Une histoire forte, dans le cadre de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ce 2 avril 2024. Celle du combat d’une mère contre une société qui ne s’adapte pas à l’autisme. Audrey Reibel accompagne depuis 23 ans son fils Quentin, autiste non verbal. Son récit émouvant et sans filtre est publié dans un livre.
Quentin a 23 ans. Il aime le sport, surtout l’athlétisme, le piano, le groupe Indochine et Toy Story. Il adore aussi l’eau, la piscine, la mer et faire de la moto avec son papa. Pourtant, il ne peut presque pas communiquer verbalement et nécessite une importante prise en charge. “Il sait lire, compter, écrire et exprimer ses besoins primaires mais nous devons nous occuper de Quentin en permanence, anticiper tous ses besoins. Son arrivée a complètement bouleversé notre vie. Tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas savoir. Chaque jour qui passe est un combat contre l'autisme”, explique Audrey, sa mère, qui vient de publier un livre à ce sujet, Maman s'appelle torchon.
Un parcours du combattant
Audrey a 49 ans. Secrétaire générale de la mairie de Moncel-lès-Lunéville (Meurthe-et-Moselle), elle est mariée et mère de deux grands garçons. La vie de la famille est chamboulée lorsqu'elle apprend que son fils aîné Quentin est autiste “moyen à sévère”, comme le disent les spécialistes. “Nous avons la chance d’être encore mariés avec son papa, il y a 80% de divorces chez les couples qui ont un enfant autiste. Mon mari est très présent mais depuis la naissance de Quentin, je n'ai jamais pu travailler à temps complet. Comme beaucoup de parents dans le même cas, j’ai dû sacrifier ma carrière. Je suis cadre supérieur, pourtant je toucherai moins que le minimum vieillesse à la retraite”, confie Audrey Reibel.
Ce que l’on vit en France, ce n’est pas possible
Audrey Reibel, maman de Quentin, autiste non verbal
Audrey décrit le parcours du combattant vécu par les parents d’enfants autistes, de la reconnaissance de la maladie à la scolarité, en passant par l’entrée dans le monde du travail.
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“Très vite après la naissance de Quentin, j’ai eu des doutes car j'étais déjà formée à l’autisme. J'ai dû attendre ses six ans pour que le diagnostic soit officiellement établi par les médecins et ainsi avoir droit aux aides disponibles. Ce que l’on vit en France, ce n’est pas possible. Dans les pays voisins et dans d’autres pays moins développés, l’autisme est mieux pris en charge. Nous sommes sans cesse confrontés à des injustices et des aberrations administratives”, soupire la mère de famille.
On a trouvé un ÉSAT disposé à accueillir mon fils dans le Gard, à 700 kilomètres d'ici
Audrey Reibel, maman de Quentin, autiste non verbal
Aujourd'hui, Quentin est adulte. Stagiaire durant un an dans un ÉSAT (Établissement et Service d'Aide par le Travail) proche de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), il n’a finalement pas été embauché car la structure ne s’estimait pas en mesure de le prendre en charge. “On a trouvé un ÉSAT disposé à accueillir mon fils dans le Gard, à 700 kilomètres d'ici. On va donc devoir déménager l’an prochain. C’est dommage que les choses soient si compliquées. Quentin adorerait travailler dans un supermarché par exemple, mais cela implique des adaptations et la mise en place d’un tutorat de la part de l’entreprise. En France, cela reste à la marge, alors que c’est enrichissant pour tout le monde”, dénonce la maman.
Un livre pour interpeller les pouvoirs publics
Après vingt ans de combat pour son fils et contre l'autisme, Audrey se lance dans l'écriture de son premier livre. “Je raconte, sans filtre, les beaux et les mauvais moments. J’ai surtout écrit ce livre pour interpeller les pouvoirs publics. Les autistes adultes sont complètement oubliés. Je veux faire comprendre à l’État français qu’on ne peut pas être sous-développés en matière de prise en charge de l’autisme, il faut de vraies mesures. Je nourris l'espoir que ce livre change un peu le regard que l'on porte sur l'autisme mais aussi qu'il permette aux pouvoirs publics de prendre conscience de l'urgence à mener une vraie politique d'inclusion”, insiste la quadragénaire.
La réalité est loin de ce que l’on montre
Audrey Reibel, maman de Quentin, autiste non verbal
Maman s’appelle Torchon est paru fin décembre 2023 aux éditions Les Trois Colonnes. Dans son ouvrage, Audrey Reibel livre avec sincérité, transparence et un peu d'humour ses ressentis, les difficultés rencontrées et la lutte incessante contre la maladie. “Quentin me rend meilleure chaque jour, je n’échangerais pas ma vie contre une autre, mais je veux que la société s'adapte mieux aux personnes autistes. Même si on nous regarde bizarrement, on essaye de vivre normalement. En France, on connaît encore peu le handicap invisible et l’autisme. On voit surtout des reportages sur des personnes à l’intelligence surdéveloppée, qui souffrent du syndrome d'Asperger. La réalité est loin de ce que l’on montre”, conclut la maman de Quentin.
Chaque 2 avril, la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme rappelle que les troubles du spectre autistique touchent 1% de la population et que de nombreux progrès restent à accomplir pour faire avancer la recherche et l'inclusion.