Deux Rémois ont mis en place un réseau d'une cinquantaine de couturières marnaises pour fabriquer des sur-blouses et des masques pour le personnel hospitalier à partir de draps donnés par des particuliers. Depuis le mardi 14 avril, des dépôts sont mis en place dans les supermarchés de Reims.
"Mon téléphone n'arrête pas de sonner." Quand je la contacte par téléphone ce dimanche 12 avril, Marie-Thérèse Picot me prend pour une couturière volontaire. "Une quarantaine de couturières m'ont appellée depuis le début de la campagne d'affichage du Grand Reims", se réjouit l'assistante maternelle, émue par tant de solidarité. Car la campagne vient à peine de commencer, les affiches ne sont imprimées que depuis vendredi 10 avril au soir.Mobiliser un réseau de couturières
Cela fait déjà quinze jours que Marie-Thérèse s'active pour coudre des sur-blouses à destination du personnel du CHU de Reims. Sa belle-soeur, couturière, s'y met aussi. "C'est son métier du coup quand moi j'en fais quatre, elle en fait quinze", sourit-elle. La Rémoise vit dans le quartier de l'hôpital Manchester, où la plupart de ses voisins travaillent au CHU. "Il y a des secrétaires, des infirmières, des brancardiers…", énumère-t-elle. Bien décidée à ne pas rester sans rien faire, elle prend sa machine à coudre, ses vieux draps, et commence à coudre des sur-blouses pour ses voisins. "Ils m'ont dit : 'Tu sais coudre ? Tu nous ferais pas quelques blouses ?' Alors je leur ai répondu que je voulais bien, mais que j'avais déjà utilisé tous mes draps pour en faire."De son côté, Claude Gachet est à la tête de l'association l'Éveil, à Cormontreuil, une structure qui accueille des enfants placés, des personnes handicapées et plusieurs ateliers, dont un de blanchisserie et un de couture. En tout, 70 personnes s'activent quotidiennement, hors période de confinement. Mais depuis le début de la crise sanitaire, le président de l'association a été ollicité par la sous-préfecture. Sa requête : que l'atelier couture serve à confectionner des masques et des sur-blouses pour le personnel du CHU de Reims. "La sous-préfecture nous a envoyé un document, parce qu'elle savait qu'il y avait des couturiers. L'association est placée sous la tutelle de l'agence régionale de santé (ARS). Elle nous a sollicités pour savoir si on avait la compétence et la disponibilité, on a accepté", raconte le président de l'association.
Pénurie d'élastiques
Marie-Thérèse Picot et Claude Gachet ont un point commun. Tous les deux font partie de la liste électorale, d'Arnaud Robinet, et s'ils n'ont pas encore pris officiellement leurs fonctions, cela ne les a pas empêchés de mettre la main à la pâte. Un samedi soir, quand Marie-Thérèse s'est rendu compte qu'elle avait épuisé son stock de draps, elle envoie un message sur le groupe WhatsApp de la campagne. Dès le lendemain, des dizaines de draps sont déposés à son domicile. "Certaines blouses ont des motifs différents sur les bras. Ce n'est pas grave, ça fait beaucoup rire les infirmières", sourit Marie-Thérèse. Claude entre en contact avec elle, et ils se mettent à organiser la logistique pour récupérer les draps, les coudre, et trouver de nouvelles couturières.Je suis #Rémois-e et solidaire ! Dès lundi, contribuez à l'opération de #collecte de draps. Son but ? Les transformer en #masques et sur-blouses pour le #personnel soignant. Si vous savez coudre, vous pouvez également apporter votre contribution. => Infos https://t.co/GMCFzJolRr pic.twitter.com/xXwX5cn69h
— Ville de Reims (@VilledeReims) April 10, 2020
"C'est toute une chaîne qui s'est formée dans la Marne", se réjouit Claude. "Notre binôme active tout son réseau, grâce aux réseaux sociaux. C'est devenu une petite fourmilière. En tout, nous avons 28 couturières mobilisables dans la Marne, à Cormontreuil, Reims, à Lavannes et à Pomacle, où Claudie, une élue municipale a mobilisé des couturières et réussi à récupérer 150 draps." Et Marie-Thérèse de renchérir : "Mon idée, c'était de rendre service, mais je ne m'attendais pas à un si grand succès. C'est un travail de fourmi. Les jeunes s'occupent de la livraison, les plus âgés de la logistique."
Ce dimanche 12 avril, le binôme a réussi à donner plus de 200 blouses à l'hôpital de Reims, grâce à l'action de Marie-Thérèse, trois employées de l'Éveil, qui travaillent à plein temps pour confectionner les sur-blouses et les 28 couturières mobilisées. Près de 30 couturières dimanche 12 avril, et plus d'un cinquantaines quelques jours plus tard, le jeudi 16, venues de toute la Marne. Ce même jour, plus de 1.000 blouses sont prêtes à être distribuées à l'hôpital selon Marie-Thérèse Picot, qui salue "une extrordinaire chaîne de solidarité".
"On ne s'est pas lancé dans la fabrication des masques de suite car on est en pénurie d'élastiques", regrette Claude. Marie-Thérèse a trouvé la parade : elle en crée en coupant en rondelles des bas de contention. "Voilà à quoi on en est réduit", regrette la couturière improvisée. "Dans l'immédiat, on fait ce qu'il y a faire, même si la situation est inadmissible. Aujourd'hui, on réagit mais il faudra comprendre pourquoi on en est arrivé à cette situation plus tard." Elle lance également un appel pour des bobines de fil blanc "à offrir à toutes nos couturières, car elles ont déjà utilisé pour beaucoup de leur stock".
Depuis le mardi 14 avril, les habitants du Grand Reims et alentours peuvent donner leurs draps (100% coton, blanc dans l'idéal, car l'hôpital les désinfectent), des élastiques et des bas de contention dans les supermarchés Carrefour, Leclerc et Cora. Les couturières qui souhaitent participer à l'opération peuvent appeler Claude Gachet (07 54 81 75 14) et Marie-Thérèse Picot (06 63 21 74). Leurs téléphones ne sont pas prêts de passer en mode silencieux.