La mère de Tony, Caroline Létoile, et son beau-père Loïc Vantal, ont donné leur version des faits concernant la mort du petit garçon, ce jeudi à la cour d'assises de Reims.
Pourquoi ? La question se répète inlassablement depuis la mort de Tony le 26 novembre 2016. Ce jeudi 4 février, elle est revenue de manière incessante à la cour d'assises de Reims. Les deux accusés comparaissent depuis lundi. Loïc Vantal, le beau-père du petit garçon qui a reconnu les faits qui ont conduit à la mort de l'enfant, est poursuivi pour "violences ayant entraîné la mort sur mineur de 15 ans". La mère de Tony, Caroline Létoile, est quant à elle poursuivie pour "non-dénonciation de mauvais traitements" et "non-assistance à personne en danger".
Pour la première fois depuis le début du procès, lundi 1er février, les accusés ont eu droit de livrer leur version des faits. Ils sont longuement revenus sur les derniers instants de la vie de Tony, trois ans et demi, 98 cm, moins de 17 kilos. Le premier jour, les experts ont dressé, pudiques, des bilans d'autopsie édifiants. Plus de soixante lésions parsemaient le corps du garçonnet, qui a vécu des souffrances indescriptibles. Tous ces experts ont plus de vingt ans d'expérience dans le domaine.
Béatrice Digeon, pédiatre de renom, qui a créé, en 1990, la cellule d'accueil des enfants maltraités à l'hôpital américain de Reims, relève avec retenue les blessures de Tony. "Je vous ai dit d'emblée que je ne pouvais pas décrire chaque lésion, tant elles étaient nombreuses", résume la médecin. "Il y en a partout." Interrogée sur les douleurs qu'a pu ressentir le garçonnet, elle répond : "Il devait être dans un grand état de souffrance (...) Qu’un adulte auprès de lui n’ait pas vu son état de souffrance me paraît difficile." Et de conclure : "Il est rare qu'on voie un tel déchaînement de violence sur le corps d'un enfant. A ce point-là, je les compte sur les doigts d'une main."
"Il aimait jouer, regarder ses dessins animés"
Voilà pour les experts. Ce jeudi, c'est au tour des accusés de livrer leur version des faits. Caroline Létoile commence. Grande, cheveux noués vers le bas et vêtue d'un pull noir, la jeune femme a du mal à articuler. La présidente, Hélène Langlois, la prie de parler plus fort. Elle est en pleurs. "Comment était Tony ?", demande la présidente. "Il aimait jouer avec ses jouets, regarder ses dessins animés. Il aimait la vie. Un enfant joyeux. Aimable", énumère Létoile. "Gentil ?", rétorque Hélène Langlois. "Très gentil, enchaîne Caroline Létoile, avant d'ajouter, comme pour se justifier. "Mais un garçon turbulent. J'étais jeune. Vers deux ans et demi, trois ans, il a voulu tester les non, mais j'ai jamais su dire non."
Pourquoi n'est-elle pas intervenue lorsque son compagnon, Loïc Vantal, frappait son fils ? "J'ai envie de dire que j'avais peur", répond la Marnaise."Pourquoi, quand les violences commencent à dégénérer, pourquoi vous ne prenez pas la porte ?", lui demande un assesseur. "Il a su trouver les mots, il m'a dit qu'il allait changer", balbutie la jeune femme. La veille, un expert psychologue affirmait que si Caroline Létoile n'avait rien fait, c'était pour protéger son compagnon. Ce qu'elle réfute en bloc : "Jamais je n'ai voulu le protéger. Je n'ai pas fait ça par amour, surtout pour lui. Il faut que j'arrive à expliquer cette peur. J'ai beaucoup de mal à trouver les mots."
"Jamais je n'ai voulu protéger Loic Vantal, je n'ai pas fait ça par amour."
Mais les réponses ne convainquent pas l'auditoire. A tel point qu'un juré ne peut s'empêcher des hochements de tête. Or les jurés sont tenus de rester impartiaux. Après deux heures d'audition, il est remplacé.
"Je suis venu ici pour rétablir la vérité"
Vient alors le tour de Loïc Vantal. Gaillard de plus d'un mètre quatre-vingts, large d'épaules, il regarde vers le bas. "Je suis venu ici, depuis lundi, pour rétablir toute la vérité", affirme-t-il. Depuis lundi, il n'a manifesté aucune émotion, alors qu'à la barre, aucun témoin ne parvient à lui trouver une qualité. "Menteur", "manipulateur", "violent", "alcoolique", "immature"... la liste est longue. Même sa mère échoue à lui trouver un qualificatif positif. "Reconnaissez-vous des qualités à votre fils ?", a demandé mardi la présidente du tribunal à Chantal. Grand silence. "Je cherche, mais il faut savoir lesquelles, réfléchit l'ex-ouvrière, affaiblie par une pancréatite. Avec tout ce qu'il me ment... Gentil, on ne peut pas dire gentil. Et puis avec tout ce qu'il me ment. Vraiment, je ne vois pas."
L'avocat général revient sur cet épisode douloureux. "Avez-vous entendu votre mère mardi soir ?" "Bien sûr que je l'ai entendue", réplique Vantal. J'en ai pas dormi de la nuit. Elle n'a trouvé aucune qualité sur moi. Aucune." L'avocat général poursuit : "Que représente votre mère pour vous ?" "C'est ma mère, réagit Vantal, dans un élan de vérité. C'est tout pour moi. Malgré tout le mal que j'ai pu lui faire, je sais qu'elle est malade à cause de moi." Revenant sur le passé de menteur et manipulateur de l'accusé, le procureur de la République, Matthieu Bourette, lui demande : "Aujourd'hui, on doit vous croire ?" "Je suis là dans une démarche sincère", répond Loïc Vantal.
Si on veut bien croire en la franchise de Loïc Vantal, suivi médicalement depuis le drame, on a du mal à supporter le récit de la dernière semaine de vie de Tony. "Est-ce que vous pouvez résumer ce que vous avez fait à Tony en quelques mots ?", interroge l'avocat général. "Je l'ai frappé, je lui ai fait du mal, je l'ai terrorisé. J'ai entraîné sa mort", résume le gaillard. A ces mots, le père biologique de Tony, constitué partie civile avec sa mère, quitte la salle. Blême, Anthony Alves ne reviendra pas dans la salle d'audience de la journée.
"J'ai entraîné sa mort"
"Je me demandais si vous alliez prononcer ce mot…", enchaîne Matthieu Bourette. "Vous croyez quoi ? Vous pensez que je ne sais pas pourquoi je suis là ?", rétorque Vantal, un peu agacé. "Il y a quatre ans, vous vous seriez arrêté à quel mot ? Aux coups ? Terrorisé ? A lui avoir fait du mal ?", relance l'avocat général. "Oui c'est ça", acquiesce l'accusé. "Est-ce que vous l'avez tué ?" insiste le magistrat. "J'ai entraîné sa mort, je l'ai pas tué. Ce n'était pas intentionnel."
Une autre question n'obtient pas de réponse satisfaisante. Comment cet homme, âgé de 24 ans au moment des faits, à la carrure de colosse, peut-il exercer une telle violence sur un enfant de trois ans et demi ? Le docteur en psychologie, Jean-Luc Ploye apporte une ébauche de réponse le mercredi : "Quand on écoute le discours de monsieur Vantal, et qu'on ne connaît pas l'âge de la victime, on ne sait pas qu'elle a trois ans. Et c'est fondamental. C'est totalement disproportionné, c'est ahurissant. J'ai eu l'impression qu'il était en train de dresser un adolescent, pas un enfant de trois ans." Et le psychologue de conclure : "Tout était ressenti comme un acte délibéré de la part de Tony."
A la barre, Loic Vantal prend sur lui. "Ça ne vous arrêtait pas de le voir avec des bosses, des contusions ?, s'inquiète un avocat. Le simple fait de le frapper, vous ne vous disiez pas, c'est bon, il a eu sa dose ?" Tête baissée, Loïc Vantal répond : "A ce moment-là, non. C'est que le jour du drame que je me suis rendu compte." Il encourt trente ans de réclusion criminelle. Caroline Létoile encourt cinq ans d'emprisonnement. Le verdict est attendu vendredi.