Il y a 20 ans, la "tempête du siècle" balayait la Champagne-Ardenne. Pratiquement toute la France est touchée par des vents à plus de 100 km/h. En trois heures, Lothar détruit des maisons, des forêts, mais aussi un patrimoine important sur lequel s'est penché l'universitaire Thibault Le Hégarat.
Le 26 décembre 1999, la tempête Lothar traverse la France, détruisant tout sur son passage. L'émotion est d'autant plus vive qu'elle balaye le pays au lendemain des fêtes de Noël ... 4 jours plus tard, nous entrions dans les années 2000 ! "C'est la tempête du siècle, les traces sont visibles non seulement en Champagne-Ardenne, mais aussi dans tout le pays. Tous les médias nationaux et locaux ont consacré leurs éditions au phénomène," explique Thibault Le Hégarat, docteur en histoire. Avec des angles multiples, mais surtout sous le prisme du sentiment, de l'émotion et de l'humain dans un premier temps, ce qui est bien normal," ajoute-t-il.
Regain d'intérêt pour le patrimoine
Thibault Le Hégarat est passionné par le patrimoine français. Cet enseignant en histoire/géographie, docteur en histoire contemporaine est intéressé par la représentation du patrimoine culturel à la télévision depuis les années 1950. Il a créé Patrimathèque, un site dans lequel est retracée l'histoire du patrimoine dans les médias, principalement des émissions de télévision. Et au fil de ses recherches, il s'aperçoit que "bien malgré-elle, la tempête remet le patrimoine à l'honneur."Après l'émotion des pertes humaines et matérielles, les médias évoquent rapidement les dégâts sur le patrimoine français. Car ce sont des lieux de mémoire qui sont abîmés, des traces sur les monuments, les pierres, les paysages, les forêts et les parcs. C'est le bien commun qui est touché.
- Thibault Le Hégarat, docteur en histoire contemporaine
Les français ont toujours été très attachés à leur patrimoine, mais étrangement dans les années 90, on en parle peu. "Il n'y a pas beaucoup d'émissions à la télévision. Les sujets se sont raréfiés dans les journaux," observe-t-il, "le patrimoine tombe en sommeil dans les médias alors que la population lui accorde toujours autant d'importance. Il faut la tempête pour qu'on en reparle."
"Le rapport au patrimoine est loin d’être seulement un plaisir intellectuel, c’est aussi une expérience sensible," explique Thibault Le Hégarat. "Les émotions sont très présentes dans le rapport individuel au patrimoine. Ce sont les émotions collectives qui sont au cœur de ce dossier. Ce n'est donc pas étonnant que la tempête ait permis un coup de projecteur sur le patrimoine de notre pays."
Couverture médiatique sans précédent à la télévision
L’essentiel de la couverture de la tempête dans les JT a lieu du 26 au 29 décembre, le pic survient le 28 soit le troisième et dernier jour pendant lequel les deux ouragans ont traversé le pays. Puis l'exposition nationale devient moindre jusqu'à la première semaine de janvier où l’intérêt pour le sujet repart à la hausse. Car "les JT sont en mesure de faire un bilan à l’échelle de tout le territoire national," explique Thibault Le Hégarat, l'auteur de toutes ces recherches.Après avoir évoqué les dégâts humains, les JT ont beaucoup parlé des dommages sur le patrimoine. Les éditions régionales de France 3 se sont concentrées sur le petit patrimoine local pendant que l’édition nationale abordait un peu toutes les régions et surtout l’Ile-de-France.
France 3 Champagne-Ardenne à la pointe du traitement médiatique de la tempête
Si France 3 dans ces journaux nationaux a accordé un peu moins de place aux tempêtes qui ont balayé la France, "c'est parce que les antennes locales de France Télévision ont pris le relais," explique Thibault Le Hégarat. Certaines ont même décidé de consacrer quasiment 100% de leurs éditions à l'événement pendant plusieurs jours. C'est le cas de France 3 Champagne-Ardenne. Après avoir évoqué les dégâts humains, les éditions régionales de France 3 se sont concentrées sur le petit patrimoine local.Je considère qu’il s’agit du dernier grand événement national du XXe siècle a avoir affecté le patrimoine, en plus d’être un drame aux conséquences tant humaines que matérielles.
- Thibault Le Hégarat, docteur en histoire contemporaine
France 3 Champagne-Ardenne a naturellement traité "des dégâts matériels, des arbres tombées, des forêts dévastées comme dans l'Argonne, des parcs endommagés, des jardins, des maraîchages, du parc immobilier détruits," ajoute l'universitaire. "Mais la tempête a surtout agi comme un révélateur pour de nombreux patrimoines plus modestes en régions." La tempête a réactivé l’intérêt pour les richesses locales. C’est le cas à Villy-le-Maréchal dans l’Aube, "un sujet emblématique et symbolique"
Le blog Primathèque rappelle que dans l’Aube, trois églises ont été sévèrement touchées par la tempête. Notamment la commune de Villy-le-Maréchal, dont la modeste église datant du XVIe siècle venait d’être restaurée.
Le patrimoine de Champagne-Ardennes a été sévèrement touché. Les cathédrales de Reims et Troyes ont subi des dégats. Mais surtout le célèbre Moulin de Valmy a été entièrement soufflé par la violence du vent.J’ai été très étonné de voir des habitants du village qui ne fréquentent pas spécialement l’église, pratiquement la larme à l’œil devant la destruction du patrimoine.
- Témoignage du maire de l'époque
Le patrimoine forestier dévasté
Le patrimoine forestier a largement souffert. "Cela aussi a ému les français, car la forêt, c'est la vie, les racines, la terre, l'ancrage dans un territoire." La forêt de l'Argonne s'est retrouvée à terre en quelques heures. On estimait à l'époque que 10 ans de la production forestière avaient été anéantis dans la Marne.France 3 Champagne-Ardenne avait également consacré une "émission spéciale" 1 an après la tempête du siècle : les écoliers de Livry-Louvercy - le réseau électrique endommagé - le dégats forestiers - des maraîchers sinistrés - les églises et les monuments endommagés - la restauration des statues de Poilus
Pour rappel : Avec 14 millions de m3 de bois abattus par le vent, la région Champagne-Ardenne a concentré 10% des dégâts nationaux et a été la 4ème région la plus sinistrée, selon la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt.