Alors que 75e édition du festival de Cannes bat son plein, en coulisse, c'est nettement moins "paillette". Depuis début 2022, les cinémas indépendants ont vu leur fréquentation s'effondrer mais le secteur ne manque pas d'idées pour faire revenir les spectateurs. Etat des lieux dans le Grand Est .
La voix ferme et le discours volontaire ne trahissent aucune inquiétude. Pourtant, un an après la réouverture des cinémas, Arnaud Toussaint, le directeur du Cinés-Palace à Epinal (Vosges) ressent toujours aussi durement la crise du Covid-19.
Comme tous les cinémas indépendants du Grand Est, il a dû faire le dos rond pour survivre aux fermetures obligatoires et mesures sanitaires draconiennes : "on ne se porte pas trop mal même si, comme tous les cinémas de France, on accuse une baisse sensible de la fréquentation depuis le début de l’année 2022. Moins 40% par rapport à 2019, année pleine avant l’épidémie covid."
Il ne faudrait pas que cette situation perdure
Arnaud Toussaint, directeur du Cinés-Palace à Epinal
Arnaud Toussaint reconnait que sur le plan financier, c’est compliqué même si les aides perçues pendant la fermeture de l’établissement ont permis d’anticiper cette baisse de fréquentation : "les aides de l’année 2021 nous permettent de survivre cette année, mais il ne faudrait pas que cette situation perdure."
A cela s’ajoute la perte du chiffre d’affaire lié à la vente de confiseries suite à l’interdiction de consommer dans les salles pendant la période où le port du masque était obligatoire : "une demande de compensation a été faite auprès du CNC, On ne connait pas le montant exact mais l’aide sera minime, une goutte d’eau par rapport à ce qu’on a perdu."
Denis Blum, président de l'association des cinémas indépendants de l'Est (ACIEST) confirme cet état des lieux difficile : "un an après la réouverture, c’est une perte d’entrées de 20 à 25 % avec des situations disparates. Cela peut aller jusqu’à 40%."
L'ACIEST regroupe 90 cinémas indépendants. Les plus en difficulté sont ceux qui ne sont pas propriétaires des murs. Ils ont continué à payer des loyers pendant les fermetures sanitaires et ceux qui ont ouvert après de gros travaux et ont continué à rembourser les emprunts.
Des séries chronophages
Arnaud Toussaint note un changement dans les habitudes avec la multiplication des plateformes de streaming et de VOD : "c’est une offre complémentaire car les films sur ces plates-formes ne sont pas les films diffusés dans les cinémas. Les séries sont très chronophages et ce temps n’est plus disponible pour le consacrer aux sorties cinéma."
Contrairement au cinéma, ce mode de consommation des films à domicile n’est pas une pratique collective ce qui peut rassurer ceux qui craignent encore la contagion du Covid et désertent encore les salles obscures.
Réamorcer la pompe et conquérir des nouveaux publics
Arnaud Toussaint constate qu'il y a eu peu de sorties de films début 2022 mais la situation commence à s’inverser avec l’arrivée de blockbusters américains très attendus : un Marvel, Top Gun 2, Jurassic World et les Minions : "quand les spectateurs reviennent au cinéma, il voient les affiches, les bandes-annonces, cela leur donne envie de revenir, il faut réamorcer la pompe, c’est un cercle vertueux."
Il faut aussi une régularité dans la sortie des films-évènements. un ou deux ce n’est pas ce qui va faire revenir le public, en revanche un film-évènement toutes les semaines permet de recréer une habitude chez les spectateurs, de toucher un public qui n’est plus vraiment présent dans nos salles.
Les cinémas indépendants misent aussi sur les séances-évènements avec des contenus originaux : "nous avons diffusé un concert de K-pop en direct de Corée qui a été un vrai phénomène un samedi matin." Une avant-première d’un manga a aussi drainé un public considérable.
Denis Blum confirme cette évolution destinée à conquérir des publics plus jeunes : "c'est une tendance qui a démarré avant la crise COVID pour conquérir des nouveaux publics. On sentait qu’on perdait une partie du public le plus jeune. La retransmission d’évènements type concerts en font partie."
Il s’agit de proposer des retransmissions de spectacles sortant de l’offre classique de films pour des fans qui vont privilégier l’expérience collective en salle et vivre plus intensément l’évènement.
Parmi les rendez-vous à venir, le Cinés-Palace d'Epinal annonce les venues de réalisateurs et d’acteurs. En juin sont attendus Frank Dubosc, Élie Semoun et Lucien Jean-Baptiste. Sans oublier l'opération Ciné-Cool du 20 au 27 août et la fête du cinéma du 3 au 6 juillet.