Un colloque sur les addictologies, regroupant plus de 300 personnes au sein de l'école de commerce Néoma Business School, s'est déroulé ce 29 novembre à Reims. Les réponses du professeur Vincent Durlach du CHU de Reims sur le rôle de la vapoteuse dans le sevrage tabbagique.
Alors que le mois sans tabac se termine. C'est l'heure du bilan collectif. Car ce mois est avant tout envisagé comme un défi collectif "qui propose à tous les fumeurs d’arrêter pendant un mois avec le soutien de leurs proches". Vous avez peut-être tenté, ou succombé. Et vous vous êtes peut être mis à la vapoteuse. Le professeur Vincent Durlach, l'un des spécialistes rémois de l'addictologie, nous explique les liens supposés ou réels entre usage de la vapoteuse et arrêt de la cigarette.
1 - Tout d'abord, un bref état des lieux, combien de fumeurs la France compte-t-elle à l'heure actuelle ?
On estime que 26 % de la population française en âge de fumer, hors enfants et personnes âgées hébergées en EPHAD, a succombé à la cigarette, soit 13 millions de personnes. Sur le plan de la hiérarchie des dépendances, le tabac continue d'occuper une triste première place dans notre pays : chaque année, 73.000 personnes meurent à cause du tabac, contre 49.000 du fait de l'alcool. L'industrie du tabac est une industrie "tueuse" avec 100 millions de morts au XX ème siècle et 1 milliard de décès annoncé à la fin du XXI ème siècle si l'on ne prend pas de mesures drastiques. Sur un plan sociologique, ce qui est sûr c'est que plus on est modeste, plus on fume. Les CSP +, eux, sont plus sensibilisés à l'hygiène de vie.
2 - Les Français fument-ils de moins en moins ?
A l'échelle européenne, la France conserve son bonnet d'âne même si la situation évolue de manière positive grâce à plusieurs facteurs tels que le remboursement complet par l'assurance maladie des substituts nicotiniques (patchs, pastilles et gommes), l'augmentation du prix du paquet de cigarette qui tend à atteindre la barre symbolique des 10 euros, les règles d'interdictions de fumer dans les lieux publics et enfin les campagnes type "mois sans tabac".
Au passage, les taxes sur la cigarette rapportent chaque année environ 15 milliards d'euros à l'Etat alors que les conséquences des maladies liées au tabac (hospitalisation, traitement des cancers) coûtent deux à trois fois plus à la collectivité. Un chiffre important à souligner : ces deux dernières années, plus d' 1.600.000 ex-fumeurs ont définitivement arrété. Nous sommes donc dans une dynamique clairement positive.
3 - La vapoteuse s'inscrit-elle dans l'aide au sevrage tabagique ?
Oui, absolument, c'est un outil util pour arréter définitivement le tabac mais je ne suis pas pour autant un "pro" vapoteuse, il faut être plus nuancé que cela. Ce que l'on sait, en l'état actuel des études, c'est qu'à court ou moyen terme, il n'y a pratiquement pas ou peu de risques à utiliser la vapoteuse : par rapport à la cigarette qui compte 5000 substances nocives dont certaines hautement cancérigènes, ces substances sont en quantité extrêmement réduites ou inexistantes dans la vapoteuse. En revanche, sur le long terme, plusieurs dizaines d'années, on ne sait pas encore mesurer réellement la dangerosité de la vapoteuse car on ne dispose pas du recul nécessaire sur la pratique.
4 - Toutes les vapoteuses se valent-elles ?
Non. Un exemple. Il y a eu recemment aux Etats-Unis 37 décès suite à des pneumopathies dites "huileuses" liées à la vapoteuse mais dans ce pays, contrairement à la France, il n'y a pas de contrôle des e-liquides et souvent les victimes avaient consommé des recharges de vapoteuses au THC, l’agent psychoactif du cannabis.De plus, il faut être très vigilant avec certaines catégories de vapoteuses complètement "trompeuses". Beaucoup d'entreprises de vapoteuses ont été rachetées par des industriels du tabac qui ont pris peur en voyant fondre leur business et la consommation de tabac baisser. Cela donne des vapoteuses modifiées pour être plus addictives.
Encore plus insidieux, il existe du tabac "chauffé" qui se présente sous la forme d'une vapoteuse : le sujet inhale une fumée moins dense que celle de la cigarette mais beaucoup plus nocive que les vapoteuses traditionnelles avec un arôme bien choisi et des quantités de nicotine déterminées par un médecin. Il faut bien préciser que si on utilise la nicotine dans des dosages prévus par les fabricants, entre 0 et 20 miligrammes par millilitres, la nicotine reste addictive certes, mais pas nocive pour la santé.