Le transport est un secteur en forte tension. Beaucoup de demandes mais peu de professionnels de la route pour y répondre. Les formations surfent sur des promesses d'embauche frôlant les 90% pour attirer de nouveaux candidats lors de stages. Un pari réussi pour rééquilibrer le métier.
Depuis bientôt dix ans, Bruno Henriet forme les futurs conducteurs poids lourd chez Promotrans, une entreprise spécialisée dans la formation au transport. Un métier qu'il connaît parfaitement pour avoir passé sa carrière derrière le volant. Devenu enseignant, il forme chaque année près de 150 candidats qui poussent la porte du centre. Et plus les années passent, plus l'intérêt augmente pour le métier: "Dans le transport, on recrute beaucoup de chauffeurs et ça se répercute dans notre formation où l'on a énormément de demande."
La formation complète dure entre 6 et 7 mois pour obtenir un diplôme, et deux mois pour l'obtention du seul permis poids lourd. Un apprentissage condensé et axé sur la professionnalisation comme l'explique Bruno Henriet : "on leur apprend à utiliser le véhicule et son gabarit, on a toute une partie axée sur la sécurité routière. Et puis toute la réglementation, très importante dans le métier."
Un diplôme qui ouvre les portes du secteur à coup sûr
La formation débouche à près de 95% sur une embauche. Un argument de taille qui fait tilt chez les stagiaires. Parmi eux, plus de la moitié sont au chômage en arrivant au centre. Un métier exigeant qui séduit des profils variés selon Bruno Henriet, le formateur. "On a tous les profils au sein de la formation et beaucoup de reclassement professionnel. Certains rêvaient de passer le permis poid lourd depuis des années et profitent d'une reconversion." Mais il y a certaines qualités à posséder pour durer dans ce métier exigeant et parfois stressant. "Les deux grandes qualités sont : aimer la solitude pour rester seul dans une cabine, sans pression, et surtout savoir rester calme par rapport à la circulation.'"
Un sentiment de liberté ou d'indépendance, c'est ce qui a motivé Nathanaël, 31 ans, qui a intégré la formation de transporteur routier. Un touche-à-tout passé par de nombreux petits boulots avant de postuler. Une opportunité qui tombe bien, pour cet ancien plaquiste couvreur. "Si j'ai choisi la formation, c'est parce qu'elle recrute et j'avais besoin d'un boulot où être autonome."
"On manque de main d’œuvre dans notre activité de transport. Dans un monde idéal, il nous faudrait dix chauffeurs de plus pour répondre aux sollicitations."
Sûr ou presque de trouver du travail à la fin de sa formation, Nathanaël pourrait devenir transporteur pour des entreprises de la région, en grande demande. C'est le cas, et le casse-tête, de Samuel Genin, responsable de l'activité transport de Genin logistique à Reims. Avec plus de 35.000 m2 de stockage, répartis en 5 entrepôts, les 50 camions de l'entreprise suffisent à peine. "On manque de main d'oeuvre dans notre activité de transport. On fait appel à différentes structures de manière occasionnelle pour soutenir l'activité ou bien à des recrutements en intérim ponctuellement. Dans un monde idéal, il nous faudrait dix chauffeurs de plus pour répondre aux sollicitations. Aujourd'hui, on a une contrainte de personnel", détaille Samuel Genin. Une situation qui demande des ajustements constants des effectifs, mais face au rythme de travail, l'entreprise a dû réduire certaines commandes et privilégier les clients les plus anciens et fidèles au détriment de nouveaux clients.
Aujourd'hui, 90% des effectifs de Genin logistique travaillent dans l'entreprise depuis plus de 20 ans, une fidélité qui permet de maintenir l'activité à flot mais avec une question: en cas de départ à la retraite, y aura-t-il assez de jeunes pour reprendre les postes des transporteurs ?
Une inquiétude partagée par Matthieu Lebrun, délégué régional de la Fédération nationale des transports routiers. "On a une pyramide des âges qui va dans le mauvais sens. Aujourd'hui, il y a beaucoup plus de départs en retraite que d'arrivées dans le métier. Les jeunes sont de moins en moins attirés par le métier."
Un métier peut attractif qui peine à recruter avec un salaire net moyen d'environ 1.900 euros par mois. Un chiffre résume la situation de pénurie dans le secteur du transport routier : entre 40 et 50.000 postes de chauffeurs restent à pourvoir à l'échelle du pays.