La crainte de contracter le Covid-19 en se rendant dans les bureaux de vote pourrait faire bondir les chiffres de l’abstention. Logiquement parmi les plus exposés aux risques de transmission : les seniors qui ont tendance... à voter à droite. Mais la situation est bien plus compliquée.
A quelques jours du premier tour des municipales, 28 % des Français envisagent de faire l’impasse ce dimanche 15 mars 2020 sur le premier tour des municipales. Leur crainte, c’est le Covid-19. C’est ce que révèle un sondage Ifop (1). "Le poids des seuls électeurs se disant certains de ne pas aller voter à cause du virus est certes plus restreint (16 %) mais il n’en représente pas moins entre 6 à 8 millions d’électeurs", révèle l’institut de sondages.
Conséquence : la participation pourrait en pâtir mais surtout, le résultat même de ces élections. "En général, les seniors ou les plus de 65 ans se déplacent plus que les jeunes pour aller voter" explique Jérome Pozzi, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lorraine. "Effectivement, il peut y avoir une baisse de la participation des seniors qui ont «peur» de l’épidémie. C’est envisageable. Dans les faits, c’est un électorat qui vote plutôt à droite, plutôt mobilisé et qui est attaché à des thèmes comme la sécurité. Moins de seniors dans les bureaux de vote, ça peut vraiment avoir un impact sur les résultats !"
Il peut y avoir une petite influence dans les villes où le scrutin sera serré mais de là à inverser une élection, non !
- Eric Pensalfini (LR)
Une analyse tempérée par Eric Pensalfini. "Je ne suis pas devin" explique le candidat LR à la mairie de Saint-Max (Meurthe-et-Moselle) et par ailleurs président de la fédération départementale des Républicains, "mais on peut imaginer qu’il y aura un impact à la marge. La partie la plus âgée, celle constituée par les nonagénaires, risque de ne pas se déplacer. Pas les 60 à 80 ans ! Il peut y avoir une petite influence dans les villes où le scrutin sera serré mais de là à inverser une élection, non !"
Il y a moins de risques d’aller voter que d’aller à un spectacle !
- Valérie Debord (LR)
"Notre devoir, c’est d’assurer à chaque citoyen la possibilité d’aller voter" rappelle Valérie Debord, adjointe LR à la Mairie de Nancy en charge de la Cohésion sociale et des Séniors et par ailleurs colistière du candidat Laurent Hénart. "Si les seniors ne vont pas voter, c’est une difficulté pour tout le monde. Il ne faut pas céder à la panique. On met en place pour le premier et le second tour les mesures nécessaires : stylos à usage unique, gels hydro-alcooliques… Très sincèrement, il y a moins de risques d’aller voter que d’aller à un spectacle ! Les personnes âgées peuvent aussi user du système des procurations... Moi, je ne ressens pas de craintes chez les personnes âgées que j’ai rencontré dans cette campagne" tient à ajouter Valérie Debord, «je n’ai pas l’impression qu’ils vivent cet épisode coronavirus de façon dramatique.»
Même constat pour Eric Pensalfini : "Pour l’instant, je ne ressens pas d’inquiétude sur le terrain et notamment parmi les anciens lorsque je fais du porte à porte. Ce weekend, on a peut-être franchi une étape mais on va prendre toutes les précautions dans les mairies pour le vote de dimanche. Moi, j’invite le gouvernement à faciliter les procurations ! Cela reste encore beaucoup trop complexe à mettre en place ! Il faut aussi en profiter pour réfléchir à d’autres solutions comme le vote électronique."
Les extrêmes impactés
Mais d’après le sondage lié à la crainte du coronavirus, "les électeurs de la droite s’avèrent les moins susceptibles de s’abstenir pour ce motif (23 % à 25 % des électeurs des candidats LR et DLF à l’élection présidentielle de 2017)", note l’Ifop, "contrairement aux électeurs situés aux deux extrêmes de l’échiquier politique qui sont beaucoup plus nombreux que la moyenne (28 %) à déclarer qu’ils ne comptent pas aller voter à cause du virus (31 % des électeurs lepénistes, 30 % des électeurs mélenchonistes)." A priori, pas de forte démobilisation chez les seniors et donc pas d’impact pour la droite républicaine contrairement aux jeunes de moins de 35 ans (23%) et aux étudiants (29%) qui avouent être les électeurs les plus susceptibles de ne pas se rendre aux urnes.
"A l’heure où le report du scrutin a été rejeté par le gouvernement, la crise sanitaire liée au Covid-19 pourrait donc jouer à la baisse sur la mobilisation électorale alors même que l’abstention avait déjà atteint en 2014 le niveau record des municipales sous la Ve République (36,43% au premier tour et 38,3% au second tour)" précise enfin l’Ifop.
"Des mesures ont été prises pour rassurer les votants et notamment les seniors qui demeurent les plus exposés aux risques de transmission" conclue Jérôme Pozzi "mais l’ambiance anxiogène risque néanmoins de les dissuader d’aller voter. Beaucoup de gens risquent aussi de reporter leur présence en zappant le premier tour".
(1) Sondage réalisé par l’Ifop le 5 mars 2020, par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 1 008 personnes, âgées de 18 ans et plus.