Emmanuel Macron a annoncé le 14 octobre au soir la liste des huit métropoles concernées par un couvre-feu pour lutter contre la pandémie de covid-19. A ce jour, Reims n'en fait pas partie. Peut-elle espérer attirer certains touristes en mal de soirées festives à 45 min de TGV de Paris ?
La question tourne en boucle sur les réseaux sociaux, agite Twitter et Instagram. Entre humour et interrogation réelle. "C'est quoi les villes sympas sans couvre-feu pour partir en weekend ? ", demande ainsi une internaute ce 15 octobre à 10h08, sur Twitter. Ce à quoi une certaine Amélie répond, "Troyes c'est mimi et intimiste, accessible rapidos. Reims y a pas de couvre feu en soit aussi !". "Bon go à Reims des que je taffes pas y’a pas de couvre feu là bas", écrit un autre. Il est vrai que Reims, comme Troyes, ou Charleville-Mézières ou encore Chaumont ne font pas (encore) partie des huit métropoles où un couvre-feu va être installé de 21h à 6h du matin à compter de ce vendredi 16 octobre, minuit, comme l'a annoncé le président de la République lors de son interview le 14 octobre sur France 2. La spécificité de Reims étant sa proximité avec la capitale française, où les sorties seront interdites pendant quatre à six semaines le soir. Reims est aussi à deux heures de Lille, concernée également par le couvre-feu.
C'est quoi les villes sympas sans couvre-feu pour partir en weekend
— tié la fami (@bonnesvibesclub) October 15, 2020
Reims, 12e ville de France, pourrait-elle alors "profiter" de la situation sur le plan économique et touristique ? Située dans le réseau des villes-TGV, à moins d'une heure de la capitale (45 minutes de la gare de l'Est). La cité des sacres royaux offre un éventail d'atouts pour un week-end agréable et des soirées sans couvre-feu, pour l'instant. Dans le respect des gestes barrières bien entendu. Président de l'association des Vitrines de Reims, Vincent Mansencal confirme. "On a déjà vécu un afflux massif des touristes Parisiens, après le drame de l'incendie à Notre-Dame de Paris, on s’est rendu compte qu’il y a eu un pic de visite de la cathédrale de Reims, et de nombreux chalands parisiens, donc oui pourquoi pas profiter de ce report, mais en revanche, la Marne est quand même en nette augmentation pour ce qui est du virus en cette mi-octobre, on est en sursis".
Le maire de Reims habitué des réseaux sociaux n'a pas tardé à dire qu'il ferait tout pour que sa ville ne soit pas impactée par le couvre-feu. "Je prendrai toutes les décisions qui s’imposent pour éviter un couvre-feu. J’en appelle donc à la responsabilité et au bon sens des Rémois", s'est engagé Arnaud Robinet, dès la fin de la prise de parole présidentielle, le 14 octobre sur Twitter.
Les mesures annoncées par la Président de la République sont aussi douloureuses que nécessaires. À #Reims, je prendrai toutes les décisions qui s’imposent pour éviter un couvre-feu. J’en appelle donc à la responsabilité et au bon sens des Rémois.
— Arnaud Robinet (@ArnaudRobinet) October 14, 2020
Au vu du taux d’incidence du Covid-19 dans la Marne, en tête de la région Grand Est, la prudence reste de mise, d'après les dernières données d l'ARS. "Il ne faudrait pas que l’on soit en couvre feu", réagit le porte-parole des commerçants rémois. Mais je fais juste le constat que à chaque flux nouveau de Parisiens, ça s’est bien passé, dans le contexte actuel, je serai ravi de recevoir des Parisiens. Mais on est en sandwich entre Paris et la métropole de Lille également concernée par le couvre feu... Reims reste une ville accueillante, tant qu’on pourra maintenir l'activité touristique, ça peut aussi faire du bien aux hôtels, car le Parisien ne pourra pas toujours rentrer chez lui pour 21h. Il sera le bienvenu dans les hôtels de Reims, car ils sont beaucoup plus à la peine qu’on ne le pense".
Pas de couvre feu à reims pic.twitter.com/hvx2dM0cxl
— LBK?? (@stevoleretour) October 14, 2020
Côté restaurateurs, on attend de voir. Pour l'instant, certains ne croient pas à un report de clients de Paris vers Reims pour passer une soirée à table entre amis. Même si les Parisiens sont déjà bien présents le week end, dans certains restaurants cotés de Reims. Pour le directeur du Millénaire (une étoile), "les annonces du président de la République sont nécessaires mais anxiogènes. Résultat, les gens risquent de se confiner, ils ne vont pas se dire, je pars au restau à Reims". Avec une baisse du chiffre d'affaire de 40% en ce moment, pour les restaurants de la ville, la situation est toujours critique. Pour le restaurant doublement étoilé, le Racine, les Parisiens sont déjà très nombreux à venir déguster ses plats. Certains ne semblent pas impactés par la crise dans un sens ou dans l'autre.
Climat anxiogène
Ailleurs, les annulations de réservations de tables à Reims continuent d'être nombreuses, à cause du covid. "Certains clients remettent ça à plus tard, après je comprend, faut pas être égoïste, mais on a une épée de Damoclès autour de la tête, c'est compliqué pour nous de prévoir, de faire nos achats. Mais faut pas qu’on fasse les malins, c’est pas une aubaine, je n’y crois pas…Prendre la voiture de Paris pour Reims et boire du champagne en ce moment, alors que le climat est anxiogène ? La deuxième vague risque d’être compliquée", pronostique Hervé Raphanel, chef étoilé du restaurant le Millénaire.Tendance plutôt semi-optimiste pour Axelle Romain, chef de réception à l'hôtel Bristol de Reims. "Je pense que les Parisiens vont en avoir marre. Ils ne vont pas vouloir rester chez eux s'ils sont en vacances et qu'il y a le couvre-feu. Ils vont forcément partir en vacances. Ça dépend de ceux qui ont peur par rapport à la sécurité. C'est pile ou face. On ne sait pas ce que ça va donner. On espère qu'ils vont venir mais on ne peut pas le garantir. La prise de réservation, en ce moment, c'est du dernière minute. On ne peut pas anticiper. Les clients réservent limite le jour même pour venir le soir."
Impact indirect pour le tourisme
Sur le répondeur téléphonique de l'office de tourisme de Reims, on a le temps de se faire une idée des atouts de la ville. Le patrimoine, le champage, la glorieuse histoire, la tradition et le savoir faire, la cité moderne et dynamique, à la croisée de l'Europe, l'Unesco, le centre-ville élégant et décontracté. Sauf que la situation sanitaire a tout changé. "Le tourisme aujourd'hui doit se réinventer", précise Philippe Verger, directeur de l'établissement. Finis les salons, les banquets, il faut attirer autrement. Et une lueur d'espoir existe."Oui, le couvre feu à Paris, peut avoir un impact indirect sur le tourisme local, car les gens se sentant en couvre feu le week end, auront envie de bouger, les vacances arrivent. Donc en effet ils peuvent vouloir quitter Paris, dans des villes sans couvre-feu, où ils peuvent voir du monde, s’offrir un week end, consommer et sortir. Ce n’est pas stupide de penser que ça peut avoir un impact indirect". D'autant que le professionnel reconnaît les efforts des restaurants sur le plan sanitaire. "Si je me met à la place d'un habitant de Paris, avec ce couvre-feu, je vais peut être réfléchir à aller à la campagne, surtout ceux qui n'ont pas de maison secondaire. Ils peuvent être tentés d'aller à Reims ou autre pour une visite de caves le temps d'un week-end".
Les gens en ont ras le bol de cette situation, estime le directeur de l'office de tourisme de Reims. "On travaille déjà sur une solution alternative pour le marché de Noël…Il faut que la ville reste une destination, mais on n'a pas de visibilité. Il faut proposer des choses pour que le territoire ne soit pas éteint. Mais la situation reste fragile. Pour la filière touristique dans les villes concernées par le couvre-feu, en revanche, c’est dramatique. Sans parler des parcs d'exposition, ou les acteurs du "banquetisme", un secteur frappé de plein fouet par la pandémie".
Au-delà du tourisme, Jean-Yves Heyer, directeur d'Invest In Reims, l'agence d'attractivité du territoire du Grand Reims, y voit lui aussi une raison d'espérer. "En tant que citoyen, en effet, est ce que ce couvre-feu à Paris va être la goutte d’eau qui va faire déborder le vase ?". Le fin connaisseur de l'attractivité s'interroge. "Après le confinement en région parisienne pendant deux mois, on a eu des marques d’intérêts pour la région de Reims, mais pas plus d’implantation, est ce que ça va faire une deuxième couche, est ce que ça va enclencher une action pour quitter ces villes ? On ne le sait pas. Ce qui est sûr, c’est que l’émotion génère l’action. Si on est touché par cette pandémie ou dans son quotidien, alors on peut agir et quitter Paris pour aller habiter ailleurs".L’espoir c’est la remise en question, la créativité, réinventer nos méthodes de travail, être innovant. Les habitudes touristiques vont changer durablement.
40% de Parisiens en plus depuis juin
Les trois raisons d'un déménagement sont connues par l'Insee : un job, les études, et la retraite, est ce que l’Insee va rajouter une raison, couvre feu… ? Question en suspens. "Le tourisme devrait en profiter, croit savoir Jean-Yves Heyer. Nous on veut fidéliser, venez et restez Reims. Venez en touriste, revenez en tant que citoyen et devenez Rémois". Pour Arnaud Valary directeur général des Crayères, hôtel restaurant de luxe, "le sursaut des Parisiens pour Reims, c’est déjà le cas. C’est à dire que si on doit parler de recrudescence de Parisien, c’est le cas depuis juin 2020. Depuis le déconfinement, on l’observe nettement, on a des chiffres, au delà du parking, le mouvement est réel du retour des Parisiens en province, la progression de parisien est de 40% depuis juin. Oui le couvre feu peut avoir un impact".Par ailleurs, l’absence de client étrangers permet un surplus de disponibilité pour des clients européens ou franciliens dans cet hôtel haut-de-gamme. "Sur le week end on a plus de parisiens, mais on reste limité à 50 convives au restaurant, donc on est déjà complet les week end. En revanche, en début de semaine on peut recevoir plus de monde. Cela peut bénéficier à d’autres, il y a le fait que des lillois viennent aussi, ou d'autres de Bruxelles, pour échapper à leur règles sanitaires à eux".
"Si on élargit au comportement global, tous les clients qui habitent à trois heures de Reims sont plus présents. Après les vacances scolaires, ça peut accentuer le mouvement, on verra".