Mi-juillet, l'association La Luciole a mis en ligne une cagnotte participative. Elle vise à créer à Reims (Marne) un tiers-lieu sous la forme d'un café-librairie. Un endroit semblable existe dans la région : Chez Josette, à Charleville-Mézières (Ardennes).
Derrière chaque projet, il doit souvent y avoir un financement. Tout solidaire qu'il soit, celui de l'association La Luciole, à Reims (Marne), n'y échappe point.
Depuis le mois de juillet, la création d'un café-librairie est conditionnée, via une cagnotte en ligne, à la récolte de 16 000 euros. En quelques semaines, plus de mille euros ont déjà été engrangés.
L'une des porteuses du projet, Cécile (une des trois co-présidentes de l'association), raconte à France 3 Champagne-Ardenne que "c'est un tiers-lieu qu'on imagine depuis un moment. Un lieu solidaire, d'accueil, pour que les gens puissent venir boire un café à prix libre, se poser, discuter, organiser des réunions..." Ça, c'est pour la partie café. Plusieurs associations rémoises se sont montrées intéressées pour se réunir périodiquement dans un tel endroit.
Un endroit engagé
"On trouvera une librairie qui sera dédiée à des maisons d'édition alternatives. On propose de sortir de la pensée unique des grands éditeurs." On n'y trouvera donc pas le dernier Musso. "On veut plutôt permettre aux petits éditeurs d'avoir un lieu de diffusion. Et mettre en avant nos valeurs : solidarité, entraide, partage." Des valeurs assumées "de gauche".
Un questionnaire a été diffusé aux membres et contacts de l'association - créée en février 2023 - pour construire de manière participative ce qu'on pourrait trouver dans les rayons. Il est toujours possible de proposer d'autres auteurs ou autrices. "On nous a dit que ce serait super d'avoir une librairie qui parle de féminisme, ou d'écologie. De décolonialité, aussi." Selon un podcast de France Culture, il s'agit d'une déconstruction de l'euro-centrisme, notamment. Par exemple, se montrer critique de la notion de "découverte" de l'Amérique, un continent déjà habité par des autochtones bien avant l'arrivée des Espagnols en 1492 ou des Vikings autour de l'an 1000.
Ce lieu "ouvert et correspondant aux attentes des gens" manque actuellement à Reims, selon Cécile. "J'habite à Reims depuis 2012 et je n'en vois pas qui corresponde vraiment." Elle a eu "du mal à trouver des lieux" pour organiser des débats lors des différentes élections. "Même les bars n'avaient pas forcément envie de nous accueillir." Également membre d'une association écologiste, elle regrette "d'avoir du mal à trouver un endroit où on peut se retrouver".
La question du financement
La somme recherchée est loin d'être anecdotique, et pourrait tempérer certains enthousiasmes. "On recherche 16 300 euros pour avoir assez de trésorerie et être sûr de tenir au moins six mois. Avant d'être connu, et que ça commence à tourner commercialement."
L'association se refuse également à toute demande de subvention officielle. "On n'a pas envie d'être subordonné à des idées qui ne nous représentent pas. Ça nous soumet moins aux aléas des décisions municipales. Et on n'a pas forcément envie d'être politiquement correct." D'où cette volonté d'indépendance qui pourrait compliquer les choses. "C'est une volonté de confort qui n'est pas forcément facile", mais elle est assumée.
Elle cite Le Temps des Cerises, l'association qui tient le chapiteau près de l'hippodrome. Chaque année, le festival du film antifasciste y est organisé. "Ils ont dû déménager. La mairie n'a pas voulu qu'ils restent près du canal. Ils se sont retrouvés à Croix-Rouge. Pour eux, ce n'est pas facile. Chaque année, ils ont un peu peur que leur subvention ne soit pas renouvelée." L'Union mentionnait des problèmes de voisinage à l'origine du déménagement, mais aussi que le site de l'hippodrome, dans un quartier excentré, était vu à l'origine comme temporaire. C'était en 2021.
Si le projet se fait et tient la première année, la vente des livres est vue comme un moyen de faire rentrer l'argent dans les caisses. Vendre des boissons au bar, ou lors des évènements culturels organisés sur place, est également envisagé, bien que le café serait "à prix libre, pour que tout le monde puisse venir".
Parmi les évènements déjà organisés "hors les murs, puisqu'on n'a pas de local", on peut citer "une pièce de théâtre en novembre, une projection de documentaire en janvier, deux conférences en mars et mai. Des associations ont pu nous accueillir dans leurs locaux."
"À chaque fois, on a fait carton-plein en accueillant plus de 70 personnes, et on a pu vendre des livres." Et ainsi constituer un petit pécule (3 000 euros) pour le projet. Un partenariat a été conclu avec la librairie La Belle image, à Reims, et le café-librairie Chez Josette de Charleville-Mézières (Ardennes), pour partager les marges de la vente des livres (Ardennes). "C'est là qu'on voit qu'il y a une réelle demande, à Reims. Les gens reviennent, et en invitent d'autres." La Luciole compte une cinquantaine de personnes qui ont adhéré ou bénévoles.
Un endroit où s'installer
Il ne suffit pas de réunir les fonds, il faut aussi savoir où s'établir. C'est une autre question, assez épineuse elle aussi. "Pour le moment, on ne sait pas trop... On essaye de trouver un local qui soit accessible à un maximum de gens, qui soit aussi un lieu de passage." Exit l'hippodrome de Croix-Rouge, donc. "On ne veut pas se retrouver avec que des clients qui nous connaissent" : il y a une volonté d'ouverture.
"On ne parle pas forcément d'être en centre-ville..." C'est sûr que le loyer s'en ressentirait. "Mais d'être quelque part où les gens peuvent passer en regardant la vitrine, et se dire qu'ils ont envie de jeter un oeil."
On aimerait bien être sur l'axe du tramway.
Cécile, l'une des trois co-présidentes de l'association Les Lucioles
"On aimerait bien être sur l'axe du tramway pour que les étudiants puissent accéder facilement. On étudie aussi le parcours du futur bus à haut niveau de service." Elle évoque les avenues de Laon (quartier éponyme) ou de Paris (entre Courlancy et Tinqueux). Mais sans certitude. Il s'agit déjà de récolter assez d'argent...
Cécile se montre transparente quant à l'avenir de la cagnotte en ligne. "Si on n'atteint pas la somme demandée d'ici décembre, elle ne sera pas perdue." L'association pourrait se contenter "d'organiser un évènement en payant la venue d'un artiste". Si les fonds parviennent à être collectés, le café-librairie pourrait ouvrir en début d'année 2025.
L'exemple de Charleville
Le café-librairie Chez Josette de Charleville-Mézières a été cité précédemment. Le lieu a su trouver son public dans la Cité de Rimbaud (voir sur la carte ci-dessous).
L'un de ses habitués, Ferdinand, explique à France 3 Champagne-Ardenne que "ça existe depuis 2019, au coeur du quartier piéton. Il est entièrement géré par des bénévoles. On y organise deux évènements gratuits par semaine : présentations de livres avec l'auteur, concerts, pièces de théâtre, expositions. On propose aussi de l'accompagnement social et psychologique pour les personnes isolées, en galère..."
L'endroit fonctionne "sans subvention, avec les cotisations des adhérents. On en a près de 2 000 chaque année. La vente des livres et des boissons permet d'aider à payer les charges, le défraiement des personnes invitées. On voulait vraiment refaire partir la culture d'en bas, une culture populaire qu'on fabrique nous-même, sans attendre que la mairie nous l'amène." Une démarche par et pour la population, en somme.