C’était une première pour le Tribunal de Nancy. Fin avril 2022, une douzaine de personnes ayant commis des infractions à l’environnement se sont vues proposées une journée de stage de citoyenneté environnementale. Après quoi, le dossier a été définitivement classé par la justice.
Échanger une amende pour infraction à l'environnement contre une journée de stage de citoyenneté environnementale, c'est la proposition faite par Natacha Collot, procureur en charge des atteintes à l'environnement pour le tribunal de Nancy à une douzaine de personnes. Une première pour ce tribunal.
Les personnes présentes aujourd'hui ne sont pas des grands délinquants. Une petite infraction peut être à l'origine d'un préjudice irréparable
Natacha Collot, Procureur en charge des atteintes à l'environnement pour le tribunal de Nancy
Pour Natacha Collot, l'idée forte est de privilégier d'abord la pédagogie : "Oui, c'est la première fois. Préserver la biodiversité est devenu un enjeu important pour la justice. Comme les infractions routières, ces infractions, d'atteinte à l'environnement, peuvent être commises par tout le monde. Les personnes présentes aujourd'hui ne sont pas des grands délinquants. Une petite infraction peut être à l'origine d'un préjudice irréparable".
Des infractions diverses
Ce jour-là, les infractions reprochées sont diverses : pollutions de cours d'eau, abandons de déchets, circulations avec quad et moto dans les zones interdites, travaux non autorisés ou destruction d'espèces protégées. Le stage se déroule en deux parties. Le matin, les stagiaires, rassemblés dans une salle, découvrent ce que sont les infractions à l'environnement. Ils ont aussi pu avoir des informations sur la fragilité de la biodiversité.
Après quoi, ceux, qui acceptaient le contrat, pouvaient s'engager une après-midi auprès de professionnels de l'environnement pour ramasser des déchets dans la nature. Des acteurs du Parc Naturel Régional, mais aussi du Conservatoire des Espaces Naturels et du CPIE (Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement) les ont accompagnés sur le terrain.
L'île du Foulon espace naturel sensible
L'île du Foulon à Tomblaine, près de Nancy, est le lieu qui a été retenu pour cette expérience. Un espace naturel sensible comme nous le rappelle Cyril Galley, directeur du CPIE : "Nous sommes ici sur un espace naturel sensible, celui du Foulon, petite bulle de nature au cœur de Nancy, sur le territoire de Tomblaine. Ce lieu, bien caché en bordure de Meurthe, recèle une nature spécifique des milieux humides. Au vu de la proximité immédiate des activités humaines, ce lieu se doit d'être préservé, car il est fragile. C'est pourquoi, avec le Conservatoire des Espaces Naturels et le Parc Naturel Régional, le Tribunal, la Métropole et la Commune nous avons souhaité nous appuyer sur cet espace naturel pour sensibiliser les stagiaires. Récolter ici des déchets dans la nature, au-delà de l'activité pratique et utile, est un prétexte pour évoquer l'impact de l'homme sur le vivant".
Cela permet de faire une petite piqûre de rappel. On s’aperçoit que la nature est fortement polluée
Dominique, Stagiaire
Assez rapidement, les stagiaires se prennent au jeu. Mégots, canettes, bouteilles en plastique, en verre, mais aussi un sommier, une valise et bien d’autres choses, encore, on est loin d'imaginer tout ce que l'on peut trouver et qui n'est pas toujours visible depuis le chemin. Le parcours se transforme en chasse au trésor et les plus cascadeurs tentent de s’enfoncer dans les broussailles malgré quelques épines.
Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, les stagiaires s’impliquent et n’en reviennent pas de trouver autant de déchets sous les feuilles ou au pied d’un arbre. Dominique est agréablement surpris : "le procureur montre l’exemple. Elle nous a expliqué ce matin et cet après-midi, elle ramasse avec nous. Cette journée est intéressante au niveau de la sensibilisation de l’environnement. On a découvert des choses que l’on connaissait plus ou moins. Mais cela, permet de faire une petite piqûre de rappel. On s’aperçoit que la nature est fortement polluée, en particulier dans ces endroits un peu sauvages".
Plusieurs heures après le début du parcours, le groupe est soudé comme si les stagiaires se connaissaient depuis longtemps. Ce que n'a pas manqué d'observer la magistrate : "Je suis très satisfaite. J'ai vu des personnes qui sont arrivées ce matin à reculons, avec une mine assez fermée, qui n'étaient pas du tout contentes de perdre une journée de leur temps. Je les vois évoluer au fil de la journée. Chacun est impliqué et va chercher dans les broussailles un déchet qu'il a repéré. Pour moi, l'objectif est réussi sur cette journée. L'important, c'est vraiment la pédagogie. Ces personnes vont repartir ce soir en faisant passer le message autour d'elles. À partir du moment où elles ont participé activement, le dossier sera définitivement classé sans suite au tribunal".
J’ai appris que les mégots mettent jusqu’à dix ans pour se dégrader dans la nature
Lucas, Stagiaire
Lucas, lui, a déjà dans l’idée de poursuivre cette nouvelle mission : "j’ai appris que les mégots mettent jusqu’à dix ans pour se dégrader dans la nature. Certaines personnes pensent que c’est trop tard. Mais ce n’est jamais trop tard. On peut toujours améliorer les choses. Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais. Avec mes neveux, quand on fera des balades, je pense qu’on ramassera des déchets. C’est pour leur avenir. Et je serai un bon tonton".
Si nous pouvions renouveler ce genre d'initiatives, ce serait parfait !
Cyril Galley, Directeur du CPIE de Champenoux
L’objectif a été largement atteint pour la magistrate. "Une peine d’amende élevée ne fait pas plus réfléchir. Une comparution devant le tribunal est très difficile à vivre. Une journée de prise de conscience permet pour ces personnes de découvrir les forces et les faiblesses de la nature, l’environnement dans lequel ils vivent. Pour les professionnels, en plus d’avoir fait découvrir ce site remarquable à des personnes qui ne le connaissaient pas, cela a permis aussi de retirer de la nature une quantité impressionnante de déchets.
Et Cyril Galley d’ajouter : "C'est pour nous, associations d'éducation et de gestion des milieux naturels, un bon moyen de pouvoir faire connaître un tel site, ses enjeux de conservation et sa richesse floristique et faunistique. Si nous pouvions renouveler ce genre d'initiatives, ce serait parfait !"
C’était une première pour le Tribunal de Nancy et à n'en pas douter ,le début d'une nouvelle ère pour aider à sensibiliser chacun à la fragilité de la biodiversité.