Témoignages. Cinq ans après leur création, "les Gilets jaunes se tiennent prêts, quelle que soit la forme que prendra la contestation”

Publié le Écrit par Inès Pons-Teixeira
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S’il a presque disparu des radars, le mouvement reste gravé dans tous les esprits. Les Gilets jaunes célèbrent leurs cinq ans et les revendications n’ont pas bougé. Rendez-vous dans la banlieue de Nancy, avec les derniers “résistants”.

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Tous les samedis matin depuis cinq ans, Mauricette se rend au rassemblement de Gilets jaunes du rond-point de la zone commerciale de Houdemont, en périphérie de Nancy (Meurthe-et-Moselle). À 68 ans, cette ancienne agente commerciale dans l'immobilier est une Gilet jaune de la première heure. Elle rejoint, comme chaque semaine depuis novembre 2018, une trentaine d’autres militants.

Une "petite tribu de résistants"

Enseignant, retraité, anthropologue ou encore ouvrier, ici les profils sont très variés et toutes les origines et les âges sont représentés. “Quand le mouvement a débuté, personne ne s’attendait à voir des milliers de Gilets jaunes dans la rue. Cinq ans plus tard, on est toujours là, il reste un noyau dur, une petite tribu. Sur les ronds-points, on distribue des tracts, on tient un blog sur lequel on publie des articles, on se réunit régulièrement et on ne lâche pas”, insiste la retraitée.

La répression a stoppé le mouvement, on avait peur pendant les manifestations

Mauricette Fève, 68 ans, retraitée et Gilet jaune

Sur ce rond-point, les Gilets jaunes sont bien moins nombreux qu’à l’origine du mouvement, en 2018, et Mauricette a un avis bien tranché sur les raisons de cet essoufflement. “La répression a stoppé le mouvement, on avait peur pendant les manifestations, entre le gaz lacrymogène, la crainte des amendes et les violences policières. Puis avec le Covid, le gouvernement a de nouveau joué avec la peur. Maintenant, les gens sont résignés, car il n’y a pas de débat dans ce pays, Emmanuel Macron ne va pas vers le peuple. On travaille, on paye nos impôts, pourtant on n'est pas entendus”, déplore la membre de l'association citoyenne GJ Nancy Porte Sud.

La médiatisation du mouvement nous a aussi fait du mal

Sophie, 64 ans, professeure de musique et Gilet jaune

Sophie, 64 ans, est musicienne. Elle aussi a rejoint les Gilets jaunes en 2018 et partage l’avis de Mauricette. “On remarque dans les milieux militants que le mouvement a fortement marqué les esprits, par la vitesse de son irruption et la qualité de ses revendications, tout en étant populaire et sans leader. Il a été opprimé mais il est toujours là, sous-jacent. Mais la médiatisation du mouvement nous a aussi fait du mal. La plupart des Gilets jaunes réfléchissent parfaitement et sont tout à fait intégrés dans la société, contrairement à la représentation qui en a été faite par certains médias”, regrette la sexagénaire.

Les mêmes revendications qu’en 2018

Entre la baisse du pouvoir d’achat et le passage en force de la réforme des retraites, les Gilets jaunes ne décolèrent pas. “Nos revendications n’ont pas changé, il s’agit surtout du pouvoir d’achat, et du RIC (référendum d'initiative citoyenne). Le peuple doit être entendu, il faut qu’il y ait du débat. Il y en a assez, le peuple a été suffisamment mutilé et insulté. Nous sommes une minorité mais on y croit, les gens vont forcément finir par se réveiller car tout le monde est impacté par l’inflation, même la classe moyenne”, souffle Mauricette.

Je gagne le Smic, je n’ai pas d’enfant et pas de voiture, pourtant je galère pour boucler mes fins de mois

Andreina Wolff, 37 ans, agente de service en crèche et Gilet jaune

Sylvie Wolff, 63 ans, et sa fille Andreina, 37 ans, ont rejoint le mouvement sur le tard, en novembre 2022. “Avant, je n’étais pas politisée et engagée, mais avec la privation de nos libertés pendant le Covid, j’ai eu un déclic. On attend maintenant que les autres se réveillent. On y croit, même si c’est en dents de scie, les gens nous encouragent, mais ils ne sont pas forcément mobilisés”, explique cette ancienne agente territoriale spécialisée dans une école maternelle. “On n’est pas beaucoup de jeunes dans le mouvement, pourtant l’avenir est inquiétant. Je gagne le Smic, je n’ai pas d’enfant et pas de voiture, pourtant je galère pour boucler mes fins de mois”, ajoute sa fille, agente de service en crèche.

Des personnes qui n’avaient jamais milité ont enfin osé donner leur avis et réfléchir à leur citoyenneté

Mauricette Fève, 68 ans, retraitée et Gilet jaune

Il y a cinq ans jour pour jour, le 17 novembre 2018, des milliers de Gilets jaunes manifestaient contre la vie chère et la hausse des prix du carburant. “Cinq ans plus tard, pour moi, tout reste positif. Des rapports humains forts ont été créés et des personnes qui n’avaient jamais milité ont enfin osé donner leur avis et réfléchir à leur citoyenneté”, souligne Mauricette, 68 ans.

“Il y a un sentiment de colère vis-à-vis des puissants de ce monde. La situation s’est dégradée au niveau économique, sociétal et on constate aussi un regain du communautarisme. Le mouvement pourrait bien resurgir, les Gilets jaunes se tiennent prêts, quelle que soit la forme que prendra la contestation”, conclut Sophie, 64 ans.

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