Au Qatar, Jean-Pierre Marongiu a vécu plusieurs vies. Celle d'entrepreneur mais aussi de prisonnier pendant plusieurs années. Sans régler ses comptes, il pose son regard sur l'émirat où se déroule le Mondial 2022. Une compétition qui, selon lui, dépasse le strict cadre sportif.
Le Qatar, un pays de la péninsule arabique que Jean-Pierre Marongiu connaît très bien. En 2005, l’homme d’affaires mosellan décide d’ouvrir dans l'émirat un centre de formation aux métiers du management. Comme l’exige la loi nationale, il faut s'associer avec un actionnaire majoritaire qatari, un "sponsor". Mais lorsque ce même actionnaire souhaite lui racheter ses parts pour un riyal soit 0,25 euro, Jean-Pierre Marongiu refuse.
Les ennuis s'enchainent. Ses comptes sont bloqués et les impayés s’accumulent. Ses chèques sont rejetés. Et, au Qatar, un chèque sans provision est puni de trois ans de prison. En septembre 2013, il est arrêté pour "escroquerie". Direction la prison du pays où il déclare vivre un enfer. Il y passera cinq années avant d'être "gracié par l'émir" en 2018. La diplomatie française a pris son temps. Le Mosellan est libre.
Pour Jean-Pierre Marongiu, il n'est pas question aujourd'hui de continuer à régler ses comptes avec le Qatar avec cette coupe du monde de football. "J'ai très tôt dénoncé l'esclavagisme moderne qu'il y régnait" affirme t-il, "le fait d'avoir été retenu comme otage, ça a été une épreuve et une souffrance. Je suis ailleurs aujourd'hui mais ça m'a donné le moyen d'avoir une parole et de m'exprimer librement."
Cette coupe du monde au Qatar est illégitime, c'est une honte pour le football et l'avenir du sport
Jean-Pierre Marongiu
Et sur ce Mondial 2022, Jean-Pierre Marongiu est loin d'être tendre. "Il faut clairement se positionner et dire que cette coupe du monde au Qatar est illégitime, c'est une honte pour le football et l'avenir du sport en générale. On parle même d'un possible départ du Tour de France depuis Doha ! C'est l'argent qui aujourd'hui mène le jeu, c'est terrible."
Un mondial synonyme de boycott
"Cette compétition, c'est une hypocrisie sans nom, poursuit l'entrepreneur. On est censé parler de football, c'est à dire du sport le plus populaire au monde. On parle d'éthique car on enseigne le football aux gamins avec des principes et des règles. Et là, on s'aperçoit que cette coupe du monde a été acheté à coup de pétro-dollars. De nombreux politiques comme Nicolas Sarkozy mais aussi des personnalités françaises comme Michel Platini y sont mêlés. Il y a eu plus de 7 000 morts sur les chantiers liés à la construction de stades et d'infrastructures au Qatar. Je les ai côtoyé ces travailleurs, ce sont des Bengalis, des Sri-Lankais, des Indiens... des gens qui, la plupart du temps, n'étaient même pas payés... Ce qui se passe au Qatar, c'est un drame et ce qui se passe sur nos écrans pendant cette coupe du monde, c'est tout aussi grave. Ce mondial remet en cause tous nos principes de démocratie et d'éthique."
"Je boycotte à mon niveau, je ne regarderai aucun match de cette coupe du monde. C'est hors de question d'apporter la moindre contribution à un état islamiste et terroriste, conclut-il. Les Qataris se moquent de ce que pense l'Occident et l'Europe en particulier. Ils ont investi et corrompu tellement d'institutions qu'ils se sentent intouchables. Le Qatar reste un état féodal, on n'a pas le même langage. L'émirat subventionne énormément de clubs et d'associations en France, c'est pour cette raison que les gens n'en parlent pas. Mbappé peut donner des leçons de morale à qui il veut mais jamais il ne se dressera contre le Qatar qui est son principal employeur."
Le récit de son passage dans les prisons au Qatar, adapté à partir des livres écrits par Jean-Pierre Marongiu est en cours d'adaptation par Netflix.