L'eau de la petite commune de Vaudesson, au nord-est de Soissons dans l'Aisne, n'est plus potable en raison d'une pollution aux métabolites de chloridazone. Mais la gestion de cette crise par la municipalité crée la discorde chez les habitants du village.
Dans le village de Vaudesson, 250 habitants près de Soissons, dans l'Aisne, l'eau fait débat. Ou plutôt, la gestion de la crise de l'eau potable qui s'abat sur la petite commune depuis le 26 juin dernier. À cette date, la préfecture de l'Aisne interdit la consommation de l'eau courante en raison de la détection de taux de métabolites de chloridazone trop élevés.
Ces molécules sont issues de la dégradation de deux pesticides, la chloridazone desphényl et la chloridazone méthyl desphényl, utilisés dans la culture des betteraves jusqu'en 2020. Des substances soupçonnées d'être cancérogènes et mutagènes.
Une longue surveillance
L'eau de la commune est scrutée de près par l'ARS depuis l'été 2022. Elle fait partie des 105 communes des Hauts-de-France placées sous surveillance renforcée : toutes les deux semaines, jusqu'à fin octobre, l'ARS effectuait des prélèvements aux robinets de ces communes. Suite à cela, la consommation de l'eau potable est interdite dans quatre villages proches de Vaudesson. Mais les données recueillies dans la commune étant difficiles à interpréter, d'après la préfecture, les analyses ont été poursuivies une fois par mois après l'automne. Jusqu'à ce qu'en juin, le verdict tombe : il est interdit de boire l'eau, de cuisiner ou de se laver les dents avec.
Obligée de fournir une solution aux habitants, la mairie commande alors des bouteilles d'eau. 2 772 packs d'eau potable sont distribués, pour un coût total de 3 600€. Une prochaine distribution est prévue le 20 juillet. Cette solution n'étant pas pérenne, la municipalité envisage à court terme la mise en place d'une "borne-fontaine" connectée au réseau du Syndicat de production d'eau potable du nord de Soissons (SPENS). Un raccordement total du réseau municipal à celui du SPENS est quant à lui envisagé à moyen terme. Jusqu'à maintenant, l'eau potable de la commune est gérée en régie municipale.
Seulement cette solution ne fait pas l'unanimité chez les habitants, qui s'organisent alors au sein du collectif "Eau potable à Vaudesson".
L'eau de la discorde
Les griefs de Mickaël Prongué, membre du collectif et ancien premier adjoint de la commune, sont nombreux. "Nous avons monté le collectif afin de nous battre pour conserver nos sources, explique-t-il. La mairie souhaite nous interconnecter à un réseau extérieur. Nous ne sommes pas d'accord car d'autres possibilités n'ont pas été envisagées, notamment l'installation d'un filtre à charbon. C'est une des solutions proposées par les ARS, mais aucun devis n'a été fait, nous sommes étonnés qu'une seule voie soit suivie. Le souci, c'est que le maire fait cavalier seul, même si certains élus aimeraient une meilleure communication avec le village."
D'après les frondeurs, la municipalité n'informe les habitants des décisions relatives à l'eau que par un affichage en mairie, ce qui est insuffisant. Le collectif "Eau potable à Vaudesson" lance donc, le 28 juin dernier, une pétition pour obtenir la tenue d'une réunion publique afin de débattre de l'avenir de l'eau. L'événement est organisé le 4 juillet.
Mais il ne satisfait pas Mickaël Prongué : "depuis la réunion publique, c'est silence radio dans la commune. On ne sait toujours pas quand les gens seront ravitaillés pour la prochaine distribution d'eau en bouteilles. Une solution est proposée, l'installation d'une fontaine à eau à 3 kilomètres du village. Nous sommes impactés par la pollution, on la subit et on doit payer toujours plus cher pour avoir de l'eau potable. On va devoir aller chercher l'eau dans un jerrican, on ne sait pas qui va le fournir, l'eau dans ces conditions ne se conserve que 24h à 48h. Il y a un non-sens économique et écologique. On se sent punis de A à Z."
La mairie se défend
Pour les élus, la fontaine à eau puis le raccordement sont les seules solutions économiquement viables. "Pour la fontaine, contrairement aux idées reçues, ce sera un point d'eau gratuit, affirme Sébastien Pernet, second adjoint au maire de Vaudesson. Il y aura une quantité d'eau, chaque jour, comme pour la distribution des bouteilles. Ça ne sera pas prélevé sur la facture d'eau. De plus, les gens font en général deux, trois allers-retours par jour, c'est sur leur chemin, donc il n'y aura pas de goût d'essence ou de gasoil en plus."
"La borne fontaine, c'est ce qu'à fait une commune juste à côté de chez nous, Merlieux-et-Fouquerolles, renchérit le maire de la commune Christian Meriaux. La solution à long terme, c'est le raccordement au SPENS, on espère que ce sera très rapide, à moins que quelqu'un ne trouve une autre solution. Sur le filtre à charbon, je n'ai pas de données réelles, tout le monde en parle, dit que c'est la panacée. Moi je veux bien qu'on installe ce genre de produit, mais on sait qu'à l'installation, ça coûte excessivement cher et à l'entretien également. Alors que se raccorder au syndicat ne nous coûtera que le prix de la connexion, nous aurons une eau de meilleure qualité et à profusion".
Combien ça coûte, un filtre à charbon ?
Cette technologie a été adoptée par plusieurs communes, comme la communauté de communes d'Arras. L'installation aux grandes dimensions a coûté la somme rondelette de 1,5 million d'euros. Mais les besoins de l'agglomération sont incomparables avec ceux des 250 habitants de Vaudesson.
Une note technique du conseil départemental du Finistère estime quant à elle un coût compris entre 300 000€ et 500 000€ pour la création d'une nouvelle station avec un débit de 10 à 40 m3/heures. Dans le cas d'une installation existante non obsolète, entre 150 000 € et 300 000€ seraient nécessaires, mais cela peut varier selon la technologie choisie. D'après cette même note, le surcoût de fonctionnement s'établirait en moyenne entre 3 à 6 centimes par mètre cube.
Ce que les membres du collectif demandent surtout à la mairie de Vaudesson, c'est l'établissement d'un devis pour étudier cette solution et surtout, une meilleure communication. Les modalités des solutions envisagées, notamment le prix de l'eau à la fontaine et la date de la prochaine distribution, semblent en effet méconnues des habitants interviewés.