"C'est pour les adultes" : plus qu'un manga, voici pourquoi "Berserk" est un phénomène

Le manga "Berserk" de Kentaro Miura va bientôt fêter ses 35 ans : la sortie du 42e tome le mercredi 10 juillet a été un véritable évènement. Décryptage du succès de cette saga très sombre avec un libraire de Reims (Marne).

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Si vous voulez offrir un manga à vos petits-enfants, surtout, n'optez pas pour celui-ci. Berserk est réservé à un public averti, si ce n'est adulte. 

Née le 1er octobre 1989 (bientôt 35 ans au compteur) sous la plume du mangaka Kentaro Miura, la saga a vu son tome numéro 42 sortir le mercredi 19 juillet 2024. Un véritable évènement dans les librairies : le succès n'atteint pas celui d'One Piece, manga de tous les records en France, mais l'engouement est incontestable.

De quoi parle-t-on ? "C'est un manga de dark fantasy", explique Valentin Fauvet, libraire de Bédérama, à Reims (Marne), à France 3 Champagne-Ardenne. "Un genre de récit avec des chevaliers, des créatures, des elfes... Mais c'est beaucoup plus sombre, beaucoup plus dur dans le contenu, dans le propos, dans le dessin." On le reconnaît entre mille, tout de noir et de blanc (avec mille nuances de gris), et empli de détails... parfois perturbants. 

Des thèmes très sombres

Si on reprend la classification nippone, Berserk est un seinen, dédié et lu principalement par et "pour des jeunes adultes" de sexe masculin. Et ce manga-là est particulièrement "violent, très sombre, très dur. Il y a des scènes vraiment compliquées par moments." Lesquelles prennent place dans un décor typiquement européen, rare dans les mangas les plus populaires : un internaute pense même avoir repéré la cathédrale Notre-Dame de Reims comme inspiration d'un des édifices présents. 

L'histoire, c'est celle "d'un monde où il y a des chevaliers, des mercenaires. On suit l'un d'entre eux, qui se retrouve avec une armure démoniaque. Elle déclenche une sorte de malédiction, et le pousse à affronter un grand ennemi."

Au programme des réjouissances : "violence, vengeance, résilience, pas mal de sexe dont du viol, magie noire et rituels sataniques, et énormément de batailles". On comprend mieux pourquoi le vidéaste Alterhis, un adepte de l'uchronie dont France 3 Champagne-Ardenne avait déjà parlé, a fait une place de choix au monde de Berserk dans sa vidéo sur les pires univers de fiction où vivre (visible ci-dessous).

Au centre de l'œuvre, on retrouve surtout la persévérance du héros, le fait qu'il doive "dépasser ses limites et surmonter pas mal de traumatismes tout au long de sa vie". Un héros qui a sa part obscure, contrairement à des mangas plus prisés du grand public comme One Piece ou Dragon Ball Z... nettement "plus positifs".  

Le perfectionnisme à son apogée

Mais pourquoi trouve-t-on autant d'engouement pour ce concentré de violences ? "Il est extrêmement culte, au Japon comme en France. C'est probablement le plus grand manga de dark fantasy. Il en existe plein d'autres, mais pas avec un tel niveau de graphisme et de détail. Ce qui fait toute la force de Berserk, c'est l'écriture, son histoire profonde, et surtout le dessin."

"Quand on prend un tome et qu'on le feuillette, je comprends qu'on ne veuille le fermer et ne jamais en rouvrir un autre. Mais quand on prend le temps d'analyser les planches : leur structure, leur design, le story-board en général... On sent que chaque centimètre carré a été pensé comme tel, pour cette planche-là. S'il y a ce personnage et cet angle, c'est qu'il fallait que ce soit ça et pas autre chose. C'est probablement l'un des mangas les plus aboutis d'un point de vue graphique. Et ça explique aussi qu'on n'ait eu que 42 tomes" en autant de temps, si l'on compare aux 108 tomes de One Piece

C'est probablement l'un des mangas les plus aboutis d'un point de vue graphique.

Valentin Fauvet, libraire à Bédérama

"Quand il était encore vivant, l'auteur pouvait passer six mois sur un chapitre de 25 à 30 pages. Quand il arrivait le matin devant sa planche, tout sortait directement de son imagination. La rumeur - confirmée depuis - dit qu'il pouvait passer trois mois sur une seule case ou planche pour qu'elle soit parfaite. Il n'y a pas un seul élément de tous ses tomes qu'il a regretté." 

Le libraire en est persuadé, si un jour une exposition se monte avec les dessins de travail et originaux du créateur, "pour les fans, je pense que ce serait comme d'aller au Louvre et voir la Joconde. C'est le même niveau de dessin et de détail. C'est incroyable à voir en planche." 

L'oeuvre survit à son créateur

Il n'y a pas eu de révolution à la mort de Kentaro Miura, le 6 mai 2021, après une rupture aortique aussi soudaine qu'imprévisible. Il n'avait même pas 55 ans. Ses funérailles se sont conclues dans la stricte intimité avant que la nouvelle ne soit annoncée, histoire que des hordes de fans ne déferlent pas lors des funérailles façon Johnny Hallyday. Sur des jeux-vidéos qu'il a inspirés, comme Elden Rings, des rassemblements virtuels de ses fans avaient eu lieu pour lui rendre hommage. "C'était un choc pour tout le monde, on le pensait éternel. Mais ce n'est qu'un homme..." (retrouver l'un de ses dessins et entretiens dans le tweet ci-dessous)

"Son meilleur ami connaît la fin, les grands arcs : il a repris le manga, le supervise. Au niveau du dessin, ce sont toujours ses assistants du studio Gaga. Ils ont donc gardé le même rythme : un chapitre tous les huit à neuf mois, ils mettent beaucoup de temps pour que ça soit parfait. C'est à chaque fois un petit évènement, car on n'en a pas eu depuis longtemps." 

Le tome 41 est le dernier sorti par son créateur (à titre posthume), il s'est vendu en de très nombreux exemplaires; et le 42 est le premier conçu par son entourage. On ne connaît pas encore ses chiffres de vente précis qui permettraient de confirmer que l'engouement est toujours là, mais Valentin Fauvet précise que la vente événementielle de ce tome, la veille, "a été un carton". On "ne peut pas savoir" quand la saga prendra fin.

Chez Bédérama, on vend en moyenne trois tomes de Berserk par jour. Le phénomène continue de faire dépenser beaucoup. Même en l'absence de produits dérivés nombreux : Kentaro Miura était "très protecteur de son œuvre" et il y a donc bien moins de merchandising que pour One Piece, toujours lui.

De son côté, Valentin Fauvet se dit fan, suit les publications japonaises du manga, et a bien sûr tout lu. "C'est un classique. Ça fait partie des mangas qu'il faut avoir lu, ne serait-ce que le premier tome, quand on veut être libraire." Ce manga, et le manga en général, est donc bel et bien un produit culturel qui ne mérite pas les stéréotypes qui régulièrement associés : c'est une littérature comme une autre.

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