La nouvelle réforme de la PAC est en cours de discussion. Certains paysans, maraîchers et petites structures ne trouvent pas leur compte dans ces aides et se sentent abandonnés au profit des plus grandes exploitations.
Alors que la politique agricole commune (PAC) fait l'objet de débats houleux et de manifestations de la part des agriculteurs et de leurs syndicats, une partie d'entre eux a du mal à trouver sa place à la table des négociations. C'est le cas de ceux qu'on appelle "les oubliés", ces maraîchers, paysans et petites structures qui touchent peu voire pas de prime ou d'aide de la PAC. Ils en réclament une meilleure distribution.
La politique agricole commune est une aide financière qui prend en compte la surface d'exploitation. Plus elle est grande, plus l'agriculteur touchera des aides. Le souci, c'est qu'aux yeux des petits producteurs, cette PAC bénéficie surtout aux grandes exploitations agricoles et à l'agro-alimentaire. "On est tout le temps dans le rapport de force avec le syndicat majoritaire, explique Antoine Jean, porte-parole de la Confédération paysanne et lui aussi agriculteur à Nomain (Nord). Ils sont du côté des grands groupes agro-alimentaires, et nous, on a rien".
"Pas ou peu d'aides"
Ces oubliés de la PAC n'ont "pas ou peu d'aides" et ce, malgré des épisodes climatiques marqués et longs, comme la sécheresse ou, plus récemment, le gel. "Il y a un manque de reconnaissance de notre métier par rapport à de grosses structures, on aimerait aussi pouvoir compter sur les aides en cas de mauvaises récoltes", poursuit-il.
Actuellement, une nouvelle réforme de la PAC est en cours d'élaboration. Elle cristallise de nombreux débats autour de l'attribution des aides. Toutefois, maraîchers et petits paysans n'ont pas l'impression "d'avoir leur mot à dire" et se sentent "relégués au second plan" face au syndicat majoritaire.
"On n'a pas l’impression d’être écouté, déplore, de son côté, Régis Dufrenoy, agriculteur maraîcher bio à Cantin (Nord). Il y a des instituts de sondages pour les structures agricoles qui nous appellent pour soi-disant nous écouter, mais on les rembarre parce qu'on ne prendra pas en compte notre parole." L'agriculteur maraîcher aimerait "avoir [son] mot à dire sur la table des négociations". "On a beau avoir 8 hectares, normalement, on est tous égaux", insiste-t-il.
Il y a des instituts de sondages pour les structures agricoles qui nous appellent pour faire des sondages, mais on les rembarre parce qu'on ne prendra pas en compte notre parole, dans tous les cas.
Des enjeux "très importants"
Pour Antoine Jean, "notre demain dépend de cette réforme, du nombre de paysans qui vont pouvoir être payés". Et ce n'est pas une tâche facile, car ces problèmes évoqués prennent leurs racines plusieurs décennies en arrière. En effet, la France a perdu 2/3 de ses agriculteurs-exploitants en 60 ans et en compte moins de 500.000 aujourd'hui, selon une note "Focus" de l'INSEE publiée en 2020. En cause, les conditions de travail difficiles et les rémunérations qui ont du mal à suivre, entre autres.
On compte d'ailleurs 1.773.000 fermes en moins entre 1955 et 2007 et une diminution de 26 % du nombre de fermes entre 2000 et 2010. Ainsi, pour limiter la casse, "il faut aider spécifiquement les petites fermes car elles assurent de la production, de l'emploi, la préservation de l'environnement et un tissu rural dense, gage d'une activité sociale et économique intense", soutient la Confédération Paysanne dans ses revendications.
Soit on continue à donner beaucoup d'aides à ceux qui ont beaucoup et on voit disparaître encore plus de paysans, soit on les redistribue correctement.
Plusieurs solutions existent, selon les agriculteurs interrogés. "La PAC peut y répondre à travers les aides, mais pas que, suggère Antoine Jean. Elle doit réguler la production et l'adapter aux enjeux territoriaux". Ainsi, deux options sont entre les mains de l'Etat : "soit on continue à donner beaucoup d'aides à ceux qui ont déjà beaucoup et on voit disparaître encore plus de paysans, soit on redistribue ces aides correctement."
"Insuffler une autre politique"
Autre point soulevé : le tableau des éco-régimes, une aide moyenne de 80 euros par hectare accordée à un exploitant agricole qui se lance dans des pratiques vertes. "Ça va dans le bon sens, poursuit le porte-parole. Mais aujourd'hui, il ne faut pas faire grand chose pour les toucher". Alors, pour "insuffler une autre politique" qui prenne en compte le respect de l'environnement ou encore le bien-être animal, "il faut qu'on mette en place autre chose et aller vers des systèmes plus résilients".
Pour Antoine Jean, le syndicat majoritaire est aussi à blâmer, en partie. "Il co-gère l'agriculture depuis 60 ans et protège les grosses structures qui touchent des millions d'euros et captent l'argent de la PAC. Il faut plafonner les aides pour redistribuer vers le bas."
"Là, on marche à système renversé, conclut-il. Et pendant ce temps, des fermes continuent de mettre la clé sous la porte."