En sept ans, la petite entreprise implantée à Les Voivres, créée par des élèves ingénieurs bois, a fait du chemin. Pendant le premier confinement, les fondateurs ont changé radicalement leurs méthodes de production. Plus de travail à la chaîne et plus d’horaires imposés.
Ils ont embauché fin février 2021 un 17e salarié. Depuis 2012, où ils imaginent pour la première fois de créer des vélos en bambou, des skates et des lunettes en bois sur les bancs de l’ENSTIB, l’école d’ingénieurs du bois d’Epinal, les cinq copains de In’bô ont fait du chemin. Depuis Les Voivres, ils travaillent désormais avec 800 boutiques d’optique dans toute la France.
Mais pour boucler les vingt étapes environ que nécessite la fabrication d’une paire de lunettes artisanale, il leur fallait jusqu’à présent un mois.
Pendant le premier confinement, l’activité tourne au ralenti, les opticiens, pas encore considérés comme commerces essentiels, sont fermés. Ils décident de remettre toute leur organisation sur la table et de former en interne tout le monde à tous les postes de travail.
De simples opérateurs à artisans
"On a vu ce système dans un coutellerie du sud. Ça devenait compliqué d’avoir de la réactivité dans la fabrication alors on a profité du confinement pour le tester. L’idée était que les gens se forment entre eux ", explique Antoine Cochennec, l’un des fondateurs.
Jusqu’ici, les salariés étaient affectés à une ou quelques tâches seulement, découpe, gravure, finitions. Désormais, chacun peut produire une commande de dix à trente paires de lunettes d’un bout à l’autre.
"Certains ont eu un peu peur au début car ils sortaient de leur zone de confort".
Ce ne sont plus des opérateurs sur une ligne, ce sont des artisans.
Gain en qualité et en réactivité
Ils y perdent du temps pour régler à chaque fois les machines sur des modèles différents mais estiment avoir gagné en qualité.
"Personne ne peut plus dire que c’est la personne précédente qui a raté une opération", ironise Antoine.
Et surtout en réactivité. "Avant, on avait des délais d’un mois ou deux pour approvisionner les boutiques car on produisait toute une série en même temps. Maintenant, si un opticien a besoin de réassort ou de service après-vente, on produit une lunette en quatre jours. Ça permet de vendre plusieurs milliers de déclinaisons différentes."
Zainab Sierston est une jeune anglaise, formée en ébénisterie à Neufchâteau. Elle a été embauchée à In'bô pour s’occuper de la communication graphique mais tourne maintenant sur tous les postes.
"On n'a plus besoin d’attendre que quelqu’un d’autre arrive pour nous faire les réglages ou le perçage. Maintenant, comme on connaît tout, on a toujours un petit coup d’œil sur le travail des autres et on peut s’entraider, se dire: essaie cette technique-là. On travaille encore plus comme une famille avec le même objectif : que les pièces sortent de bonne qualité."
Horaires flexibles
Ils en ont profité pour modifier aussi les horaires de travail. Ici, pas de prise de service imposée tant que vous faites vos 35 heures par semaines.
"On a voulu tester le système en conservant des règles minimales. Ils doivent tout de même arriver entre sept et dix heures le matin. Il y en a beaucoup qui n’ont pas du tout varié leurs horaires et ont continué à venir à 7h du matin pour pouvoir être libre plus tôt l’après-midi. D’autres, moins matinaux, arrivent plus tard", explique Antoine.
Zainab détaille :"si j’ai un rendez-vous médical je n’ai pas besoin de prendre une demi-journée. Avec le couvre-feu on peut finir plus tôt pour profiter de l’extérieur. En hiver, on peut se lever un peu plus tard."
Elle rajoute : "je ne pensais pas que c’était possible de voir ça dans une entreprise. Dans mes autres emplois, je venais le matin avec la boule au ventre. Maintenant, j’aime travailler. "
Les gérants tour à tour autour du monde
Quand ils ont débuté, les cinq co-gérants vivaient et dormaient In'bô.
A présent, ils ont mis en place un système de roulement pour aller voir le monde. Robin, parti deux ans parcourir l’Australie à vélo, a fini par réintégrer l’entreprise. Antoine, lui, rentre d’un an en Amérique du sud. "Avant, je n’étais pas sûr de vouloir rester dans les Vosges. Je n’étais pas de la région, j’étais loin de ma famille. Maintenant c’est un choix. Mais je sais que je ne suis pas prisonnier de l’entreprise que l’on a créée. C’est ça notre force".
Aurèle, le Charentais, est rappelé par la mer. Il part cet été sur un voilier pour un voyage à durée indéterminée.