Les douaniers, en grève depuis début mars, ont reçu un ordre de service leur demandant de ne pas effectuer de "contrôle renforcé", ni de "lutte contre la fraude". Une mesure "scandaleuse et incompréhensible" pour les syndicats.
Le gouvernement tenterait-il de faire échec à la "grève du zèle" des douaniers, mobilisés aux ports de Calais et Dunkerque depuis plus de deux semaines ? C'est ce que pensent les syndicats qui accusent Bercy de leur avoir donné l'ordre de limiter les contrôles au mépris, selon eux, de la "sécurité des citoyens".
"Le ministre [des Comptes publics] Gérald Darmanin vient de donner l'ordre officiellement" de "ne plus lutter contre la fraude sur l'ensemble du territoire", affirme la CFDT-Douanes dans un communiqué, évoquant un ordre "tout simplement scandaleux et incompréhensible".
Darmanin donne l’ordre de tout laisser passer .INADMISSIBLE !#GDarmanin #DouanierEnColère pic.twitter.com/6nLKQcRY4c
— CFDT DOUANES (@CFDTDouanes) 20 mars 2019
La direction générale des douanes a indiqué que "la consigne" transmise aux douaniers "n'a pas été de supprimer totalement les contrôles". Il s'agit "d'assurer avec discernement la nécessité de contrôler et le respect de la liberté de circulation", a fait valoir un porte-parole.
Les douaniers invités à stopper les contrôles renforcés
Les douaniers ont commencé le 4 mars une "grève du zèle" pour obtenir une revalorisation salariale, une amélioration de leurs conditions de travail et des moyens supplémentaires afin de faire face au Brexit.
Ils ont ainsi renforcé les contrôles aux frontières et aux points de passage importants comme la gare du Nord, d'où part l'Eurostar. Des camions ont été pris dans des kilomètres de bouchons à l'entrée du tunnel sous la Manche, et plusieurs trains à destination de l'Angleterre ont connu des retards importants.
Dans un "ordre de service" relayé localement à Paris, les douaniers sont invités à ne pas effectuer de "contrôle renforcé", ni de "LCF" (lutte contre la fraude) et d'assurer la "fluidité normale sur chaque ligne de contrôle".
"Donner un ordre de ne pas faire son travail à un service de protection des citoyens, c'est aberrant", a estimé Laurent-Théo Joly, de FO-Douanes. Pour Vincent Thomazo, de l'Unsa-Douanes, avec de telles consignes, "ce sont les intérêts financiers de la Nation qui sont remis en cause, de même que la sécurité des citoyens".
"Chasse aux sorcières"
Dans un courriel, un directeur interrégional demande, en cas de non-respect des consignes, que les agents concernés fassent l'objet d'un signalement en vue d'une procédure disciplinaire. "Nos chefs sont très stressés et très stressants", a déclaré Jean-Marc Jame, de la CFDT-Douanes. "La machine disciplinaire est en route", a abondé Vincent Thomazo, parlant de "chasse aux sorcières".
Les agents doivent "effectuer leur mission selon un cadre, et si manquements il y a, ils seront effectivement reportés", c'est-à-dire signalés, a justifié la direction des douanes. Selon l'Unsa-Douanes, des consignes ont été passées aux policiers par la préfecture de région des Hauts-de-France afin d'intimer aux douaniers effectuant un contrôle "approfondi et inopiné" de "procéder à la levée rapide de ce contrôle".
— UNSA POLICE (@UNSAPOLICE) 20 mars 2019
Il est également demandé aux policiers de "procéder à l'identification de l'équipage" des douaniers concernés. Interrogée sur ce point, la préfecture de région n'a pas fait de commentaire.
Bercy a proposé la semaine dernière de débloquer 14 millions d'euros pour trouver une sortie de crise, une proposition rejetée par les douaniers et leurs représentants, qui réclament une enveloppe de 25 millions d'euros.