Le mercredi 17 juillet, le maire (Horizons) Arnaud Robinet de Reims (Marne) a été interviewé sur CNews pendant un quart d'heure. Une part non négligeable de l'entretien était consacrée à une critique virulente de la gauche, laquelle a fait part de son indignation par la voix d'une opposante écologiste.
Pas de vacances pour Arnaud Robinet, le maire (Horizons) de Reims (Marne). Il vient de fêter son dixième anniversaire à la tête de la Cité des sacres (en avril), et a passé une partie du mercredi 17 juillet 2024 sur les plateaux télévisés. Plusieurs de ses propos ont été particulièrement commentés après son passage dans la matinale de CNews. Et suscité l'indignation de la gauche rémoise. L'édile appelle à une large "coalition de la droite et du centre", incluant le Mouvement démocrate (Modem), actuel allié du parti présidentiel.
"Arnaque", un terme qui "écœure" à gauche
Une coalition qu'il ne voit pas étendue au Parti socialiste (PS), part intégrante du NFP. "Le NFP est une arnaque présentée aux Français. [...] Aujourd'hui, ils sont incapables de se mettre d'accord." Il fait effectivement référence à l'incapacité à gauche de proposer d'une même voix quelqu'un au poste de Premier ministre. "Les Français, par leur vote, ont montré qu'ils ne voulaient pas du Nouveau Front populaire. L'Assemblée, elle, est à droite. Le NFP, LFI [La France insoumise; ndlr], c'est plus d'impôts, plus d'insécurité, plus d'immigration."
Il prétend que la droite a gagné. Moi, ce que j'en déduis, c'est qu'il inclut les votes du RN, ni plus ni moins.
Évelyne Bourgoin, candidate (EELV pour le NFP) défaite aux législatives de 2024
Évelyne Bourgoin est traductrice, élue au conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), et candidate (EELV-NFP) de l'union de la gauche dans la première circonscription de la Marne pour les législatives de 2024. Elle s'était désistée pour barrer la route au parti d'extrême-droite et faire réélire Xavier Albertini, un proche d'Arnaud Robinet. Elle déplore les propos du maire auprès de France 3 Champagne-Ardenne. "Ça nous a écœuré. Sans savoir que c'était lui, ses positions tranchées, on aurait pu croire que ça venait d'un LR-RN. C'est violent. Qualifier le NFP d'arnaque, c'est traiter avec mépris des millions de citoyens qui se sont engagés pour soutenir notre mouvement. Il prétend que la droite a gagné. Moi, ce que j'en déduis, c'est qu'il inclut les votes du RN, ni plus ni moins." Elle regrette qu'il juxtapose immigration et insécurité : "c'est tout à fait intentionnel. Ça reprend certains thèmes" chers au Rassemblement national (RN).
Un barrage existe à Reims
Évelyne Bourgoin rappelle que dans sa première circonscription, "Xavier Albertini, du parti Horizons, le même qu'Arnaud Robinet, a bénéficié du report quasi-total des voix NFP qui m'étaient destinées." Elle a dû expliquer que voter Albertini "ne serait pas un coup d'épée dans l'eau". La revendication "d'une majorité qui n'existe pas" par Arnaud Robinet lui donne l'impression de "passer pour une clown".
En revanche, "Xavier Albertini m'a remerciée, loué mon courage pour m'être désistée : c'était dur. Il a écrit sur sa profession de foi, et répété qu'il prenait toute la mesure de ce report de voix. Qu'il s'engageait à agir avec moi, pour montrer qu'on peut travailler ensemble pour améliorer la vie de nos électeurs et électrices." Elle attend donc de voir "comment monsieur Albertini se désolidarise d'Arnaud Robinet".
Selon elle, "dans notre circonscription, sans les votes du NFP, on aurait eu un député RN. Ça n'a pas eu l'air de trop lui faire peur. C'est ce qui s'est passé en 2022 [deuxième circonscription; NDLR]. Au lieu d'appeler à voter pour le front républicain, ils ont dit qu'ils ne se prononçaient pas. Et c'est madame Frigout du RN qui est passée." Arnaud Robinet avait toutefois appelé à "battre les extrêmes, l'extrême-droite notamment" . Un soutien (ou barrage) trop timoré, relevait L'Union , lequel n'a pas fait son effet.
Arnaud Robinet ne veut pas plus d'impôts
Plus tard dans l'interview, Arnaud Robinet se fait partisan de la rigueur budgétaire, "impopulaire, mais il faut totalement l'assumer". Et pour ce faire, il estime qu'il faut "revoir un certain nombre de politiques tenues ces dernières années. Je pense notamment aux politiques sociales, qui sont très généreuses en France. Je rappelle que le système date de 1945 et qu'il n'a jamais été revu. La société a évolué, il y a le vieillissement de la population : il y a des choses à revoir. Il est clair qu'il va falloir prendre des mesures. Si nous voulons pouvoir répondre aux défis de demain, il va falloir prendre des options. C'est-à-dire faire des choix. Et faire des choix, c'est aussi renoncer."
"Je pense qu'il faut réduire un certain nombre d'aides sociales, pas augmenter les impôts. Encore hier, j'étais avec des chefs d'entreprise de ma ville, à Reims. Dans les PME, on me parle de quoi ? Les charges, les charges, les charges. Eux, ils ne souhaitent qu'embaucher, créer de la richesse sur leur territoire. Aujourd'hui, ils sont asphyxiés par les charges, comme l'ensemble des Français." Le terme plus exact est cotisations patronales, qui financent notamment les retraites et le chômage.
Je pense qu'il faut reprendre la réforme de l'assurance-chômage le plus vite possible.
Arnaud Robinet, maire (Horizons) de Reims, au micro de CNews
Il ne souhaite pas toucher "aux APL". Mais concernant la réforme de l'assurance-chômage, "je pense que c'est une erreur de la part du Premier ministre d'annoncer que le décret ne serait pas signé, car c'était attendu par les forces vives du territoire. Ça avait été promis, même : il y avait eu un gros travail de fait par Catherine Vautrin [ministre du Travail et ancienne présidente de l'agglomération de Reims; ndlr] sur le sujet. Je pense qu'il faut reprendre cette réforme le plus vite possible."
Pour Évelyne Bourgoin, dont le NFP prévoit de revoir les tranches d'impôt sur le revenu, l'erreur est plutôt de ne pas toucher "aux milliards des super-profits - pas tous les profits - ou de la fraude fiscale, plutôt que de faire les poches des gens modestes. Du côté de la droite, on va toujours voir à la loupe la petite partie des gens qui restent au chômage. Nous, on regarde l'intérêt commun. On constate que l'appauvrissement des gens a augmenté. On n'invente pas les chômeurs, ni les personnes à temps complet qui n'arrivent plus à se loger. On n'est pas contre les gens qui gagnent bien leur vie : on veut juste plus de justice sociale, et des services publics mieux financés."
Des écologistes "terroristes"
Arnaud Robinet est également interrogé sur le sujet de l'opposition aux méga-bassines. "Ce ne sont pas des écologistes, mais des éco-terroristes. Ils doivent être arrêtés, appréhendés, et jugés. Et j'espère une chose, c'est qu'on ne trouvera pas certains élus nationaux représentant la République à ce type de manifestation. Je rappelle que madame Tondelier et un certain nombre de parlementaires LFI [y] étaient présents il y a plusieurs mois. [...] ils participent en France à cette montée de violence et à ces actes terroristes."
"Il attaque les écologistes de la même façon que font les gens de l'extrême-droite, regrette Évelyne Bourgoin. "On reconnaît le discours de Darmanin dans ces expressions-là... Il se rapproche des climato-sceptiques, quelque part. Il qualifie d'éco-terroristes les personnes qui se battent pour défendre le bien commun et l'avenir de nos enfants. Il y a des inondations, c'est dramatique. Mais ça ne date pas d'hier qu'on parle de préservation des zones humides, d'arrêter d'artificialiser les sols. On peut donc comprendre que certaines personnes soient radicales puisqu'elles n'ont plus le choix." Elle a presque l'impression de voir "une menace" envers les politiques qui se rendent dans ces manifestations.
L'emploi du terme éco-terroriste par Arnaud Robinet, c'est extrêmement grave.
Évelyne Bourgoin, candidate (EELV pour le NFP) défaite aux législatives de 2024
"Mais pour moi, l'emploi du terme éco-terroriste par Arnaud Robinet, c'est extrêmement grave. Le terrorisme, c'est quelque chose qui fait peur : on pense au Bataclan. Là, on a des gens qui vont en fanfare, en famille, près d'une méga-bassine, un grand trou avec une bâche." Ce qui n'a pas empêché de graves violences et destructions à La Rochelle (Charente-Maritime), lors de la manifestation du samedi 20 juillet. "Quand on veut abattre son chien", ajoute l'écologiste, "on dit qu'il a la rage : c'est exactement ça ici. Les mots ont un sens." Selon elle, Marine Le Pen a eu des propos qui s'en rapprochent.
Il préfère être maire que ministre
À la toute fin, l'intervieweur lui demande s'il se voit futur Premier ministre d'Édouard Philippe. Et Arnaud Robinet ne bouge pas d'un iota de la ligne qui est la sienne. "Je suis maire de Reims et président du Grand Reims. Je ne rentre pas dans la politique-fiction. Ce qui m'importe, c'est mon territoire." Bien que "Édouard Philippe est l'homme d'État qui est nécessaire à la France et qui saura y remettre de l'ordre, dans les rues et les comptes". Malgré sa sincérité, il propose de lui-même qu'on lui ressorte cette archive en 2027 s'il acceptait finalement un portefeuille ministériel.