Juliette Anglade cultive des variétés de roses anciennes dans sa roseraie agricole. La toute première dans le Grand Est. L’idée est de produire de l’eau de rose locale et artisanale. En ce mois de juin 2024, c’est la première récolte de la jeune femme installée depuis cette année en Moselle.
"Kazanlik, Conditorum ou Cuisse de nymphe…" Ce sont des noms de variétés anciennes de roses. Elles fleurissent une seule fois par an et c’est maintenant entre mai et juin. La fabrication d’hydrolat de rose, appelé aussi l’eau de rose, n’est pas classique dans ce département du Grand Est. C’est plutôt une activité réservée pour les terres du sud de la France. Mais Juliette Anglade, 35 ans, a décidé de se lancer dans ce projet agricole insolite en Moselle. Elle a installé son exploitation près de Metz.
Leur parfum des roses est tellement envoûtant qu’il prend au nez dès que l’on s’en approche. Ses pieds de roses, Juliette Anglade les a plantés il y a trois ans. Des petites parcelles sur les coteaux en Moselle, que la jeune femme cueille tous les matins en ce mois de juin. "Il ne faut pas attendre, ni l’après-midi, car le soleil a fait évaporer l’essence, ni le lendemain, c'est déjà trop tard. La cueillette, c'est vraiment tous les jours", nous explique la jeune femme, un panier de roses à la main.
Un champ de roses très étudié
Dans son champ de roses, les herbes hautes s’épanouissent, on dirait un terrain laissé en friche. Mais à croire la propriétaire, c'est une culture bien réfléchie. "Ce n’est pas une friche", sourit la jeune productrice, "c’est bien entretenu avec une fauche tardive et différenciée. Je ne fauche pas avant le 15 juin pour permettre à toutes les plantes de finir leur cycle de floraison et d’avoir la grande diversité que nous avons. Il y a des orchidées, des campanules ou de l’origan. C’est vraiment voulu, tout comme les arbres autour."
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Juliette est chercheuse à l'INRAE ( Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) hydrologue et spécialiste de l'impact des pesticides. "L’importance est de préserver la biodiversité et de montrer qu’on peut produire sans intrants et avoir une production intéressante. Ce sont des rosiers qui se portent très bien, ils sont très sains, mais c’est tout l’équilibre dans ce jardin qui permet cela."
Une eau de rose enrichie en huile essentielle
Née à Paris elle revient en Moselle pour s’installer dans la maison de son grand-père, là où elle a trouvé les premiers pieds de roses anciennes. C’est ici qu’elle installe son atelier de distillation. "Voilà c’est l’hydrolat, l’eau de rose et au-dessus on a un petit disque trouble, c’est l’huile essentielle de rose. Je ne les sépare pas, ça fait un produit qui a tous les principes actifs de la rose. C’est une eau de rose un peu exceptionnelle… Cela lui permet d’être conservée dans le temps, parce que l’huile essentielle est bactéricide et fongicide et je n’ai pas besoin d’ajouter des conservateurs ou tout un tas de substances nocives", précise la jeune femme.
200 variétés de roses
Actuellement 200 variétés différentes sont cultivées sur la totalité des parcelles. Des roses galliques, non greffées et sans irrigation, dans le but qu’elles s'adaptent au changement climatique. Un projet agricole, mais aussi scientifique.
"L’idée aussi, c'est de devenir petit à petit un conservatoire de la rose à parfum… Aujourd’hui il n’y a plus qu’une variété, comme pour tout le reste de l’agriculture, on a gardé la variété la plus productive. Les autres ont disparu, alors qu’elles apportent des nuances, de la complexité, une richesse aromatique. Je me suis dis, retrouvons ce qu’on cultivait avant et petit à petit constituer une collection en allant les chercher à travers le monde".
Pour cette première récolte, une grande partie de cet hydrolat local est déjà réservée par des particuliers, directement à la ferme de Juliette. Utilisé comme un antirides depuis la nuit des temps, cet élixir peut aussi être consommé en cuisine et en pâtisserie.