Dans un immense cloaque entouré de dizaines de tentes en triste état, Azad, un Irakien de 6 ans, s'amuse avec un ballon : il fait partie des quelque 2600 migrants qui vont passer la Noël dans des conditions indignes au camp de Grande-Synthe, dont ils devraient toutefois déménager en janvier. (VIDEO)
Ils n'étaient encore qu'une cinquantaine avant l'été. Mais, la crise migratoire s'est amplifiée depuis et le camp voisin de Téteghem a été fermé à la mi-novembre, si bien que cette commune littorale de 22.000 habitants qui jouxte Dunkerque s'est vite trouvée débordée. Le maire Damien Carême, un écologiste, n'a cessé ces dernières semaines d'appeler l'Etat "à prendre ses responsabilités". Il devait être reçu mercredi par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Situé en bordure d'autoroute, sur un terrain vague en zone inondable, le campement est constitué de centaines de tentes et d'habitats très précaires, constamment embourbés. Pour traverser le camp, des bottes sont nécessaires mais tous n'ont pas la chance d'en posséder, notamment les enfants, présents par dizaines. "La situation ici est aujourd'hui pire qu'à la Jungle de Calais", avance Delphine Visentin, chef de mission chez Médecins sans frontières, pour qui ce campement s'apparente "non pas à un bidonville, mais à une décharge à ciel ouvert".
"Comme des animaux"
Contrairement au bidonville calaisien, distant d'une quarantaine de kilomètres, aucun centre de jour ne permet la distribution d'un repas quotidien et n'offre aux femmes et aux enfants un espace de protection et de répit. Les associations sont également peu nombreuses pour gérer cet afflux de réfugiés, Kurdes pour la plupart, venus notamment en famille et bien souvent livrés à eux-mêmes. "On vit comme des animaux ici, je ne veux qu'une chose: rejoindre la Grande-Bretagne", s'indigne, couché dans sa tente à même le sol, Javid, un Irakien qui végète dans ce taudis depuis trois mois.Avec ses amis, il tente régulièrement sa chance vers l'Angleterre en se cachant dans des camions qui embarquent à Dunkerque, principalement, les passages via Calais ayant été rendus presque impossibles.
'Le camp de la honte'
"On a affaire à une véritable crise humanitaire. Ces gens vivent dans des conditions inacceptables. Nous demandons une réponse des pouvoirs publics pour les protéger", explique Mme Visentin, fixant des yeux une tente devant laquelle deux enfants, habillés d'un simple pull, grignotent un bout de pain.Avec Médecins du monde, l'ONG est pratiquement la seule à apporter un soutien quotidien à ces malheureux qui, pour la grande majorité, ont fui la guerre et la terreur. Les deux organisations effectuent ainsi une cinquantaine de consultations médicales par jour, principalement des infections respiratoires, des lombalgies chroniques ou des traumatismes divers, toutes liées à l'humidité ambiante et aux conditions de vie difficiles.
"Les standards sanitaires ne sont absolument pas respectés. Alors que le Haut commissariat aux réfugiés demande une toilette pour 20 personnes et une douche pour 40, ici les 2.600 réfugiés doivent se partager 32 WC et 48 douches. C'est inadmissible !", poursuit l'humanitaire. "La France, pays des droits de l'homme, devrait avoir honte qu'une situation digne du tiers-monde puisse exister sur son territoire. Elle ne trouvera pas de place dans ma commune", avait prévenu le maire en interpellant le Premier ministre mi-novembre. "Il y a pire que le mépris, il y a l'ignorance. Il y avait le mur de la honte, maintenant nous avons le camp de la honte", s'indigne M. Carême.
Devant l'urgence, la mairie a fait le choix, en coopération avec MSF, de déménager mi-janvier les migrants vers un autre emplacement de la commune qui reste encore à définir, mais où les conditions d'hébergement seront meilleures. "Il faut agir, et vite car nous ne sommes pas à l'abri du décès d'un enfant à cause du froid", craint Mme Visentin.