Coronavirus : à Reims, les bénévoles de la maraude citoyenne continuent malgré le confinement

Si le confinement a mis à l'arrêt une bonne partie de la cité des sacres, il n'a pas mis fin à la précarité. Les bénévoles de la maraude rémoise s'activent trois fois par semaine pour venir en aide aux plus démunis. Reportage.

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Les odeurs de fromage fondu traversent le masque chirurgical. Alexandre ouvre le four où mitonne la dernière quiche qu'il a cuisinée dans la matinée de ce vendredi 10 avril. "On a découvert qu'ils adoraient les quiches au fromage", s'enthousiasme Zahia Nouri, présidente et fondatrice de la maraude citoyenne rémoise. Alexandre plante la pointe de son couteau dans la tarte salée. "Elle sera prête dans quelques minutes", juge-t-il.
 

Il retourne auprès de Myriam, une autre bénévole de "la maraude". Les deux Rémois, masque sur le nez, préparent des salades périgourdines dans des barquettes individuelles : œuf dur, gésiers de volaille, salade et vinaigrette maison, tandis que des haricots verts, des patates et des morceaux de bœuf réchauffent dans une marmite en inox. Tout est cuisiné sur place par Myriam, Alexandre et Zahia qui ajoute quelques feuilles de menthe dans la salade de fruits frais. "On en prépare beaucoup aujourd'hui, car il faut tenir tout le week-end", justifie la présidente.
 

Des bénéficiaires qu'il faut continuer à nourrir

Depuis le début du confinement le 17 mars, la maraude citoyenne rémoise ne chôme pas. Pourtant, la plupart des sans-domiciles dont s'occupe l'association ont été relogés dans des hôtels après quelques débuts difficiles. "Certains se faisaient contrôler plusieurs fois par jour par la police", raconte Myriam. "Il y en a même un qui a pris une amende..." Désormais, les bénéficiaires se déplacent les lundis, mercredis et vendredis avec leur attestation, fournie et tamponée par la maraude. "Les policiers nous connaissent maintenant", affirme Zahia Nouri, soulagée que "ses gars" se fassent moins contrôler.
 


Paulo vit depuis jeudi matin dans une chambre d'hôtel à Murigny. Dès leur arrivée, Coquille son chien, un Jack Russel, s'est précipité sur le lit. "Il n'y a pas de micro-ondes, c'est le seul truc qui est dommage. Mais la dame là-bas, elle est gentille avec moi, elle m'a dit que je pouvais lui donner mes produits frais pour les mettre au frigo", raconte Paulo à Myriam en brandissant la carte de sa chambre. Un relogement tardif qui s'explique pour deux raisons selon Myriam : le caractère exceptionnel de la situation et des bénéficiaires qui ont mis du temps à se manifester auprès des services de l'Etat. "Pour eux, le confinement c'est comme les plans grand froid. Ils sont relogés en urgence par le 115", détaille Myriam. "On continue les distributions car il faut bien qu'ils puissent manger."

Avec la crise sanitaire, elle a ajouté les pompiers, les policiers et les soignants à sa longue liste de bénéficiaires. "On avait reçu plus de 300 sandwichs de l'usine Daunat. On ne pouvait pas écouler auprès des bénéficiaires", explique Myriam. "Alors on s'est dit qu'on allait les donner à ceux qui sont sur le front", renchérit Zahia. Pour les pompiers, les bénévoles ont également cuisiné de grandes pizzas, qu'elle a partagées sur la page Facebook de l'association. Et même si elle a toujours besoin de dons en nature (nourriture, draps, produits d'hygiène), la Rémoise a refusé plusieurs propositions de coups de main. "Nous avons déjà suffisamment de bénévoles qui savent parfaitement ce qu'il faut faire et comment. Nous n'avons pas le temps de les former", tranche-t-elle.

  

Boire un café chaud et discuter

Brigitte et son compagnon, la conductrice et le créateur du camion-douche, sortent désormais le camping-car aménagé en douche ambulante tous les lundis, mercredis et vendredis. Une sortie hebdomadaire supplémentaire pour que les sans-domiciles puissent prendre une douche chaude et se changer avec les vêtement que Zahia a récupérés le mercredi avant de les laver à la machine. Ce vendredi, sous une chaleur inhabituelle pour un mois d'avril, Wissam est heureux de changer de chemise et prendre une douche chaude. Cela fait un an qu'il vit dans 12 mètres carrés sans électricité. "Même si j'avais du café je ne pourrais pas le réchauffer", constate-t-il. "C'est le seul endroit où je peux avoir du café chaud."

Sous un soleil de plomb, les bénéficiaires s'installent peu à peu sur les chaises installées à un mètre de distance. Tous se parlent de loin, rient, s'invectivent. "Petit à petit, les chaises se rapprochent", commente Zahia, sourire aux lèvres. "On leur rappelle de faire gaffe, mais bon." Car plus qu'une douche chaude et des vêtements propres, les rendez-vous de la maraude sont aussi des moments conviviaux. "Ça permet de discuter, de sortir de notre solitude. Pas seulement en période de confinement, aussi à l'année", sourit Wissam. "C'est difficile de pas les prendre dans les bras, de pas leur faire la bise", concède Zahia, avant de repartir désinfecter la douche. Plus que d'ordinaire, elle sait que ce sont ces petits gestes qui éviteront un drame au sein du groupe, aux membres si fragiles.

 
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