C’est un grand tonneau de bois. À Chigny-les-Roses, dans la Marne, un foudre de chêne exceptionnel par sa taille a été retrouvé à l'occasion d'une succession. Il faut réunir 50.000 euros pour le restaurer. Une souscription est ouverte, via la Fondation du Patrimoine.
Le règlement d’une succession réserve parfois des surprises. En effet, c’est lors de l’inventaire de la succession de Françoise Legros, décédée à 95 ans, en 2020, qu’a été retrouvé un foudre comme on en voit peu. "Au 19e siècle, il y avait au village, une Maison Legros-Pagnon, orientée négoce", raconte Vincent Guy, le maire de Chigny-les-Roses, une commune de la Montagne de Reims qui compte une quarantaine de maisons de champagne. "Au début du 20e siècle, la Maison a périclité. Dans la demeure, sous la poussière, le foudre, on ne le voyait plus. Après sa mort, des personnes du village l’ont fait découvrir à la famille de Françoise Legros."
À l'intérieur, il y a encore des odeurs de vins, après 100 ans.
Vincent Guy, maire de Chigny-les-Roses
Après la vente de la propriété et de ce qu’elle contenait, l’ouvrage, qui représente un bel exemple d’artisanat de grande qualité, a été proposé à la commune. "On était très intéressés par ce don", explique le maire. "Après un petit temps de réflexion, on a accepté". Le choix de le restaurer avant de l’exposer a nécessité le recours à un spécialiste.
Restauré en Normandie
"En Champagne, les tonneliers sollicités pour la restauration ne se sont pas déclarés compétents. A partir d’une certaine taille, on change de métier", déclare Vincent Guy, le maire de Chiny-les-Roses. Mais au début de l’année 2021, un équipementier de cave a communiqué le nom de Valéry Desfrièches au maire du village marnais de 570 habitants. Il le connaissait pour l’avoir rencontré sur des salons.
Ce tonnelier-foudrier est un expert dans ce domaine. Il possède un atelier classé "Entreprise du Patrimoine Vivant", près de Lisieux, dans le Pays d’Auge. Dans cette région où le cidre est roi, ce fils et petit-fils de distillateur a, depuis 35 ans qu’il exerce, réalisé de nombreuses choses d’exception. La découverte du foudre de Chigny-les-Roses, haut de 3 mètres, l’a enthousiasmé.
"Cela fait des émotions. On voit qu’il y avait des gens qui savaient travailler, et des clients qui savaient investir. Des pièces d’exception comme celle-là, il n’y en a pas partout", indique Valéry Desfrièches. "C’est chez Adolphe Fruhinsholz, le mentor de la tonnellerie française, que ce foudre de chêne a été réalisé, à Nancy, dans les années 1850". Cet objet unique partira dans les prochaines semaines pour la Normandie. C’est donc près de Lisieux qu’il sera restauré. En attendant, la commune de Chigny-les-Roses compte réunir 50.000 euros pour cette opération.
Un puzzle de chêne pas standard
"Le foudre ne sortira pas du bâtiment qui l’abrite sans être démonté", raconte le maire. C’est donc un véritable puzzle de bois de chêne qui prendra la route de la Normandie. "L’ossature est à priori en bon état", confie-t-il. Et il ajoute avec émotion : "A l’intérieur, il y a encore des odeurs de vins, après 100 ans. Les cerclages métalliques sont à vérifier, et les pieds, au sol ont travaillé. Il faudra les refaire en partie ou en totalité."
Cela fait des émotions. On voit qu'il y avait des gens qui savaient travailler.
Valéry Desfrièches, tonnelier-foudrier
Tout ce travail a un coût. Un gros budget de 50.000 euros. La commune a déjà reçu un chèque de 10.000 euros du Club des mécènes de la Marne, de la Fondation du Patrimoine et de la Mission UNESCO.
Une souscription, via la Fondation du Patrimoine, est ouverte aux particuliers et aux entreprises. Elle a déjà récolté plus de 6.000 euros.
Restent les institutionnels, et de ce côté-là, les choses ne sont pas simples. "Notre foudre suscite de l’intérêt", dit le maire, "mais c‘est plus facile d’obtenir une subvention pour faire restaurer une église. Nous devons constituer un dossier avec un objet atypique, pas facile à faire entrer dans des formulaires administratifs".
Un site pour l’exposer
Le foudre restera quelques mois en Normandie pour sa restauration. Il sera exposé à son retour, à Chigny-les-Roses, fin 2022. "Le site définitif n’est pas encore validé", indique Vincent Guy. "Ce qu’on souhaite, c’est qu’il soit accessible, visible par le plus grand nombre, en principe à l’extérieur, et sous abri". Pas question d’exposer aux intempéries cette remarquable réalisation ! Un élément du patrimoine vinicole champenois pour lequel il faut encore trouver quelques dizaines de milliers d’euros. La commune aimerait pouvoir réunir au moins la moitié des 50.000 euros nécessaires à sa restauration.