C’est une école pas tout à fait comme les autres. Comme les jeunes gens qui y vivent. Car on y vit dans cette école. Jour et nuit. Pour réapprendre l’autonomie. Romain, Elisa, Lucile et Noah sont en situation de handicap et comptent bien relever le défi de leur vie : être libre et autonome.
Elle porte un nom symbolique : EVA pour école de la vie autonome. Elle se situe à Vandœuvre-lès-Nancy en Meurthe-et-Moselle. Elle est un lieu de vie pour de jeunes adultes en situation de handicap. Ils y vivent dans des studios conçus pour eux et y apprennent les gestes qui leur rendront leur autonomie. Une parenthèse collective avant de se lancer dans le grand bain de la vie en autonomie.
Voici trois bonnes raisons de regarder "Autonome", un documentaire de Philippe Pichon.
1. Parce que le handicap ne définit personne
Et c’est Romain qui l’affirme : "le handicap ne me définit pas". C’est une évidence pour ces jeunes filles et ces jeunes hommes qui témoignent dans le documentaire. Ils n’ont connu que cette vie en institut depuis leur tendre enfance, ou sont en situation de handicap après un accident ou une maladie et se réadaptent à leur nouvel état.
Mais tous refusent catégoriquement qu'on les détermine par leurs fauteuils. Et même s'ils sont conscients des regards, ils refusent d'en faire un obstacle. "Dans la rue, quand les gens nous voient en fauteuil, t'as l'impression d'être un extraterrestre" s'exclame Noah en interpellant le réalisateur : "mets-toi en fauteuil 24 heures, tu verras". Quant à Elisa, victime d'un accident domestique, elle déplore : "tout le monde regarde les fauteuils, mais demain, tu as un accident de voiture et tu te retrouves en fauteuil". Ça peut être l'avenir de n'importe qui, monsieur ou madame Toutlemonde. Ce qu'ils sont et veulent être aux yeux de tous.
2. Parce que la vie est faite de défis à relever
Ils n'en manquent pas de défis ces jeunes cloués sur leurs fauteuils roulants. Des défis psychologiques et des défis physiques. Dans cette école de la vie autonome, il y a peu de places. Une douzaine de studios peut accueillir des jeunes personnes en situation de handicap, porteurs d'infirmité motrice cérébrale.
Alors le premier défi à relever, c'est la motivation à vouloir s'assumer seul. Leur volonté est la garantie de leur accueil dans l'établissement. Élisa le définit ainsi : "il faut arrêter de se morfondre dans son lit. La vie ne reviendra plus comme avant." La première phase de leur parcours de résilience.
Une fois accueilli dans leur studio à l'EVA, chaque résident doit déterminer ses objectifs. Les professionnels de santé, ergothérapeutes, kinésithérapeute, infirmière, aide-soignant et les éducateurs assurent à la fois l'aide quotidienne et l'accompagnement face aux défis. Pour Romain, c'est assurer son ménage seul, car son autonomie de déplacement est déjà assurée.
Pour Noah, c'est savoir se faire à manger seul et ne plus se contenter des repas livrés. Il explique : "le projet, c'est toi qui le construis, c'est toi qui sais ce que tu as envie de faire ; c'est pas eux qui vont te dire "fais ça", c'est toi qui dis aujourd'hui, j'ai envie de faire ça ". Le jeune homme de 20 ans a le mordant nécessaire : "moi, je ne lâche pas, même si ça doit durer des années, je vais me sortir les doigts du c…, en parlant poliment, pour obtenir quelque chose. Même si je sais que j'aurai toujours besoin du fauteuil et que je ne remarcherai sûrement pas comme avant." Une de ses motivations, c'est se coucher quand bon lui semble : "quand on te dit à 21h30 qu'il faut aller au lit ! Mon premier objectif, ça a été de savoir me coucher tout seul."
Quant à Élisa, elle reprend des cours de français puisqu'elle veut devenir assistante médicale. Parce que c'est son projet.
3. Parce qu'après l'EVA, il y a la vie
Alors la caméra de Philippe Pichon suit Élisa qui est arrivée à l'EVA il y a trois ans. Charline qui est là depuis deux ans. Lucile et Noah ne sont là que depuis un an, et Romain depuis un an et demi.
Le temps de l'accompagnement est propre au rythme de chacun. Le réalisateur suit chacun d'eux dans les gestes du quotidien, dans les moments d'exercice ou les moments de repos. La présence des aidants est discrète, mais ici ou là, elle accompagne les changements. Romain, qui prend la parole devant un parterre d'étudiants de l'Institut régional du travail social (IRTS) donne son point de vue : "il faut être accompagné et en même temps faire par soi-même. Je vous assure que ce n'est pas facile. Dans votre métier, laissez le pouvoir à la personne que vous accompagnez".
Et c'est ainsi que, de prise de vouloir en prise de pouvoir, les progrès se font, jusqu'au moment où l'équipe valide le départ de certains dans un logement adapté. Un départ de ce lieu de vie, pour la vie, la vraie. Départ aussi attendu que craint, mais tellement plein d'espoir.
"Autonome" un documentaire à voir en intégralité sur France.tv