La Cour de cassation a annulé ce vendredi 28 juin, la décision de la cour d'appel de Paris, qui avait contraint l'hôpital de Reims à reprendre les traitements de Vincent Lambert le 20 mai dernier. Plus rien ne s'oppose au lancement d'une nouvelle procédure d'arrêt des traitements.
Plus d'un mois après la tentative d'arrêt des traitements de Vincent Lambert, suspendue le soir même, le 20 mai, par un arrêt de la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire de France, annule cette décision, sans renvoi. Plus aucune procédure judiciaire ne s'oppose à la reprise du protocole de fin de vie du Marnais, hospitalisé au CHU de Reims depuis 2008.
Les traitements peuvent s'arrêter "dès maintenant" a immédiatement réagi l'avocat de Rachel Lambert, épouse et tutrice de Vincent Lambert. Selon lui, "il n'y a plus de voies de recours possibles car il n'y a plus de juges à saisir".C'est un point final à cette affaire.
- Patrice Spinosi, avocat de l'épouse de Vincent Lambert.
François Lambert, le neveu très engagé de l'ancien infirmier de 42 ans, a lui aussi exprimé son soulagement.
Ils ont pris la mesure du problème. Il y a un enlisement depuis 2015, et aujourd'hui, ils ont clairement dit stop.
- François Lambert, neveu de Vincent Lambert, favorable à l'arrêt des traitements.
La cour d'appel n'était pas compétente
Pour comprendre ce nouvel épisode de la bataille judiciaire qui oppose depuis 2013 les parents et un demi-frère de Vincent Lambert, à sa femme, son neveu et six de ses autres frères et soeurs, il faut savoir qu'en France, la justice est composée de deux ordres, qui se partagent les litiges : l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Ce dernier est en charge des affaires qui opposent les particuliers et l'administration. C'est pourquoi, depuis 2013, la totalité des procédures en France avaient été jugées par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la cour administrative d'appel, et le Conseil d'Etat. A chaque fois, les parents de Vincent Lambert s'opposaient à une décision de l'hôpital Sébastopol à Reims, procédure au cours de la laquelle la femme de Vincent Lambert se rangeait aux côtés du CHU.Mais le 20 mai 2019, alors que le matin même l'hôpital avait annoncé avoir entrepris la procédure d'arrêt des traitements, la cour d'appel de Paris avait ordonné leur reprise, estimant que le dossier était si grave, qu'elle pouvait intervenir. C'est cette décision que la Cour de cassation a annulé ce 28 juin. Concrètement, l'arrêt de la cour d'appel "disparaît", et d'un point de vue juridique, le CHU de Reims se retrouve dans la même situation qu'au 19 mai.
Une procédure d'arrêt des traitements peut rapidement être lancée
En conséquence, un nouveau protocole de fin de vie pourrait rapidement être mis en place par les médecins de ce patient placé dans un état végétatif. François Lambert, avait d'ailleurs dès l'audience de la Cour de cassation fait part de sa volonté d'entreprendre au plus tôt cette nouvelle étape.
Le temps joue pour les parents de Vincent. Chaque semaine, ils font une demande à la Cour européenne des droits de l'homme [...] et ils continueront jusqu'à en trouver un qui les écoute. Pendant qu'on attend, ils attendront aussi de pouvoir déposer leurs recours, donc il va falloir à mon avis aller très rapidement.
- François Lambert, neveu de Vincent Lambert.
Les parents menacent de porter plainte pour "meurtre"
Le combat pour Vincent continue et nous ne laisserons pas Vincent assassiné.
- Jérôme Triomphe, avocat de Pierre et Viviane Lambert
Quelques minutes après l'annonce de l'arrêt de la Cour de cassation, les avocats de Viviane et Pierre Lambert, ont annoncé qu'en cas d'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation de Vincent Lambert, ils porteraient plainte pour "meurtre". Ce ne serait pas la première fois que le couple attaqueraient le CHU de Reims et l'équipe soignante pour ce type de motif. Ils avaient déjà déposé plainte au pénal pour "délaissement de personne hors d'état de se protéger" en décembre 2016, et en 2015 pour "tentative d'assassinat et maltraitance".
Dernière procédure en date : juste après la décision de la cour d'appel de Paris, Viviane et Pierre Lambert avaient assigné le médecin en charge des soins de Vincent Lambert, le Dr Sanchez, et le CHU pour "non-assistance à personne en péril" devant le tribunal correctionnel.
Et le comité des droits des personnes handicapées alors ?
C'était l'une des raisons mises en avant par la cour d'appel de Paris : saisi par les parents le 3 mai 2019, le Comité international des droits des personnes handicapées des Nations Unies (CPDH) avait demandé à l'Etat français de ne pas suspendre les traitements, en attendant qu'il puisse lui-même rendre son avis sur la question. Le gouvernement avait annoncé qu'il ne répondrait pas favorablement à cette demande.
Aussi, lors de l'audience devant la Cour de cassation, le camp des parents était longuement revenu sur cette partie du dossier, argumentant que la mesure provisoire demandée par l'organe de l'ONU avait un caractère contraignant et devait s'imposer à l'Etat français. Les juges de la Cour de cassation ont cependant choisi de ne pas se prononcer sur ce point de droit international très pointu. Le Comité n'est tout simplement pas cité dans les arguments exposés par la Cour. Ils ne se prononcent donc pas sur la légitimité de l'Etat français à refuser cette demande.
La mère de Vincent Lambert avait déjà annoncé en début d'après-midi qu'elle s'exprimera le 1er juillet à Genève, en marge d'une session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.