Appeler les salariés à se mettre en grève n'est pas aisé. A Reims ce lundi 9 décembre, les délégués de plusieurs syndicats tentent de convaincre les travailleurs de se mobiliser contre la réforme des retraites.
"Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour mettre les travailleurs en grève." Ce lundi 9 décembre à la maison des syndicats de Reims, Thomas Rose, secrétaire général de l'union locale CGT Reims prévient. Il faudra être convaincant pour que les salariés se mettent en grève ce mardi 10 décembre.Convaincre ouvriers, étudiants et enseignants
Autour de lui, les représentants locaux de Force ouvrière, Sud solidaire, l'Unsa et d'autres, se sont installés, formant un cercle irrégulier. En tout, ils débattent du déroulé de la journée. Rédiger le contenu du nouveau tract, distribuer l'ancien, convaincre les indécis... "une grève, ça s'organise", répète Thomas Rose."Les horaires chez Valéo, c'est 5h-13h puis 13h-21h, on n'a qu'à tracter à 12h30. Les étudiants, eux, finissent à 12h. Qui est dispo pour aller à la fac ?" Un dizaine de doigts sont levés. Pour eux, ce sera direction le campus. Une autre dizaine de motivés est dispo un peu plus tard. Ils iront convaincre à Valéo.Tous n'ont pas le verbe haut et certains forcent leur voix pour se faire entendre. "L'option des ronds-points est efficace", lance-t-on d'un côté. "Certains finiront au poste de police", avertit un représentant syndical. "Ce n'est rien, lance un autre. Ça fait partie du jeu."
Convaincre jusqu'à la dernière minute
Tout l'enjeu est là : parvenir à mobiliser les troupes, et "concrétiser la journée du 5 décembre", souligne Thomas Rose, qui avait réuni plus de 5.000 personnes dans les rues de Reims. Il faut donc que la petite troupe se déplace aux différents endroits stratégiques de la ville pour mobiliser les indécis. A la faculté, à la gare, mais aussi sur les ronds-points, où les automobilistes leur manifestent leur soutien en klaxonnant. Sur les réseaux sociaux aussi, à l'aide de vidéos pédagogiques, ou de simulateurs (contestés par le gouvernement) de pension de retraite."C'est important d'être là, le matin devant les grilles du lycée. A Roosevelt vendredi, on a réussi à convaincre quelques collègues en dernière minute", insiste Justin Prun, enseignant de sciences économiques et sociales du syndicat national des enseignants du second degré (SNES).
A 11 h, certains membres de la troupe se sont rendus dans le hall de la gare centrale à Reims. Une trentaine de cheminots est rénuie, à l'écoute. Les présents sont acquis à la cause et votent à l'unanimité la reconduction de la grève. Le week-end dernier, la moitié des cheminots était gréviste et vendredi, 145 contrôleurs de Ter sur 146 suivaient le mouvement, souligne Stéphane Cellier, de l'Unsa ferroviaire. "Ça fait plaisir de voir autant de monde", se réjouit-il.
Difficile mobilisation dans le privé
Devant l'usine Valéo en revanche, difficile pour Thomas Rose et son équipe de séduire. "Entre les embauchés qui ont peur et les intérimaires qui ont peur, la lutte est morte dans l'embryon", se désole Sébastien Testard. Il enchaîne : "Et puis le gouvernement qui ne joue pas franc jeu, qui ne définit pas clairement les règles, ça nous aide pas. Les gens sont dans l'attente." Pourtant, depuis quelques semaines, les panneaux syndicaux sont remplis d'appels à la grève. Sans succès. "Dans le privé, les collègues ne se sentent pas concernés", lance le syndicaliste. Le constat est amer :Devant lui, le défilé d'ouvriers continue. Ils passent, font la bise parfois, prennent un tract et filent à leur tâche. "Ils pourraient réussir à me mobiliser", concède l'un d'eux dans l'entrebaillement de la grille, curieux d'en savoir plus, mais "pressé par le temps". Il est en CDI est sait qu'il peut "se le permettre". Derrière lui, quelques intérimaires regrettent de "ne pas pouvoir" se mobiliser. Jeudi 5 décembre, 25 salariés de Valéo sur 530 étaient grévistes.Entre ceux qui ont des crédits à la consommation, ceux qui ont peu d'ancienneté et qui se disent que la retraite, c'est loin...
- Sébastien Testard, délégué CGT de Valéo.