Directrice de musées, elle s'engage chez les sapeurs-pompiers volontaires pour aider à préserver le patrimoine en cas d'incendie ou d'inondation

Bénédicte Hernu, 45 ans, est directrice des trois musées historiques de Reims (Marne). Depuis le début 2024, elle est aussi sapeur-pompier volontaire, et peut intervenir ou anticiper tout ce qui concerne la préservation des lieux et biens culturels lors de sinistres.

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On peut être pompier en étant jeune, en étant une femme, en étant moustachu... Et également en étant conservatrice du patrimoine et directrice des musées historiques de Reims (Marne) : ce n'est pas incompatible. Depuis sa candidature en début d'année 2024 et son recrutement au 1er avril (ce n'est pas une blague), Bénédicte Hernu porte cette double casquette. Un engagement au service de la préservation de la culture, explique-t-elle.

Cette mission, elle l'avait déjà chevillée au corps. Âgée de 45 ans, elle est à la tête de trois structures muséales rémoises : musée Saint-Remi, musée du Fort de la Pompelle, et musée de la Reddition du 7 mai 1945. "En tant que conservateur du patrimoine, j'ai la responsabilité des collections qui sont conservées dans ces établissements, et de les rendre accessibles au public." 

Le sapeur-pompier volontaire (SPV) est parfois féminisé en sapeuse-pompière volontaire (même si c'est "peu euphonique" selon le Larousse). Leur mission est en tout cas, sur le papier, "de venir au secours de la personne, et également des biens", précise Bénédicte Hernu. "C'est le cas des malaises, des incendies", sans oublier les nombreux accidents de la route. 

Mais ce n'est pas tout à fait son cas. "Moi, je ne pars pas sur le terrain. Ma différence, c'est que je suis plus là sur le préventif que sur l'opérationnel. J'ai été recrutée en tant qu'experte patrimoine." Un poste peu répandu, que le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de la Marne a voulu médiatiser via les réseaux sociaux (voir la publication ci-dessous).

Le poste idéal au vu de ses études et de son travail. Elle sait de quoi il s'agit. "Je vais accompagner les sapeurs-pompiers dans la compréhension des problématiques de la conservation, sauvegarde, et évacuation des biens culturels en cas d'incendie, d'inondation, ou d'autres problématiques graves."

Elle cite l'exemple de l'incendie de Notre-Dame-de-Paris, qui a mis en lumière certains trous dans la raquette auxquels il était urgent de remédier. "On en a pris conscience pour nos musées, pour nos lieux patrimoniaux. Qu'on n'avait pas forcément anticipé l'évacuation de nos biens si jamais il venait à se produire quelque chose dans nos bâtiments. Le ministère a émis un certain nombre de recommandations, mais sans caractère obligatoire." Du moins pour l'instant.

Des plans de sauvegarde à rédiger

Il a donc fallu "rédiger des plans de sauvegarde du patrimoine culturel. Ils permettent d'évacuer priorité certaines œuvres que l'on juge prioritaires". Mais ces plans ne sont pas destinés aux archivistes, aux guides de musée, aux conservateurs ou conservatrices. Non : ce seront les pompiers qui suivront ce plan et entreront en action.

Qui doivent donc savoir quoi faire dans l'urgence, au milieu des flammes ou des flots. Chaque seconde compte. "Ils savent quoi faire pour porter secours aux personnes; moins pour évacuer des œuvres d'art, des objets patrimoniaux, des livres, des archives. Il faut donc faire le lien entre l'institution, et eux." Qui de mieux qu'elle pour assurer ce lien, en ce qui concerne ce département où se trouvent "de nombreux musées, des églises et monuments historiques, des centres d'archives et bibliothèques patrimoniales" ? 

Nous, on a des petits gants pour manipuler ces objets. Les pompiers, à leur arrivée sur site, non.

Bénédicte Hernu, directrice des musées historiques de Reims (et sapeur-pompier volontaire)

"Le monde du patrimoine, lui, va pouvoir comprendre les enjeux et problématiques des pompiers quand ils interviennent sur site. Nous, on a des petits gants pour manipuler ces objets. Les pompiers, à leur arrivée sur site, non. Dans un moment d'urgence, il paraît difficile à concevoir d'évacuer avec délicatesse les objets." Il faut donc tout anticiper, de l'apprentissage du décrochage d'une œuvre fixée ou suspendue à un mur, aux listes de matériel dont auront besoin les casernes pour remplir ces missions de préservation.

Sans oublier de lister les objets à sauver en priorité. Si Saint-Remi prenait feu, par exemple, une priorité serait d'évacuer la statue de tête du roi des Francs Lothaire, inhumé au Xe siècle au sein de la basilique Saint-Remi. Ou alors des tapisseries se rapportant à la vie de cet évêque important de la région, dont le rail a été conçu pour pouvoir les décrocher rapidement en cas d'urgence. "C'est compliqué pour un directeur d'établissement de devoir faire ce tri." Cela peut en effet constituer un dilemme de choisir une dizaine d'artefacts à épargner contre des centaines à potentiellement sacrifier, mais il n'y a pas le choix, "même s’ils sont extrêmement importants"

"Ma mission sera plus tournée sur la prévention que l'opération. Je vais intervenir le moins possible sur des bâtiments en feu, puisque le but, c'est que ça ne brûle pas... Là, on serait sur du dernier recours." Pour rappel, l'église historique de Drosnay (Marne) avait été réduite en cendres lors du mois de juillet 2023. Elle cite un exemple plus récent, "l'église de Neufchâtel-sur-Aisne, qui a brûlé il y a quelques semaines. Le Sdis de l'Oise est intervenu, avec un expert patrimoine appelé pour accompagner les pompiers sur place, qui venaient pour partie de la Marne, avec la sauvegarde des œuvres d’art."

La conservatrice est plutôt là pour tout préparer en amont : organiser des rencontres entre ces deux mondes, participer aux plans de sauvegarde... "Ils doivent être rédigés par les responsables des établissements, pas par les pompiers. Mais ces derniers peuvent leur faire comprendre leurs problématiques quand ils doivent intervenir sur site." 

Pour ce faire, Bénédicte Hernu disposera jusqu'à 30 heures par mois sur son temps de travail, "en cas de besoin. La mairie et l'agglomération de Reims ont signé une convention avec le Sdis. Elle permet aux sapeurs-pompiers, en cas d'intervention ou de formation, de pouvoir intervenir au titre des autorisations spéciales d'absence. Ma mise à disposition auprès du Sdis, si je peux dire, passe par cette convention de partenariat. Les réunions auxquelles je serai appelée pourront s'anticiper un minimum", pour ne pas trop impacter son travail. Sinon, le cas échéant, elle demandera l'autorisation de partir "comme n'importe quel sapeur-pompier, pour partir en intervention le plus vite possible".  

Déjà un (jeune) sapeur-pompier volontaire dans la famille

Les entreprises ou institutions qui voudraient se conventionner peuvent contacter le Sdis (appel au 03 26 26 27 80 ou courriel via le formulaire de contact). "Cela se fait beaucoup. Lors des incendies en Gironde, l'État avait remercié les entreprises qui avaient facilité le départ de leurs sapeurs-pompiers vers les sites concernés." 

Cette nouvelle casquette, c'est elle qui a décidé de la porter. Début janvier, en guise de "bonne résolution", elle a candidaté au titre d'experte patrimoine. "Mon fils est jeune sapeur-pompier volontaire. Cela m'a permis de découvrir cet environnement. Je m'en suis sentie proche du fait de mes missions quotidiennes de conservateur du patrimoine." Elle savait donc où elle mettait les pieds.

Son fils, âgé de 17 ans, est évidemment "fier" d'elle, "tout comme moi je suis fière de son engagement". Il l'avait d'ailleurs un petit peu aidée en lui expliquant quelles activités sportives elle aurait à passer.

Elle avait d'ailleurs précisé dans sa candidature qu'elle ne serait "pas forcément en capacité de mener les épreuves sportives à leur terme... Mais je les ai quand même passées, pour voir ce qu'est un recrutement de sapeur-pompier." Et elle les a réussies haut la main. "Je suis allée au bout ! L'épreuve écrite, le parcours sportif..." Elle a dû porter des dévidoirs de lances à incendie, ainsi qu'un sac simulant le poids d'un homme adulte. Et tester son vertige ou non en grimpant à une échelle. Elle a aussi passé des tests médicaux. Pas mal comme programme. Mais bien moins vaste que ce qui l'attend pendant les prochains mois et années pour préserver le patrimoine de la Marne. 

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