La jeune fille originaire de Marseille avait été retrouvée saine et sauve près de Dunkerque, chez un homme rencontré sur internet. Sa mère témoigne.
"Elle était complètement sous son emprise." Magali, la mère de Caly, l'adolescente marseillaise de 14 ans retrouvée jeudi dans les combles "difficilement accessibles" d'une maison à Eecke (Nord), a pu retrouver sa fille mercredi dernier. Et le trentenaire avec qui elle s'est enfuie début janvier, Jonathan J. a été mis en examen et incarcéré vendredi soir.
Une information judiciaire a été ouverte pour "soustraction d'enfant, atteintes sexuelles aggravées et propositions sexuelles faites par un majeur à un mineur de moins de 15 ans en utilisant un moyen de communication électronique, et suivies d'une rencontre"
"Les gendarmes lui ont demandé de raconter tout dans les détails." Un témoignage difficile à supporter pour Magali, qui pense que sa fille ne lui a pas encore tout dit de ces trois semaines passées à Eecke.
"Elle ne mangeait pas forcément à sa faim"
Globalement, Caly était "en bonne santé" lorsqu'elle a été retrouvée, mercredi 30 janvier. Elle était toutefois "très fatiguée" et "avait le teint très pâle" : enfermée trois semaines à l'étage de la maison et cachée dans le grenier à la moindre menace, elle ne voyait l'extérieur qu'à travers une fenêtre. Elle lui a notamment a raconté avoir "regardé les enfants jouer dans la neige".C'est le propriétaire du logement qui faisait les courses pour Jonathan J., sans emploi ni argent, et ce dernier lui aurait caché la présence de Caly chez lui. Il n'amène donc à manger que pour une personne. "Elle ne mangeait pas forcément à sa faim. C'était un coup lui, un coup elle."
Qui plus est, "il n'y avait même pas de chauffage dans la journée ! Elle était, grise, la petite, quand je l'ai récupérée !" Autant de raisons pour lesquelles Caly a été immédiatement hospitalisée. "J'ai donné mon accord pour procéder à tous les examens."
"Il a réussi à la monter contre sa famille"
Comment tout cela a-t-il pu arriver ? "Il a fait un travail de plusieurs mois", explique Magali. Comme pour sa précédente victime, une adolescente du Loir-et-Cher (41) également âgée de 14 ans, les premiers contacts se sont faits sur Internet, via un réseau social appelé Amino, "un petit truc de discussion pour des jeunes qui sont attirés par les mangas".Le site est un agrégat de petites communautés, des micro-forums chacun consacré à un manga, un jeu vidéo ou à un thème (de l'équitation au football en passant par la culture japonaise). Autrement dit, un site (et une appli) avant tout conçu pour un jeune public.
Sur Skype, où ils se parlent fréquemment, Jonathan J. prend le pseudonyme de "Yoshine (l'enfant)", un nom similaire à ceux qu'il avait utilisés un an plus tôt avec sa précédente victime ("Yoshines" et "Cahier Brouillon")
Magali, qui a élevé seule ses trois enfants, concède que la jeune fille n'appréciait peut-être pas la vie qu'elle avait. "Elle n'avait pas vraiment d'argent de poche." À un âge où les jeunes sont souvent en confrontation avec leurs parents, et où on est surtout "un peu plus influençable", "il a réussi à la monter contre sa famille, et surtout contre moi".
"Je n'avais jamais vu ma fille dans cet état-là"
Sa famille ignore à l'époque qu'elle est en contact avec Jonathan J. mais la jeune fille commence à changer. "Avant, Caly ne répondait pas, n'était jamais en retard." Puis viennent deux jours, les 17 et 18 décembre 2018, au cours desquels le Nordiste vient à Marseille. "Il a pris une espèce de studio, ou un Airbnb."
Tous les deux se rencontrent alors en secret, et le trentenaire "lui a dit que la prochaine fois qu'il viendrait, il l'emmènerait avec lui."
Le deuxième jour de la venue de Jonathan à Marseille, Caly tarde à rentrer. "Comme elle avait 2h30 de retard, je lui ai téléphoné". Le ton monte et "elle a fini par me bloquer. Quand elle est arrivée une heure et demie plus tard, j'ai voulu lui prendre le téléphone." La réaction de sa fille la surprend : "C'était comme si je lui prenais une partie de sa vie ! Je n'avais jamais vu ma fille dans cet état-là."
"On a recollé les morceaux"
La relation de l'adolescente avec Jonathan J, Magali l'a finalement "apprise le jour de sa disparition". Elle s'en doutait d'autant moins que Caly "avait un copain qui était très amoureux d'elle." C'est ce dernier, largué par SMS le jour de son départ le 7 janvier, qui prévient la mère après s'être renseigné auprès de l'entourage de la jeune fille.
Entre temps, la jeune fille a pris la direction de la gare, après avoir quitté les cours à 15h30. Pour comprendre les causes de la fugue, ses proches épluchent ses comptes sur les réseaux sociaux. "Tout le monde s'y est mis. Les amis, la famille..." explique Magali. "On a recollé les morceaux."
En parallèle, la mère alerte la police de Marseille, qui "n'a rien fait." Le dossier est resté bloqué jusqu'au mercredi 23 janvier, plus de 15 jours après la disparition) "J'ai été mal reçue" tempête-t-elle. "Les disparitions sont censées être traitées en priorité, mais on m'a envoyée paître alors que j'avais son nom et son adresse !"
Une première plainte pour atteintes sexuelles avait pourtant été déposée en juin 2018, date à laquelle Jonathan J. et sa mère avaient, après que la jeune fille de Loir-et-Cher a été retrouvée, fait l'objet d'une "mesure alternative aux poursuites" pour soustraction d'enfant. Tous deux avaient écopé d'heures de travail non-rémunéré et de 300 euros d'indemnités. Ne s'agissant pas d'une condamnation, ce n'était donc pas inscrit sur leur casier judiciaire.
Face à cet échec, Magali se tourne vers la police de Dunkerque qui réagit rapidement. "Eux, ils ont dit : 'On ne veut pas attendre d'avoir le dossier'". Un appel à témoins est alors diffusé par la police du Nord.
"On va unir nos forces"
Le 30 janvier, la jeune fille est finalement découverte à Eecke, puis ramenée chez elle à Marseille. Aujourd'hui, "elle a toujours de l'amour pour lui, mais elle commence à réaliser certaines choses"Surtout, Caly souhaiterait rencontrer la précédente victime de Jonathan J. "Toutes les deux veulent vraiment se parler." Elle-même s'est rapprochée de la mère de cette dernière dans le but de faire front commun, pour la justice. "On va s'allier, elle et moi. On va unir nos forces." Toutes les deux cherchent également à savoir si Jonathan J. a fait d'autres victimes.