Pollution lumineuse : quand le confinement incite certaines communes d'Alsace à l'extinction des feux la nuit

C'est comme si le confinement avait permis aux autorités de prendre le temps. La pollution lumineuse, on en parle depuis longtemps, des dégâts qu'elle occasionne sur la faune et la flore aussi. Certaines communes alsaciennes ont décidé de tester ou vont tester l'extinction des feux la nuit.

Comme si le déconfinement avait réveillé les élus de leur torpeur écologique. 55 jours d'arrêt évidemment, la planète nous dit merci, alors pourquoi pas faire reculer encore un peu sa date de péremption. A Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), en tout cas, le conseil municipal a voté le 4 juin pour une extinction des lumières publiques la nuit entre 1 heure 30 et 4 heures 30, et ce, dans toute la commune.

Parce que la mesure existe déjà depuis 2016 mais uniquement dans les rues secondaires, les zones d'activité et les parcs. "Cette décision rentre dans la politique globale qu'on a mise en place depuis 20 ans à Illkirch, de lutte contre le déréglement climatique. On a par ailleurs remplacé les lampes par des leds partout ou on pouvait, mis en place des technologies de détection de mouvement, la lumière ne s'allume que si quelqu'un approche", explique Claude Froehly, le maire d'Illkirch. Une politique payante puisque depuis 2016, la ville a économisé 40.000 euros avec ces mesures et fait baisser sa consommation d'électricité de 40%.

"Certains craignaient avec l'extinction des feux, une recrudescence de la criminalité ou des accidents mais rien de tel depuis que nous l'avons mise en place en 2016 dans les rues périphériques. Et puis 68% des administrés ont approuvé cette mesure alors nous avons décidé d'aller plus loin, ce sera a priori 10.000 euros d'économies supplémentaires. Je rappelle aussi que cela diminue notre empreinte carbone et améliore le sommeil de nos concitoyens, en effet les lumières nocturnes sont source de stress et gênent l'endormissement", ajoute le maire, arrivé en tête des suffrages lors du premier tour des municipales en mars dernier. Une extinction générale des feux à titre expérimental puisqu'elle prendra effet le 5 juillet et durera jusqu'en septembre. A voir ensuite, pour la faire perdurer. 

La faune et la flore impactées par la pollution lumineuse

"Je me réjouis de voir que les concertations électorales n'ont pas remis en question ce projet, se réjouit Jean-Michel Lazou de l'ANCPEN, l'association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes. J'ai accompagné la ville en 2016, fait des conférences pour informer les habitants. Illkirch s'est par ailleurs inscrite en 2019/2020 au concours Villes et Villages Etoilés de l'ANPCEN qui distingue, avec le soutien du ministère de la Transition écologique et solidaire et des nombreux partenaires de l'association, les communes qui s'engagent dans des pratiques de prévention et de limitation de la pollution lumineuse et de protection de l'environnement nocturne. Les résultats sont attendus pour la fin de l'année", explique le correspondant local de l'association de défense de l'environnement.

574 communes en France ont déjà obtenu ce label. Dont 18 en Alsace. 21 se sont inscrites au concours. "Concernant les extinctions en coeur de nuit, 25 communes environ la pratiquent toute l'année dans la Bas-Rhin, dont  cinq dans l'Eurométropole de Strasbourg (Holtzheim, Illkirch, Mundolsheim, Reichstett, Vendenheim) et Strasbourg l'expérimente dans plusieurs parcs de la ville ouverts au public et, plus modestement, dans quelques rues. Ces chiffres vous montrent sans doute l'ampleur du mouvement, qui a démarré doucement il y a déjà plus d'une dizaine d'années en région, par un travail et un engagement bénévoles et désintéressés de contacts, de pédagogie et de persuasion ... qui n'est pas fini !" explique encore Jean-Michel Lazou.

Sur son site internet, l'ANCPEN rappelle que "beaucoup d'espèces dans le monde du vivant sont nocturnes, plus de 60% des invertébrés et mammifères, 95% des papillons, 90% des amphibiens et ont donc besoin d'une obscurité la plus complète et la plus longue possible pour assurer leur cycle biologique."

Bruno Ulrich, trésorier d'Alsace Nature et spécialiste des chauve-souris explique les nuisances observées sur ces animaux du fait de la pollution lumineuse la nuit : "certaines espèces ont compris que les insectes étaient attirés par les lumières et vont chasser au niveau des lampadaires. En revanche, d'autres espèces, très spécialisées ne supportent pas la moindre lumière, l'impact sur leur instint de chasse est direct. Il y a aussi le problème de l'éclairage nocturne des bâtiments publics et des monuments, c'est un facteur de dérangement pour les colonies de grands murins notamment, qui adore s'abriter dans ces endroits et qui sont contraintes de déménager. Enfin, on a des espèces migratrices comme la pipistrelle de nathusius dont le vol nocturne de retour est perturbé par l'éclairage public".

10.000 euros reversés à une association

A Muttersholtz (Bas-Rhin), dont les convictions écologiques du maire fraîchement réélu Patrick Barbier ne sont plus à présenter, on a décidé de tester l'extinction de l'éclairage public dès le 23 avril dans toutes les rues entre minuit et 5 heures du matin.

"Les retours sont pour l'instant quasi tous très positifs, se réjouit Patrick Barbier. On laisse la possibilité à chacun de s'exprimer encore un peu et on prendra une décision définitive à l'automne. Mais sans doute qu'on va faire perdurer cette mesure. En l'adaptant un peu. Peut-être prolonger l'éclairage les vendredis et samedis soirs pour protéger les déplacements doux, vélos et piétons". En tout cas, 5 heures d'éclairage économisées chaque nuit, c'est 10.000 euros tout de même, qui seront reversés à une association du domaine sanitaire. A Muttersholtz, rien ne se perd, tout se transforme.

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