Guide Michelin : pourquoi y a-t-il autant de restaurants étoilés dans la Marne ?

Le guide Michelin a dévoilé ce lundi 28 janvier son palmarès 2020. La Marne compte 9 restaurants étoilés. C'est exceptionnel pour un département d'une telle taille. Un restaurant 3 étoiles, deux restaurants 2 étoiles désormais. Comment expliquer une telle concentration de chefs étoilés ? Interview.

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Le palmarès du guide Michelin 2020 a été dévoilé au cours d'une cérémonie solennelle au pavillon Gabriel à Paris en présence de nombreux chefs. Et une fois de plus, le département s'est taillée une jolie place. C'est même l'un des mieux dotés en chefs étoilés en France. Une concentration de grandes tables qui étonnent et qui participent à la rénommée de la Marne. 

Sur plus de ses 8000 km2, la Marne compte 9 restaurants distingués dans le guide rouge. Dont bien sûr l'unique 3 étoiles de la région : la prestigieuse "Assiette Champenoise" d'Arnaud Lallement à Tinqueux. Une distinction que le chef a obtenu, il y a 6 ans. 

Mais l'événement en cette année 2020, c'est la promotion du chef Kazuyuki Tanaka du restaurant "Racine" à Reims qui obtient sa 2ème étoile pour sa cuisine franco-japonaise. Son restaurant rejoint les célèbres "Crayères" du Chef  Philippe Mille. 

Les 6 autres établissements possèdent 1 étoile :
- Le Royal Champagne à Champillon
- Le Millénaire à Reims
- Les Berceaux à Epernay
- Le Grand Cerf à Villers-Allerand
- Le Foch à Reims
- Jérôme Feck à Châlons-en-Champagne


3 questions à Christian Barrère, chercheur spécialiste de l’économie du goût à l’université de Reims Champagne-Ardenne


- Quand on regarde la situation géographique des restaurants étoilés dans la Marne, on se rend compte qu'ils sont principalement au cœur des villes ou du vignoble. Est-ce que cela pourrait expliquer la forte concentration de restaurants étoilés dans la Marne?

C.B : Quand on essaie d'étudier la concentration des établissements, il y a deux effets qui se dégagent. Un premier effet de type patrimoine. Il y a des régions en France dans lesquelles il y a soit des ressources locales comme des cèpes, des truffes etc. soit des recettes locales comme la cuisine du sud-ouest ou la cuisine lyonnaise. Ou encore des vins, on pense à la cuisine bourguignonne et à la cuisine bordelaise, qui constituent des patrimoines et ça attire des chefs à fort potentiel mais cela ne suffit pas.

Si vous prenez la ville de Courchevel (Haute-Savoie), il y a 17 étoiles dans une même ville. Mais ce ne sont ni le génépi ni la fondue savoyarde qui vont expliquer ça. Il y a donc un second effet, qui est un effet clientèle. La grande cuisine coûte cher, il faut avoir des débouchés pour pouvoir maintenir son activité. Il y a de grands chefs qui ont fait faillite. Pierre Gagnaire qui a fait faillite parce qu'il était à Saint-Etienne, où il n'y a pas une clientèle régulière capable de dépenser suffisamment d'argent pour équilibrer ses comptes. Ce qui explique d'ailleurs que beaucoup de grands restaurants se délocalisent vers la Côte d'Azur ou les grandes métropoles.

Dans la Marne, il y a ces deux effets qui jouent et qui se coagulent autour de ce qui booste cette région sur un plan gastronomique : c'est tout d'abord le champagne.
 

L'image du champagne booste la gastronomie locale, c'est une évidence.
- Christian Barrère, chercheur spécialiste de l’économie du goût à l’université de Reims Champagne-Ardenne


C'est une marque internationale qui possède une aura extraordinaire et notre vin pétillant attire une clientèle considérable. Donc on vient à Reims parce qu'il y a du champagne. Et autour de l'image du champagne, tout un patrimoine gastronomique s'est constitué et organisé avec la venue de chefs de talent.


- Quelle est la place de la culture dans ce mécanisme ?

C.B : Il faut effectivement parler aussi du patrimoine culturel parce que la gastronomie fait partie du patrimoine culturel. Des gens viennent spécialement pour cela. Des Français mais aussi des étrangers. On sait qu'aujourd'hui, de plus en plus de clients venant dans des deux et trois étoiles sont des étrangers. Dans le même temps, ils vont pouvoir bénéficier des musées, des monuments, de la basilique Saint-Remi, de la cathédrale Notre-Dame, l'Art nouveau, le vignoble. C'est un tout ! Mais c'est bien le champagne qui reste la locomotive. Le patrimoine culturel reste un complément indispensable. 
 

Mettre en valeur notre patrimoine culturel favorise la venue de touristes, cela créé un environnement favorable pour l'installation de grands chefs.
- Christian Barrère, chercheur spécialiste de l’économie du goût à l’université de Reims Champagne-Ardenne


Il ne faut pas oublier non plus que pour les touristes parisiens, Reims est plus proche que Versailles. Reims, c'est à proximité immédiate de Paris. L'effet TGV est là, et les touristes passent par Reims pour un week-end ou quelques jours. 


- C'est donc la demande qui crée le prestige de l'offre ?

C.B : C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on présente la gastronomie comme une affaire de grands chefs, de talent, évidemment ça joue. Mais il y a des données économiques de plus en plus contraignantes. Cela coûte très cher d'ouvrir un grand restaurant. Cela suppose des investissements considérables. Faire de la grande cuisine a un coût car elle est très longue à préparer. Des coûts qu'il faut couvrir. Donc l'aspect rentabilité est décisif, il faut être capable de drainer suffisamment de clients.
 

Ce sont désormais plus les talents qui bougent, les chefs, que les clients.
- Christian Barrère, chercheur spécialiste de l’économie du goût à l’université de Reims Champagne-Ardenne


Les chefs se déplacent pour aller à la rencontre de ces clients potentiels. A Saint-Tropez, il n'y avait pas de talent culinaire particulier, mais il y a des gens qui ont de l'argent dans le golfe. C'est pourquoi, il y a plusieurs restaurants étoilés. C'est comme ça sur toute la riviera. On a une sorte de polarisation en France sur les grands bassins de clientèle et cela devient de plus en plus difficile au contraire dans les endroits isolés de maintenir une activité gastronomique importante. 


 
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