faut donc des conversions de mesure... Ainsi que des mesures d'angle : le bras va-t-il bouger à 90 degrés ?"

On fait du français, il y a des compétences langagières.

Delphine Thibault, enseignante à l'école Lavoisier

"Il y a un mélange, c'est vraiment des projets pluridisciplinaires. Et j'ai rajouté des compétences artistiques, pour présenter ça de manière jolie."

Que dîtes-vous aux parents demandant "apprenez-leur à écrire correctement au lieu de coder" ?

"Je dirais que c'est par ce genre de projets que les enfants sont motivés pour faire quelque chose. C'est là qu'on apprend le langage : il y est, dans ce projet. Apprendre à formuler une instruction, c'est du français."

Qu'est-ce que ça apporte d'autre ?

"On leur apprend aussi à utiliser de manière intelligente le numérique. On dit toujours que les écrans, c'est mauvais. Non, seulement si on fait des choses inutiles ou pas intelligentes..."

"Là, les enfants apprennent à comprendre le monde qui les entoure. Par exemple, quand je leur explique comment fonctionne la petite carte programmable que je leur donne, je prends l'exemple d'une porte automatique dans un magasin. Et tout de suite, ils sont capables de verbaliser : c'est un capteur qui reconnaît quand quelqu'un est là, qui donne l'instruction d'ouvrir la porte pendant X secondes, puis de se refermer..."


"Je pense donc que ça participe, au contraire, à comprendre le monde qui les entoure. Qui est numérique dans tous les cas, et qui le sera encore plus quand eux vont travailler. Ils auront déjà ces bases-là pour la suite."

Quels sont les retours ?

"Ça plaît : c'est indéniable. Certains élèves sont parfois un peu frustrés en entrant au collège, quand ce n'est plus aussi pratique, on va dire. On s'y heurte à des cours plus théoriques. Et c'est dommage, car ce sont des élèves à qui on a appris à faire des tas de choses. J'ai parfois des anciens élèves qui reviennent au fab lab de Châlons-en-Champagne parce qu'ils veulent continuer à créer, inventer leurs propres choses. C'est le meilleur des retours, pour moi, car personne ne leur demande de venir.  

Et les parents ?

"Je pense qu'ils peuvent être surpris au début, voire un peu frileux, car leurs enfants apprennent ce qu'eux-mêmes ne connaissent pas. Mais ils voient qu'on a créé des choses utiles. Par exemple, l'année dernière, on a créé un capteur d'humidité pour les plantes de la classe. Ça parle à tout le monde... mais tout le monde ne sait pas le faire. J'ai donc un retour positif des familles : c'est technique et abordable, et elles sont contentes que leurs enfants sachent faire ça."


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