C’est l’automne en mai en Alsace. Depuis le début du mois, une succession de perturbations entraîne des chutes de pluie quotidiennes. Du jamais vu depuis dix ans dans la région. Une bonne nouvelle pour la nappe phréatique, mais une source d'inquiétude pour les agriculteurs.
Il y a de quoi miner le moral. Depuis le début du printemps, la pluie et la fraîcheur sont le lot quotidien. Conséquences d’une succession de perturbations et d’un front venant de l’ouest, les épisodes pluvieux s’enchaînent. « Pour un mois de mai, il n’avait jamais autant plu sur les dix dernières années en Alsace », constate le prévisionniste de Météo France Lionel Pflumio. Si les records ne sont pas battus, certains secteurs comme le massif vosgien ou le sud-ouest de la région (vers Thann et Guebwiller - Haut-Rhin) enregistrent trois fois plus de précipitations que la normale.
Et ne comptons pas sur la douceur pour nous réchauffer le coeur. Les températures en Alsace sont en-dessous des normales de saison. « Nous devrions normalement avoir un thermomètre être entre 10 et 20 degrés en moyenne, mais nous enregistrons régulièrement des températures en dessous », confirme Lionel Pflumio. Et parfois quelques averses de grêle, comme celle tombée dans la matinée du 17 mai à Oberhoffen-sur-Moder (Bas-Rhin), comme le montrent les photos ci-dessous, prises par une habitante de la commune.
De quoi regonfler la nappe phréatique
Les grenouilles se réjouissent. Les observateurs de la nappe phréatique aussi. « Cela nous rassure pour les cours d’eau, annonce Franck Huffschmitt du SDEA, le syndicat des eaux et d'assainissement d'Alsace. Certains, comme la Zorn ou le Giessen, étaient à un niveau d’étiage sévère, quasiment à sec. La pluie permet de les remettre à un niveau correct pour la saison. »
Quelques frayeurs tout de même avec les fortes averses orageuses survenues au cours du week-end du 15 mai. « On a constaté quelques départs de coulées de boue vers Willgottheim, Ettendorf, Geudertheim et les collines d’Hausbergen, précise Franck Huffscmhitt, mais elles n’ont pas entraîné de dommages pour les habitations. Seuls quelques champs en ont fait les frais ». A la faveur des ouvrages comme les bassins de rétention d’eau mis en place ces dernières années, notamment dans le Kochersberg, pour éviter la répétition des importantes inondations et coulées de boue survenues en 2016 et 2018 dans la région.
« On reste toutefois très vigilants pour les prochains jours sur les secteurs de Wasselone, Gougenheim et Kuttolsheim (Bas-Rhin) notamment où ces équipements ne sont pas encore réalisés. On invite les habitants à anticiper en s’équipant de planches ou des sacs de sable pour protéger leur sous-sol », avertit le responsable du SDEA.
« On ne peut rien planter »
Du côté des maraîchers, ces précipitations retardent semis et plantations. Pour les plants sous serre (tomates, concombres, courgettes...), pas encore d’inquiétude, même si faute de chaleur, les plantes ont du mal à se développer. « On est plus préoccupés par les asperges, explique Fabien Digel, le responsable de la filière végétale à la chambre d'agriculture d'Alsace. Elles manquent de soleil et ont trop froid la nuit. Du coup elles ne pointent pas. Si cela continue, elles vont prendre trop de retard, on risque de perdre la production cette année ». Difficulté aussi pour les semis. La terre, trop lourde, empêche le travail du sol. Patates, carottes, céleris, choux ne sont pas à la fête. De quoi chambouler les plannings de mise en terre et plus tard de récolte. Ajoutez à cela les hordes de limaces qui s’en donnent à cœur joie pour grignoter le peu qui perce le sol.
Conséquence aussi pour les ventes de plants et de fleurs. « Ce n’est pas un temps qui donne envie aux particuliers de s’affairer au jardin. Du coup, ils n’achètent pas les plants de légumes et les géraniums déjà en jardinerie qui devraient s'écouler maintenant » déplore l’observateur de la chambre d'agriculture.
Dans les vignes, c'est l'attaque de mildiou que l'on redoute. Cette maladie se développe par temps humide et peut ravager des parcelles entières, comme ce fut le cas dans la région en 2016 (voir notre article). "Pour l'instant, on ne détecte pas sa présence, précise Marie-Noëlle Lauer, technicienne spécialisée dans la viticulture à la chambre d'agriculture d'Alsace. Mais par précaution, on va commencer les premiers traitements dès la semaine prochaine." Tant qu'il fait frais, le parasite ne se développe pas. "Mais il est comme nous, il aime la douceur. Il peut très vite rendre les pieds malades une fois que les températures se réchaufferont", ajoute-t-elle. Trop tôt en revanche pour s'inquiéter d'un éventuel retard de croissance des ceps. "En temps normal, la vigne fait une feuille par jour en cette saison. Là on est plutôt à une par semaine", constate Marie-Noëlle Lauer, qui annonce déjà des vendanges de crémant plus à la mi-septembre qu'à la fin août.
Pour un café en terrasse, ce sera jeudi, et seulement jeudi
Pour les jours à venir, il va falloir garder patience et un parapluie dans le sac. La situation ne va guère s’améliorer ni se réchauffer. Aucun anticyclone à l'horizon. « C’est raté pour les terrasses mercredi 19 mai [jour de leur réouverture], ironise le prévisionniste de Meteo France, Alexandre Trajan, mais jeudi sera le jour pour en profiter. » Et il ne faudra pas rater le créneau. Jusqu'à la fin du mois, il prévoit des journées alternant à nouveau averses et éclaircies, avec toutefois l'espoir de plus grands passages ensoleillés. En attendant, les gendarmes des Vosges lancent via les réseaux sociaux un appel à témoins relayé ci-dessous, au cas où quelqu'un aurait aperçu le beau temps.
On recherche désespérément le Soleil. Âge: 4.603 milliards d'années. Description: boule jaune de 696340 km de rayon.
— 88 - Gendarmerie des Vosges (@Gendarmerie088) May 17, 2021
Si vous l'apercevez, ne le regardez surtout pas dans les yeux et appelez MétéoFrance. pic.twitter.com/j0YCl3FPu2