La cour d'appel de Douai examine mercredi 9 septembre les cas des 727 mineurs retraités du bassin houiller de Lorraine. Emmenés par la CFDT, ils entendent faire reconnaitre le préjudice d'anxiété dont ils sont victimes suite à leur exposition professionnelle à des substances nocives et cancérogènes.
Glück Auf ! Nul doute qu’ils pousseront la célèbre exclamation porte-bonheur des mineurs de charbon mosellans avant de monter dans le car qui les emmènera à la cour d’appel de Douai mercredi 9 septembre. Les anciens salariés des charbonnages de France exposés aux substances toxiques pendant leur carrière sauront si le préjudice d’anxiété à l’instar de l’amiante peut enfin être reconnu à titre individuel et ouvrir droit à indemnités.
Ils ne le font pas pour l’argent mais pour la justice, leurs conjointes, souvent hélas leurs veuves et leurs descendants. La mine était un milieu confiné où la principale maladie reconnue était la silicose provoquée par l’inhalation des poussières de silice. L’amiante reconnue elle aussi a fait son sinistre travail de sape dans les poumons des gueules noires.
J’ai 71 ans, je ne sais pas si j’arriverai à 75…
Marcel Amps entré en 1979 aux houillères du bassin de Lorraine et affecté au puits Reumaux à Merlebach affiche 20 ans de fond au compteur. Au début les haveuses n’étaient pas équipées de systèmes de projection d’eau pour limiter l’empoussièrement du chantier. On ne voyait pas à deux mètres explique le retraité. Pas de masques, il utilisait sa chemise pour en avaler le moins possible. Il accuse son ex-employeur de ne pas avoir satisfait à ses obligations de sécurité.Marcel Amps est reconnu amianté à 5%. La silicose ? il n’a pas encore fait la démarche pour savoir. L’anxiété se manifeste aussi au quotidien par ce genre d’hésitation. Vaut-il mieux savoir ou ignorer ?....après un silence il lâche : j’ai des copains qui sont morts avant d’avoir 60 ans… j’en ai 71, je ne sais pas si j’arriverai à 75…Je n’ai jamais été informé des risques liés aux substances toxiques sauf pour la poussière. Dans la mine la pollution était massive. Il faut ajouter les particules d’amiante émises par les systèmes de freinage Ferodo, les joints de tuyauteries, les fumées des diesels, la créosote pour l’entretien des voies ferrées.
Cette épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête rend irritable, condamne les projets et pollue la vie familiale.
Benzène, Hydrocarbures aromatiques polycycliques, goudrons, huiles….
Si l’infernal duo silice et amiante sont les deux substances assassines les plus connues et reconnues du monde industriel, une trentaine d’autres sont aussi incriminées car il faut y ajouter celles qui affectent les ex-salariés de la cokerie de Carling.Embauché en 1970 sous le statut du mineur Djilali Kendoucci a passé toute sa carrière à la gueule des fours à coke. A aucun moment pendant les premières années de son activité affirme-t-il, il n’a été informé des risques liés à l’exposition aux substances toxiques émises par les installations ni bénéficié d’équipements de protection individuelle adéquat.
Une cokerie est sans doute une des installations industrielles parmi les plus polluantes. Les agents chimiques produits par la cokéfaction du charbon sont tellement dangereux que parfois le terrain est irrécupérable. Ils ont pour noms : Benzène, Hydrocarbures aromatiques polycycliques, goudrons, arsenic, plomb, mercure, huiles…. C’est le cas du triangle Marienau. Après l’arrêt de la cokerie il fut confiné pour l’éternité faute de solution.L’employeur n’a jamais alerté sur les dangers. On a appris tout ça après la fermeture des installations.
Une vie de condamné
Chez Djilali Kendoucci l’anxiété s’est installée dans sa vie familiale comme une présence indésirable, un parasite impossible à mettre à la porte.On vit dans la crainte. On voit un copain debout puis un jour avec une bouteille d’oxygène, puis plus du tout
L’ancien cokier est d’autant plus affecté par le risque de développer une pathologie liée à son métier qu’il a vu son propre père mineur silicosé et amianté mourir dans la souffrance.
Il faut que ce soit acté
François Dosso l’infatigable militant CFDT espère voir aboutir au profit des 727mineurs un feuilleton judiciaire qui dure depuis 7 ans.La cour d’appel de Douai devra répondre à trois questions : les mineurs ont-ils été exposés à des substances nocives ? Si oui, y-a-t-il eu faute de l’employeur ? Enfin, cela a- t-il entrainé un préjudice d’anxiété pour le plaignants ?Il faut que ce soit acté. Par rapport au reste de la population française notre cohorte d’anciens mineurs développe un taux anormalement élevé de cancers, en particulier du rein et de la vessie.
Un arrêt qui sera scruté avec beaucoup d'attention par les ex-cokiers d'ArcelorMittal.