Polémique. Autour de Reims, encore des projets de constructions au détriment des terres agricoles, pourquoi cela fait réagir

Les zones agricoles autour de Reims, dans la Marne, continuent comme ailleurs d'être grignotées par la ville, avec par exemple l'installation prochaine d'une zone d'activités à Champigny. "Avant d'aller préempter de nouvelles zones agricoles, il faut déjà remplir toutes les dents creuses qui existent", pointe la FDSEA.

Aux portes de Reims, à Champigny dans la Marne, 44 hectares vont bientôt accueillir des entreprises. La zone dite des Sables, à l'ouest de Champéa Shopping et d'Ikea, va changer de visage. Adieu les champs, il y aura d'ici quelques années des entreprises et de nouveaux emplois.

"Ils parlent de 800 à 1.000 emplois", indique le maire sans-étiquette de Champigny Pierre Georgin. C'est un investisseur privé qui gère entièrement cette opération. "Il est en train de trouver des prospects", glisse l'élu.

Pour l'instant, rien n'est encore figé, même si on sait déjà que le secteur n'accueillera pas des commerces. "Si tout va bien, on pourrait avoir des constructions finies dans trois ans", indique le maire.

En attendant, la commune travaille, avec d'autres acteurs, à la mise en place d'un nouvel échangeur sur l'autoroute A26 pour desservir le secteur. C'est d'ailleurs cette proximité des axes de circulation qui fait qu'il a été décidé d'urbaniser cette zone plutôt qu'une autre. Une décision actée depuis 2016 au sein du conseil communautaire du Grand Reims (alors Reims Métropole), rappelle l'élu.

"Les services avaient vu l'opportunité de créer une zone, à la croisée des autoroutes A4 et A26. Ça a été classé à l'époque en zone d'intérêt communautaire et approuvé à l'unanimité par Reims Métropole", raconte le maire.

Alors que le projet avance à Champigny, l'association Reims Verts l'Avenir prend cet exemple pour demander l'arrêt de ce type de projet.  "44 hectares, c'est énorme", indique ainsi son président Gérard Crouzet. Cette association a été créée après l'élection municipale de Reims en 2020, elle porte le même nom que la liste écologiste qui avait recueilli 5,65 % des suffrages exprimés au premier tour.

"Il faut verdir absolument et on va complètement à l'encontre. C'est de la vieille politique", poursuit Gérard Crouzet. "On se bat depuis longtemps contre l'artificialisation des sols, et on n'est pas tous seuls. La ville de Reims comme le Grand Reims font des grandes déclarations en disant qu'ils n'artificialisent plus. On s'aperçoit que ça continue."

On prône une ceinture agricole autour de Reims pour pouvoir nourrir la population sans avoir besoin d'aller chercher des maraîchers très loin.

Gérard Crouzet, Reims Verts l'Avenir

De son côté, le maire de Champigny rappelle que le projet sur sa commune est acté depuis plusieurs années. "C'était à l'époque qu'il fallait réagir. Mais tout le monde a validé. Même les propriétaires terriens ont signé. C'est acté et on est désormais dans la phase de construction."

"Il faut voir aussi que cela créé du travail. Il y aura toujours des gens qui n'ont pas la même vision, et je le respecte", ajoute l'élu. "Mais on manque de terrains à offrir aux entreprises. Cette opportunité au croisement des autoroutes est très bonne pour le développement de Reims et de la région."

"Une partie de souveraineté alimentaire qui disparaît"

Au-delà de cet exemple de Champigny, d'autres projets font réagir, comme celui imaginé à Cormontreuil pour prolonger la zone d'activités des Blancs Monts vers l'est et le sud jusqu'aux autoroutes. Mais là, le projet a reçu un accueil moins favorable, avec des agriculteurs qui n'étaient pas prêts à vendre leurs terrains.

"À chaque fois qu'il y a un hectare de foncier agricole qui disparaît, c'est une partie de souveraineté alimentaire qui disparaît. Il faut y être très attentif", précise de son côté Hervé Lapie, le président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Marne. "Ramené au nombre d'habitants, nous sommes des gros consommateurs de foncier dans le département ."

"Plus de la moitié des habitants sont concentrés autour de Reims et son agglomération. Donc on sait très bien que la pression y est beaucoup plus forte qu'autour de Vitry-le-François ou Châlons-en-Champagne."

Une étude de l'Insee publiée en 2020 rappelle que 4,4 % de la surface de la Marne est artificialisée, ce qui en fait le 63 e  département de France le plus artificialisé.

"L’habitat couvre 71 % des surfaces artificialisées, les zones industrielles ou commerciales et réseaux de communication 24 %, le reste étant occupé par les espaces verts artificialisés (2,5 %, dont certains équipements sportifs), les mines, décharges et chantiers", précise l'étude. L'unité urbaine de Reims "représente 16 % des surfaces artificialisées du département".

En six ans, entre 2012 et 2018, 746 hectares ont été artificialisés dans la Marne, soit une hausse moyenne de 0,4 % par an, la plus forte progression du Grand Est (0,1 % en moyenne). C'est essentiellement d'anciennes terres agricoles qui ont ainsi disparu. Et près d’un quart de cette surface nouvellement artificialisée se situait dans l’unité urbaine de Reims, précise l'Insee.

Avant d'aller préempter de nouvelles zones agricoles, il faut déjà remplir toutes les dents creuses qui existent.

Hervé Lapie, FDSEA de la Marne

Le représentant de la FDSEA reconnaît toutefois que ces "dents creuses" ne sont pas toujours adaptées aux besoins et qu'il faut trouver un juste équilibre. "On a aussi besoin de développer de l'activité économique dans nos territoires pour créer de l'emploi", note-t-il. "La pression est forte sur Reims et on y est très attentif. Par contre, sur les autres endroits, il faut aussi lâcher un peu de foncier agricole pour créer de l'activité."

"Une vraie prise de conscience"

Pour rééquilibrer les choses, Hervé Lapie propose par exemple l'instauration d'une taxe lors de la transformation de terres agricoles, qui sont "souvent très fertiles autour des villes". Une somme qui pourrait bénéficier à de jeunes agriculteurs pour faciliter leur installation.

Cette taxation pourrait rendre les terres agricoles moins attractives, face par exemple à des friches industrielles qu'il faut démolir, et éventuellement dépolluer, avant de pouvoir les aménager. "C'est tellement facile d'acheter un hectare de foncier agricole, qui n'a rien, pas de pollution. Vous amenez directement les engins de chantier pour construire. Quand vous êtes sur une friche industrielle, il faut d'abord réhabiliter et ça coûte très cher."

"Sur la consommation de foncier dans le département de la Marne, on est malheureusement autour de 250 à 300 hectares par an. Les objectifs fixés par l'État à l'horizon 2030 / 2035, c'est d'être à une consommation de 85 hectares par an. Donc c'est quand même une réduction assez forte", pointe-t-il.

Hervé Lapie sent toutefois qu'"à force d'avoir sensibilisé, il y a une vraie prise de conscience". "On sent que c'est en train de bouger. Il faut qu'on arrive à trouver l'harmonie entre le développement économique, l'attractivité du territoire, l'emploi, le lien entre la ville et le rural. Tout ça, ça doit se faire en concertation plutôt qu'en opposition", note-t-il.

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