“Dry January” : les addictologues demandent au gouvernement de soutenir le mois sans alcool

Seriez-vous capable de relever le "Défi de janvier" et d’arrêter l’alcool pendant un mois ? Dans un courrier adressé début décembre au ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, 48 addictologues appellent le gouvernement à soutenir le mois sans alcool. Parmi ces experts, un Nancéien, le Docteur Michaël Bisch.

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Une lettre au ministre de la Santé, à l'approche du “Dry January”, pour alerter sur les failles de la politique de santé publique française en matière de consommation d’alcool. Ce courrier a été rédigé, début décembre, par le Collège Universitaire National des Enseignants d'Addictologie (CUNEA), qui fédère l'ensemble des enseignants d’addictologie du pays. Parmi ces experts, un Nancéien, le Dr Michaël Bisch. Le vice-président de la Fédération Française d’Addictologie (FFA) et secrétaire général du Réseau de prévention des addictions (RESPADD) répond à nos questions.

Le poids des lobbies de l'alcool

La règle est enfantine, mais pas forcément si simple à suivre : ne pas boire d’alcool à partir de l’heure de lever le 1ᵉʳ janvier, jusqu’à la fin du mois. Chaque année, des millions de personnes à travers le monde font une pause dans leur consommation d’alcool. C’est ce que l’on appelle le “Dry January”, "Défi de janvier" en France, ou mois sans alcool. “Il ne s’agit pas d'une démarche moralisatrice, elle s’adresse à tout le monde. Les bénéfices sur la santé et le bien-être sont immédiats et les gens qui relèvent ce défi maîtrisent mieux leur consommation sur le reste de l’année”, soutient le Dr Michaël Bisch.

Il y a une ingérence importante des lobbies alcooliers qui se sentent mis en danger par ce mouvement

Dr Michaël Bisch, addictologue à Nancy

Pourtant, depuis quelques années, le soutien de l’État au “Défi de janvier”, ou mois sans alcool, est suspendu. Ironie du sort, ce sont les producteurs de vin eux-mêmes qui ont annoncé la nouvelle, à l’époque, en 2020. “Il y a une ingérence importante des lobbies alcooliers qui se sentent mis en danger par ce mouvement et qui prônent la “consommation responsable”. Il faut un vrai plan national de lutte contre les dommages liés à l’alcool, comme c’est déjà le cas pour le tabac, avec le “Mois sans tabac” par exemple. On attend du gouvernement et du ministre de la Santé et de la Prévention le même soutien”, insiste l’addictologue.

L’alcool, entre pression sociale et idées reçues

Exit la légende des bienfaits du vin rouge sur la santé. L’alcool est responsable du décès de 41 000 personnes par an, soit 130 morts par jour, selon l’OFDT, l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives. “Contrairement aux idées reçues, le vin et plus largement l’alcool n’ont aucun impact positif sur la santé. L’alcool est la première cause d’hospitalisation en France, il est présent dans près de la moitié des suicides et une importante partie des violences intrafamiliales. Le coût social de l’alcool est de 106 milliards d’euros par an en France, contre 7,7 milliards d’euros pour les drogues illicites”, détaille le Dr Michaël Bisch.

En France, l’alcool échappe à la notion de consentement, la pression sociale est très forte

Dr Michaël Bisch, addictologue à Nancy

Malgré ces chiffres alarmants, la France semble toujours faire figure de mauvaise élève en matière de lutte contre les dommages liés à l’alcool. “On vit dans un environnement où on doit se justifier de ne pas consommer d’alcool. Quand une femme ne veut pas boire d’alcool, on pense qu’elle est enceinte et quand un homme refuse de l’alcool, on pense que c’est un alcoolique en plein sevrage. En France, l’alcool échappe à la notion de consentement, la pression sociale est très forte. Il est temps de baser la politique publique sur des données scientifiques”, conclut l’expert lorrain.

Selon un sondage IFOP, 33% des Français envisagent de participer au “Dry January”, début 2024. Les addictologues espèrent avoir une réponse du ministre de la Santé avant le 1ᵉʳ janvier.

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