Lundi 29 août, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié un rapport concernant les difficultés d’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap, intitulé "L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap". Pour en comprendre les enjeux, France 3 Nord-Pas-de-Calais s’est entretenu avec la cheffe du pôle régionale des Hauts-de-France, Clémence Levesque.
Pourquoi avoir décidé de faire un rapport spécifique sur cette thématique ?
Le droit des enfants en situation de handicap fait partie des compétences du Défenseur des droits, c’est un enjeu majeur pour notre institution. Au niveau national, les difficultés d’accès à l’éducation liées à un défaut d’accompagnement humain représentent 20% des saisines en matière de droit de l’enfant, selon les chiffres de 2021. Ce rapport se base en effet essentiellement sur les réclamations, ainsi que sur le dialogue régulier avec les associations spécialisées et les échanges avec les ministères concernés. Ce qui nous manque aujourd’hui ce sont des statistiques fines pour avoir une visibilité sur le nombre d’enfants en situation de handicap non scolarisés et pour ceux scolarisés, combien d’heures par semaine ils le sont effectivement. En cinq ans, le nombre d’Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) a augmenté de 35%, mais malgré ces efforts nous continuons de recevoir de nombreuses déclarations.
Quelles sont les difficultés principales qui subsistent ?
Il y en a deux. D’abord, les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) accordent des AESH pour les enfants alors qu’il n’y a parfois pas de budget pour les recruter ou les financer. Il y a aussi un manque de candidatures. Donc l’enfant bénéficie en principe d’un accompagnement mais concrètement, il n’existe pas toujours. Le deuxième est le problème de la continuité de l’accompagnement entre le temps scolaire et le temps périscolaire. Le premier dépend du ministère de l’Education nationale et le temps périscolaire, qui concerne la cantine, la garderie ou les centres de loisir, dépend lui des collectivités locales. Donc par exemple si l’enfant a une AESH sur le temps scolaire mais que la collectivité locale n’a pas le budget, il ne peut pas aller à la cantine. Cela crée des ruptures dans le quotidien de l’enfant au sein de l’établissement scolaire. Il faudrait que les financeurs anticipent les besoins qui peuvent arriver en cours d’année, afin que les parents ne s’entendent pas dire qu’il n’y a pas de budget et que ce sera pour l’année prochaine alors que ça crée un trou dans la scolarité de l’enfant.
Y-a-t-il des spécificités dans les Hauts-de-France ? Quelles sont-elles ?
Pas vraiment, nous voyons les mêmes difficultés, surtout avec des petites communes rurales qui ne vont pas avoir de budget dédié pour le financement AESH. Par exemple, nous avons eu un cas où le maire a signalé qu’il ne pourrait pas financer une aide pour la cantine à partir de janvier. Après nous avoir saisi, un délégué a créé un dialogue et a réussi à obtenir le maintien jusqu’à la fin de l’année scolaire. Mais le problème se pose à nouveau pour la prochaine rentrée, ce qui illustre bien que le droit à l’éducation n’est jamais acquis et que c’est un véritable parcours du combattant pour les enfants et les parents.
Quels enjeux ces difficultés soulèvent-elles ?
Elles font surtout ressortir le fait qu’aujourd’hui l’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap repose uniquement sur un accompagnement humain. Les intérêts budgétaires et organisationnels priment sur les décisions au détriment de l’intérêt de l’enfant, qui devrait être un curseur dans les décisions le concernant. Le principe du droit à l’éducation sans discrimination serait donc plutôt de rendre l’école inclusive et de faire en sorte que tout enfant puisse aller à l’école, sans que cela ne repose sur un budget. Une des réponses, pour une prise en compte plus globale, est de former tout le personnel enseignant et l’ensemble des acteurs éducatifs à l’accompagnement du handicap. Car c’est bien l’école qui doit s’adapter et non l’inverse.
Parmi les recommandations, quel est le point le plus urgent dont doit s’emparer le gouvernement ?
Pour faire face à la pénurie de personnel, une de nos recommandations est de réfléchir au statut des AESH, le plus souvent des femmes, qui ont des contrats de 24 heures hebdomadaires. Elles sont à 60% et elles ont un salaire d’environ 800 euros par mois. Il n’y a pas non plus de temps dédié pour la formation donc quand elles se forment, l’enfant n’est pas accompagné. Idem, quand une AESH est absente, elle n’est pas remplacée. Il y a un vrai problème de pénurie et il s’explique notamment par ce statut défavorable.