ENTRETIEN. "La transition vers l’électrique va bouleverser les relations géopolitiques" assure un chercheur du CNRS

Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a annoncé la création de la première mine de lithium dans l’Allier d’ici 2027. Et ce n’est que le début selon Julien Mercadier, chercheur au CNRS de Nancy, qui annonce un véritablement "changement politique et sociétal" dû à l'électrique et la course aux minerais.

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"Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium". Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a salué ce lundi 24 octobre 2022 l'annonce du projet de la première mine de lithium en France, dans l’Allier, cet "or blanc" indispensable à la fabrication des batteries de voitures électriques. Le coup d’envoi d’une course aux minerais pour passer d’une société des hydrocarbures au tout électrique.

Quelles conséquences sur notre territoire et sur l’équilibre géopolitique mondial ? Nous avons posé la question à Julien Mercadier, chercheur au CNRS, et chargé de recherches sur les gisements de métaux au laboratoire GeoRessources de Nancy.

La société Imerys a annoncé la création d’un complexe pour extraire du lithium dans une actuelle carrière de kaolin dans l'Allier, à Echassières, d'ici à 2027. Ce serait une première en France. Faut-il s’en réjouir ?

Le lithium est un des métaux clef pour passer d’une société dépendante du pétrole et du gaz, à une société du tout électrique. Il est indispensable pour fabriquer des batteries et donc stoker cette électricité. Si le projet d'Imerys voit le jour, ils pourraient extraire des milliers de tonnes de lithium de cette carrière, ce qui permettrait de fabriquer près de 700.000 batteries de voiture chaque année pendant 25 ans.

Cela peut paraître énorme, mais il faut mettre ce chiffre en parallèle avec l’objectif du gouvernement qui est de produire 2 millions de batteries par an. Cette mine ne couvrirait donc qu’un tiers à peu près des besoins.

Dans une étude menée en 2018, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait ainsi recensé 41 sources de lithium France. Où se trouvent-elles ?

La majorité des métaux sont associés à un ensemble particulier de roches, que l’on trouve dans les chaînes de montagnes anciennes, qui se sont formés il y a près de 300 millions d’années, comme le massif central et le massif armoricain. Les Vosges ont été exploitées dès l’antiquité romaine et au moyen-âge pour extraire du cuivre. Il y a toujours des minerais intéressants, mais pas en quantité suffisante pour installer un site d’extraction.

Risque-t-on de voir réapparaître des mines en France ?

Les métaux sont extraits des roches dures et il faut les briser pour les extraire : en extérieur dans des carrières, ou dans le sous-sol en créant des mines, avec un impact indéniable sur l’environnement et les paysages, ce qui risque d’être difficile à faire accepter aux populations. 

Il y a un vrai travail de pédagogie à faire en amont pour faire comprendre aux populations que le choix d’une société basée sur l’électrique, n’est pas sans conséquences.

Julien Mercadier, chercheur au CNRS de Nancy

Mais il existe d’autres solutions, notamment l’utilisation des fluides géothermaux qui circulent dans les profondeurs de la Terre. Aujourd’hui, ils sont pompés dans les sous-sols pour servir de chauffage, mais ces fluides sont aussi chargés en métaux, et on pourrait en extraire du lithium. 

C’est un objectif très important sur lequel nous travaillons en ce moment au laboratoire GeoRessources de Nancy. Nous effectuons des tests pour évaluer la teneur en métaux de ces fluides, notamment dans le bassin rhénan. Leur potentiel est en train d’être défini. Cela permettrait de valoriser cette énergie avec un impact minime sur l’environnement puisqu’il n’y aurait que le trou du forage d’apparent.

Si la France parvient à extraire du lithium, cela suffira il à assurer son indépendance ?

Non, car le lithium n’est de loin pas le seul minerai indispensable au processus d’électrification. Après avoir produit de l’électricité, grâce au nucléaire ou à l’éolien, il faut ensuite le transporter, le stocker, et l’utiliser. Une trentaine de métaux différents sont nécessaire pour former cette chaîne électrique, comme les terres rares, le niobium, le tantale, ou le cobalt. L’approvisionnement risque d’être très compliqué, car la plupart de ces métaux ne sont pas produits en Europe.

Il va falloir réfléchir à une production européenne commune. C’est un vrai défi industriel et politique, l’indépendance de l’Europe en dépend.

Cette course aux minerais va-t-elle bouleverser les relations géopolitiques ?

Sans aucun doute. Les puissants d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain. Car les minerais ne sont pas répartis de façon équitable sur la planète. Certains groupes de métaux comme les terres rares se trouvent à 95 % en Chine. Le Congo détient un quasi-monopole sur le cobalt, avec 90% des ressources mondiales. Cela va bouleverser les relations géopolitiques.

La transition vers une énergie basée sur l’électrique va transformer en profondeur les rapports de force et rabattre les cartes de l’ordre mondial.

Julien Mercadier, chercheur au CNRS de Nancy

Les pays producteurs de pétrole, qui dominaient jusqu’ici l’ordre mondial, comme les Etats-Unis, la Russie ou l’Arabie Saoudite, ne seront pas de grands producteurs de métaux. La transition vers une énergie basée sur l’électrique va transformer en profondeur les rapports de force et rabattre les cartes de l’ordre mondial.

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