La Cour des comptes a publié son rapport annuel sur le changement climatique le mardi 12 mars 2024. La Chambre régionale des comptes du Grand Est a participé à l’enquête. Le constat sur les politiques publiques destinées à lutter contre les effets du changement climatique semble préoccupant.
Gestion des forêts ou du littoral, logements ou aménagements urbains, des retards dans toutes les sphères empêchent l’adaptation au changement climatique en France. Des ambitions peu claires et des mesures moyennement efficaces, le bilan dressé par la Cour des comptes sur l'efficacité des politiques publiques face au changement climatique est mitigé.
Inondations, sécheresse, canicule, santé humaine… Avec ce document on comprend bien que l’écologie n’est pas que l'affaire de quelques militants. Il s’agit bien d’argent public au profit d’une adaptation urgente. Et sur ces axes, le gouvernement doit réaliser des progrès selon les magistrats de la rue Cambon.
Le rapport 2024 de la cour des comptes a été rédigé en partenariat avec les chambres régionales. En Grand Est, les magistrats ont porté leur attention sur les forêts vosgiennes et la métropole du Grand Nancy.
Les forêts vosgiennes en souffrance
Dans cette somme de plus de 700 pages, un chapitre entier est consacré à la gestion durable des forêts métropolitaines. Avec un constat alarmant et "une vulnérabilité croissante des massifs" surtout celui des Vosges car avec la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand Est est depuis 2018 le territoire le plus touché par le dépérissement des essences.
"La vitesse des évolutions climatiques observée n’est plus compatible avec celle de la migration des espèces forestières qui leur permettait sur le long terme, de s’adapter", affirme les auteurs.
Les conséquences sont claires. Les communes vosgiennes qui vivent de la vente et de la découpe de bois voient chuter les recettes communales de 8 à 12% par an, selon l'estimation du rapport.
Plusieurs mesures ne s'avèrent pas suffisamment efficaces ou rapides.
- Les actions en matière de feu de forêt ou en terme sanitaire semblent difficiles à mettre en œuvre.
- Les premières mesures ont été mises en place tardivement en 2021.
- La canicule de 2022 a entraîné un taux d’échec important des plantations.
- Un dispositif pour regrouper les propriétaires des forêts privées est nécessaire pour mieux structurer et mieux agir.
Les outils administratifs sont aussi pointés du doigt.
"Les documents propres à la gestion des forêts incluent rarement l’impact du changement climatique. Dans le Grand Est, ce sont seulement 10 % de ces documents qui anticipent les risques sanitaires, alors que 75 % de la forêt publique est concernée", stipule le rapport.
Nancy une bonne élève?
Dans les villes de France, les températures estivales records ne sont plus une exception. Les habitants en souffrent plus car le béton et le macadam accentuent davantage les îlots de chaleur. Les experts se sont donc penchés sur les politiques d'urbanisme en la matière. Dix-neuf villes dont la métropole du Grand Nancy ont été ciblée par l’enquête de la Cour des comptes qui pointe un retard important au plan national.
"Les collectivités urbaines ont adopté tardivement des stratégies d’adaptation au changement climatique qui ne répondent que partiellement aux enjeux identifiés"
extrait du rapport de la Cour des comptes
Selon le rapport, le Grand Nancy comme beaucoup d'autres collectivités étudiées, a adopté un plan d’action en faveur du changement climatique en retard par rapport aux dates fixées. En revanche la métropole a intégré dans son plan d’urbanisme intercommunal, des mesures d’adaptation aux changements climatiques et un large programme de végétalisation faisant ainsi figure de bon élève de la classe nationale. La métropole du Grand Nancy, à l'instar de Strasbourg, est donnée en exemple dans l’adoption à sa propre initiative de nouveaux plans "climat".
Un autre point fort de la cité de Stanislas, la gestion des espaces verts dans la zone du boulevard d’Austrasie, cité comme une réussite. Les aménagements urbains ont été pensés pour favoriser la biodiversité et rafraîchir l’atmosphère en ville.
"La surface des espaces de pleine terre a été multipliée par quatre et celle des enrobés imperméables divisée par trois", souligne le rapport.
En revanche, la ville de Nancy a fait exploser le budget d'un projet passant de 7 millions d'euros HT à 32,2 millions d'euros TTC.
Au niveau national, les magistrats sont sévères avec les différentes politiques communales en faveur du climat.
"Pour faire face au changement climatique, les acteurs locaux n’ont pas suffisamment revu leur organisation, ce qui limite leur efficacité. Par ailleurs, les coûts associés aux mesures prises ne font pas l’objet d’un suivi suffisant et demeurent mal connus", conclut le rapport.
Le plus difficile reste la gestion du budget environnement des communes. Entre efficacité et échec, aucune méthodologie budgétaire claire n’est disponible pour éviter les dépenses inefficaces.