Témoignage. Implants Essure : "j'ai cru que je devenais folle, les médecins ne trouvaient pas ce que j'avais"

Publié le Mis à jour le Écrit par Florence Grandon

Les implants contraceptifs définitifs féminins sont au cœur d'un scandale mondial. En France, 200 000 femmes se sont fait implanter un dispositif Essure, commercialisé par le laboratoire Bayer, avant de développer de nombreux et lourds effets secondaires. Nous avons recueilli le témoignage de Nelly, qui a gardé ces implants pendant 8 ans.

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L'implant Essure permet une contraception féminine définitive. 200 000 femmes ont été implantées en France entre 2002 et 2013 et des milliers ont développé des effets secondaires graves et handicapants. 30 000 ont été explantées à ce jour, c'est-à-dire qu'elles ont subi une mutilation. Retirer l'implant n'était pas prévu, les trompes ou l'utérus sont bien souvent retirées avec l'implant.

"Pour raconter mes problèmes, il va falloir un peu de temps", annonce Nelly au téléphone depuis les Vosges. Tout a commencé avec la découverte de la mucoviscidose de sa fille, aujourd'hui âgée de 23 ans. "Avoir deux enfants, dont une très malade, ça change beaucoup de choses. Avec mon mari, nous étions sûrs de ne plus vouloir d'enfants, alors j'ai demandé à mon gynécologue une hystérectomie [ablation de l'utérus, ndlr]".

Son médecin refuse, arguant qu'elle est trop jeune. Et quand elle repose la question quelques mois plus tard, il lui propose l'implant Essure, "quelques minutes d'interventions, une stérilité immédiate et définitive, ça semblait parfait".

Implant posé en 2009

L'opération a lieu en 2009, quelques mois après, elle commence à avoir des problèmes de santé. "Jamais je n'ai fait le lien avec ces implants, parce que je n'ai jamais eu de douleurs ou de problèmes gynécologiques, contrairement à d'autres femmes".

Commence alors une longue errance médicale, où les maux et les rendez-vous médicaux se suivent. "J'ai eu d'abord des douleurs musculaires et articulaires, des maux de dos, à tel point que j'avais besoin d'aide, le matin, pour me lever", se souvient-elle. 

"Avant cela, j'avais toujours eu du psoriasis, là c'était beaucoup plus important, de l'eczéma autour des yeux, des gros problèmes de peau". A cela s'ajoutent des problèmes cardiaques, urinaires, dentaires, des problèmes de vision, d'estomac. 

"J'avais les symptômes d'un infarctus, mais après avoir fait des analyses, le cardiologue m'a dit qu'il ne savait pas ce que j'avais eu. Tous les examens que je faisais étaient normaux. Je suis d'un naturel joyeux et optimiste, j'ai fini par me dire que c'était lié à mon travail de nuit", explique l'infirmière à l'hôpital de Gérardmer (Vosges). "J'ai tout mis dessus pour trouver une réponse à mes problèmes de santé, et j'ai arrêté d'en parler pour ne plus entendre 'tu as toujours quelque chose'".

Finalement, un seul diagnostic est posé en 2013, c'est la spondylarthrite ankylosante.

J'ai cru que je devenais folle. Je disais à mon mari : 'il y a quelque chose qui me bouffe à l'intérieur'. A un moment j'ai eu peur de sauter, pour en finir.

Nelly

porteuse d'implants Essure pendant 8 ans

"A ce moment-là, je me dis que tous mes problèmes viennent de cette maladie. Mais ça n'expliquait quand même pas tout. J'ai alors cru que je devenais folle. Je disais à mon mari : 'il y a quelque chose qui me bouffe à l'intérieur'."

"A un moment j'ai eu peur de sauter, pour en finir. J'arrivais à surmonter la maladie de ma fille, mais ces nombreux problèmes de santé, c'était trop. Je suis quelqu'un qui rigole beaucoup, là j'étais devenue un zombie. Et les médecins me disaient 'vous affabulez", qu'est-ce que j'ai pu entendre cette phrase !"

Un reportage en 2016

Le lien entre ses problèmes de santé et les implants, Nelly le fait finalement presque toute seule. "Je m'en souviens comme si c'était hier, j'étais à une réunion de l'association sur la mucoviscidose pour ma fille, en décembre 2016. Ma petite sœur me parle d'un reportage sur les conséquences des implants Essure, je le regarde ensuite : c'était moi."

En 2016, c'est la première fois que j'entends parler d'allergie au nickel.

Nelly

victime de séquelles liées aux implants Essure

"Et c'est la première fois que j'entends parler d'allergie au nickel avec ces implants. Or moi je fais beaucoup d'allergies à toutes sortes de métaux, les seuls bijoux que je peux porter sont en or." Très vite, elle demande à faire un test au nickel, qui revient positif. 

Elle prend alors ce test et ses deux énormes classeurs d'analyses, de radio, d'examens passés depuis 2009, et elle va voir son gynécologue. "Il m'a écouté, il a lu les documents que je lui donnai et il m'a dit 'Madame, je vous crois. On n'aurait jamais dû vous poser ces implants'. J'ai fondu en larmes. C'est la première fois qu'un médecin me croyait."

J'ai fondu en larmes. C'est la première fois qu'un médecin me croyait.

Nelly

explantée d'implants Essure en 2016

Les implants lui sont enlevés quinze jours plus tard, elle insiste pour que l'utérus soit enlevé avec les trompes. "Et j'ai eu raison d'insister", explique Nelly. "Il y avait des kystes sur les trompes, une adénomyose et des fibromes sur l'utérus. "Et dans le compte-rendu opératoire figure "fibrose pouvant témoigner d'une allergie au nickel".

La vie d'avant retrouvée

Aujourd'hui, l'infirmière de 49 ans travaille toujours de nuit, et elle va beaucoup mieux. "Mon psoriasis est revenu au niveau d'avant 2009, mon électrocardiogramme est normal, je ne fais plus de malaise. Il me reste des douleurs, mais ça n'a plus rien à voir ! La seule maladie qui reste, c'est la spondylarthrite ankylosante".

En 2017, dans la foulée, elle adhère à l'association RESIST qui regroupe des milliers de victimes, "pour avoir des informations surtout. Et pour donner mon témoignage si c'est nécessaire. Mais je ne fais rien de plus, maintenant j'ai envie de vivre".

Je suis en colère contre moi-même : de n'avoir pas cherché des informations sur ces implants avant. J'ai fait confiance à un médecin.

Nelly

infirmière à Gerardmer

"Ces implants m'ont volé huit ans de ma vie. Je regrette de n'avoir pas pu parler de tout ça avec le gynécologue qui m'a posé les implants, il est décédé. Et surtout je suis en colère contre moi-même : de n'avoir pas cherché des informations sur ces implants avant. J'ai fait confiance à un médecin, aveuglément."

À savoir : une recherche nationale devrait avoir lieu en 2023, selon la Direction générale de la santé (DGS). L'agence nationale de sécurité du médicament a mis en place une surveillance renforcée sur Essure pour informer les patientes. Nos collègues de France 3 Bretagne ont publié une enquête en trois volets avec le média d'investigation Splann ! sur ce scandale sanitaire.

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