Le 19 septembre 1914, il y a 110 ans jour pour jour, le bombardement de la cathédrale de Reims déclenche un violent incendie. Les dégâts sont considérables. Il faudra de longues années pour remettre en état l'édifice religieux.
En 1914, la bataille de la Marne est un succès pour les Français. Le 10 septembre, les Allemands ont quitté Reims laissant des prisonniers derrière eux. Le répit est toutefois de courte durée, la bataille reprend le 14 septembre. Reims est sous le feu de l'ennemi.
"Le moment où cela s'est vraiment intensifié, c'est le 19. Il y a eu vraiment des bombardements extrêmement intenses. On a dit qu'il y avait un obus toutes les cinq secondes", raconte l'historien Jean-François Boulanger.
Cette pluie d'obus n'épargne pas la cathédrale. Aménagée en hôpital par les Allemands, elle est encore occupée par des blessés. "Il y avait de la paille à l'intérieur pour ce fameux hôpital qui entre-temps abritait des prisonniers allemands. Aussi, il y avait des échafaudages sur la tour nord, celle où se trouve l'ange au sourire. À partir de là, l'incendie s'est déclenché. En une demi-heure, il concernait la toiture. On a eu une heure et demie pour évacuer les gens hospitalisés à l'intérieur et les vases sacrés les plus précieux", détaille Jean-François Boulanger.
Des dégâts considérables
La chaleur intense fait fondre le plomb de la toiture, qui se déverse dans les gargouilles. L'un des plus beaux joyaux de l'art gothique a perdu de sa superbe. La cathédrale des sacres des rois de France offre un spectacle désolant. "La cathédrale est ouverte à tous les vents. En hiver, il gèle. Ensuite, il y a un dégel. On sait qu'à ce moment-là il y a des pierres qui peuvent tomber. C'est ainsi que peu à peu, la situation de la cathédrale devient de plus en plus dramatique", précise l'historien.
Le réflexe est de sauver ce qui peut l'être. Les périodes d'accalmie sont l'occasion pour l'armée d'évacuer les vestiges et tout ce qui a encore une valeur. "À un moment donné, on s'est dit qu'il faut éviter qu'il y ait plus de dégâts qu'on en avait. Donc on a enlevé tout le mobilier. Par exemple, l'orgue ou l'horloge. On a également enlevé les vitraux. On les a numérotés pour pouvoir les replacer et les restaurer".
Le défi de la reconstruction
Le monde entier sera au fait du martyr de la cathédrale. À la fin de la guerre, une question se pose : faut-il la reconstruire ? "Des gens veulent qu'on fasse de la cathédrale une sorte de lieu de mémoire de la barbarie allemande, donc la laisser en l'état. Comme on a laissé après la Deuxième Guerre mondiale le village d'Oradour-sur-Glane, relate Jean-François Boulanger. De l'autre côté, l'archevêque de Reims, Monseigneur Luçon, dit que cette cathédrale doit retrouver sa fonction de départ. Elle symbolise tout un pan de l'histoire de France et de l'histoire chrétienne de la France. Cette histoire doit continuer."
Le culte est de nouveau célébré dans la cathédrale à Noël 1919. Mais les travaux sont loin d'être achevés. Une charpente en béton armé viendra notamment remplacer celle en bois qui a brûlé, une technique avant-gardiste pour l'époque.
C'est la troisième charpente de la cathédrale. "Pour un médiéviste, cette charpente est moderne", s'amuse Patrick Demouy, professeur émérite d'histoire du Moyen Âge et grand spécialiste de la cathédrale de Reims. "La première, une charpente en chêne a brûlé en 1481 accidentellement. La seconde en 1914, malheureusement nous le savons. Celle-ci a été reconstruite par Henri Deneux dans les années 1920, dans une technique très particulière." Il faudra attendre 1938 pour que la cathédrale soit officiellement inaugurée.