TÉMOIGNAGE : elle vend des bijoux de famille au Crédit municipal pour aller travailler et faire le plein d'essence

Une vente aux enchères s’est tenue, vendredi 8 avril, pour le compte du Crédit municipal de Reims. L'ancien "mont-de-piété". Derrière ces objets, bijoux et autres œuvres d’art, des gages déposés par des particuliers affrontant des situations personnelles parfois dramatiques.

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Sur son estrade, le commissaire-priseur attend patiemment que le calme revienne dans la salle. Devant lui, une trentaine de personnes, catalogue à la main, discutent entre eux des prochaines enchères. Bijoux en or, montres de luxe, vases chinois et statuettes en bronzes, chacun espère emporter la pièce qu’il a repérée. Tous ces objets vendus aux enchères, ce vendredi 8 avril, proviennent des gages déposés par des particuliers en difficulté financière auprès du Crédit Municipal de Reims. L'ancien "mont de piété", une banque de dépannage pour obtenir de l'argent en liquide rapidement. 

Alain Copié, lui, a déjà trouvé son bonheur : "J’ai acquis quelques bijoux, bracelets et des tableaux. Je m’étais fixé un budget de 1 000 euros, mais je l’ai un peu dépassé". Pour Alain, l’important est ailleurs. Ce sexagénaire, comme la grande majorité des personnes présente, est surtout ici pour l’ambiance et la bonne affaire.  "J’ai acheté des choses, comme les bracelets, qui m’auraient coûté beaucoup plus cher chez un bijoutier. Pareil pour les tableaux. Je les prends avant tout pour les encadrements. Il faut compter 250 euros normalement et là, je les ai eus pour 15 euros". 

Mais derrière les "bonnes affaires" d’Alain, derrière chaque objet, se cache une histoire personnelle ou familiale. La plupart de ces biens sont ici, car leurs anciens propriétaires avaient un besoin urgent de liquidité et ne souhaitaient pas, ou ne pouvaient plus, récupérer les objets gagés au Crédit Municipal de Reims.

À quelques centaines de mètres de la salle des ventes aux enchères, rue Henri Jadart, Isabelle Desseaux, la directrice du Crédit Municipal de Reims, accueille les particuliers derrière la vitre en plexiglas de l’entrée. Le principe est simple : « Les clients entrent dans la salle d’engagement, qui est un lieu confidentiel, avec leurs biens, en général, ce sont des bijoux en or. Puis avec un analyseur de métaux, on détermine la composition de l’objet. En fonction de sa valeur, on applique un barème de prêt. Enfin, on leur donne la somme correspondante. »

On a 13% de prêts supplémentaires. Cela s’explique par la reprise de l’activité, mais aussi par l’inflation générale que nous vivons en ce moment.

Isabelle Desseaux

directrice du Crédit Municipal de Reims

Les personnes ont six mois pour récupérer leurs objets avec la possibilité de renouveler ce contrat autant de fois qu’ils le souhaitent. À défaut de reprise du bien ou de renouvellement du contrat, ce dernier est susceptible d’être mis en vente publique.

Pour pouvoir mettre en gage un objet, la personne doit présenter une pièce d’identité, un justificatif de domicile de moins de trois mois et, dans certains cas, une facture ou un certificat d’expertise. « On a un peu plus de 2 000 contrats actifs pour 1 400 usagers, précise la directrice. On a 1 million 810 000 euros d’encours actuellement. Mais nous avons noté que depuis l'année dernière, il y a 13% de prêts supplémentaires. Cela s’explique par la reprise de l’activité, mais aussi par l’inflation générale que nous vivons en ce moment. »

"Aujourd'hui, je reviens car je n'ai plus le choix" 

Dans la salle d’engagement, à Reims, une femme d’une quarantaine d’années s’avance au comptoir. Les traits tirés derrière son masque, elle dépose plusieurs objets. Annick (nom d’emprunt) est aide-soignante dans une unité de soins palliatifs à domicile. Elle vient mettre en gage des bijoux qui ont une grande valeur sentimentale comme l’alliance de son mari, décédé il y a un an d’un cancer, ou encore la croix en or de sa grand-mère.

Le cœur lourd, elle se confie auprès de la directrice : « Il y a quelques années, j’avais déjà déposé des bijoux en gage. J’ai mis trois ans pour les récupérer en mettant un petit peu de sous de côté chaque mois. Je reviens aujourd’hui parce que je n’ai plus le choix". Cette mère de deux enfants gagne 1 200 euros nets par mois « en faisant des horaires de chiens ». Ses enfants ne sont pas au courant de son initiative.

"Cela fait 19 ans que je ne suis pas partie en vacances"

Pendant ces échanges, l’estimation de ses bijoux tombe : 445 euros. « Cet argent va me permettre de remettre de l’essence dans ma voiture pour aller travailler, faire quelques courses pour mes enfants pour qu’ils puissent manger et m’acheter du tabac, explique-t-elle. Il n’y aura pas de coiffeur, pas d’esthéticienne. Toutes ces belles choses ce n’est pas pour moi. »

Depuis quelques années, Annick a vu son pouvoir d’achat diminuer petit à petit. Aujourd’hui, elle compte tout. Toutes ces dépenses sont orientées vers le même but : survivre. « Cela fait 19 ans que ne suis pas partie en vacances. Je ne sais même plus ce que s’est. Pareil pour le cinéma ou le théâtre. Ma vie, c’est métro boulot dodo. À un moment, il faut que cela s’arrête. On a qu’une vie et, pour moi, la vie ce n’est pas ça ».

Cet argent va me permettre de remettre de l’essence dans ma voiture pour aller travailler, faire quelques courses pour mes enfants.

Annick

aide-soignante

L’aide-soignante tourne maintenant son regard vers l'élection présidentielle : « Il faut que le président se compte de tout ce qui ne va pas. Il faut faire quelque chose, ce n’est plus possible. Il faudrait augmenter nos salaires et baisser les taxes, pour qu’on puisse enfin sortir la tête de l’eau. » 

Ce phénomène est d'autant plus ressenti que l'inflation concerne l'ensemble de ce que nous consommons au quotidien. Denrées alimentaires, essence, électricité, loyers, aucun domaine n’y échappe. Cette flambée des prix frappe plus durement les moins aisés, d’autant que les salaires ne suivent pas. À titre indicatif, la hausse des prix dans la zone euro a atteint 7,5% en mars, soit le rythme le plus élevé depuis la création de la monnaie unique.

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