Si pour les ménages la hausse du prix du beurre est visible par l'absence des plaquettes dans les supermarchés, cette augmentation a aussi des répercussions chez les professionnels au niveau de leur budget. Tour d'horizon sur l'impact et le pourquoi de cette "crise" du beurre.
Des rayons vides, des clients dubitatifs. Le premier effet visible de la hausse du prix du beurre se ressent dans les supermarchés. Il devient, dans certaines enseignes, de plus en plus difficile de trouver des plaquettes. Mais cette augmentation a d'autres répercussions, chez les boulangers et les fabricants de biscuits notamment. Car le beurre est une matière première essentielle et son coût multiplié par deux impacte durement les budgets.
Voir le reportage de Johanna Albrecht et Philippe Cocquempot:
Quatre raisons peuvent permettre d’expliquer la pénurie de beurre en France :
1. Une baisse de la production :
Pour faire du beurre, il faut du lait. Or la production de lait a baissé en France en 2016. Une baisse qui peut s’expliquer par :
- La fin des quotas laitiers au sein de l'Union européenne avait provoqué une surproduction en 2015. Pour éviter de vendre à perte, les éleveurs ont réduit le volume produit ces dernières années.
- Mais aussi par les mauvaises conditions météo de 2015 et 2016, qui n’ont pas permis de rentrer du fourrage dans de bonnes conditions. Les vaches n’ont pas été nourries de la même façon et ont produit moins de lait.
2. Une explosion de la demande mondiale
Alors que l’offre de beurre est en baisse au niveau international, la demande, elle, a considérablement augmenté ces dernières années.
- D’une part parce que le beurre est devenu « tendance » : au lieu d’être synonyme de cholestérol et de prise de poids, il est réhabilité, voire considéré comme bon pour la santé. Aux Etats-Unis, par exemple, plusieurs études mettent en avant sa haute teneur en vitamine A (bonne pour la croissance osseuse) et ses pouvoirs antioxydant. Les consommateurs achètent récemment donc plus de beurre.
TIME's new cover: Eat Butter—new science shows fat isn’t what’s hurting our health http://t.co/ucTiTBaCSN pic.twitter.com/E0LAfw17bw
— TIME (@TIME) 12 juin 2014
- D’autre part, la consommation de viennoiseries a particulièrement augmenté en Asie. Les consommateurs asiatiques découvrent de plus en plus ces spécialistes boulangères européennes, et la demande augmente. Jean-Marie Le bris, directeur des produits grande consommation chez Laïta et la marque Paysan breton confiait par exemple à nos confrères des Echos le 12 octobre dernier : « La demande mondiale a augmenté de 5 % sur les douze à dix-huit derniers mois, tandis que l'offre a reculé simultanément de 5 %. C'est gigantesque ».
Avec ce marché tendu, les prix du beurre s’envolent.
3. La grande distribution ne suit pas l’inflation des prix.
Le prix du beurre industriel a donc augmenté de 172 % ces 18 derniers mois. La tonne de beurre est passée de 2 500 euros en avril 2016 à 6 800 euros en septembre 2017. Les prix de la plaquette devraient donc logiquement augmenter dans les rayons des supermarchés.
Sauf que la grande distribution fixe le prix des produits une seule fois par an. En 2017, c’était en février. Depuis, la grande distribution ne suit pas l’augmentation des prix.
Les fournisseurs de matière première ne livrent donc plus la grande distribution et donnent la priorité aux marques « en propre », plus flexibles sur les prix, plutôt qu’aux marques distributeurs.
4. La priorité est donnée au fromage
Le manque de lait, la matière première, oblige les industriels à faire des choix. Ils privilégient donc la fabrication de fromage à la fabrication de beurre. Sources : institut Statista 2013 & CNIEL, centre national interprofessionnel de l’économie laitière.
Deux raisons expliquent cela :
- La première, c’est que fabriquer du fromage demande moins de lait que fabriquer du beurre : il faut en effet 22 litres de lait pour 1kg de beurre alors qu’il faut 8 L de lait pour 1kg de camembert.
- La seconde raison, c’est la demande : même si les Français sont les premiers consommateurs de beurre au monde, ils en mangent tout de même moins que le fromage.
En 2013, les Français consommaient 25,9 kg de fromage / habitant / an alors qu’ils ne consomment « que » 7,9kg de beurre / habitant /an.