L'Unesco examine actuellement la candidature de 36 sites mémoriels de la Première Guerre mondiale situés en Hauts-de-France pour une inscription au patrimoine mondial. Cette démarche, initiée en 2011, pourrait apporter une reconnaissance internationale et des avantages significatifs à la région, tout en préservant la mémoire d'un conflit qui a marqué l'histoire de l'humanité.
Depuis 2011, la demande d'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco des lieux de mémoire de la Grande Guerre a été une préoccupation constante.
L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) avait instauré un moratoire en 2016 pour réfléchir à l'inscription de sites liés à des conflits récents. Cependant, en janvier de cette année, l'Unesco a levé ce moratoire, ce qui a ravivé l'espoir pour ces sites mémoriels. "Nous voulons être épaulés pour pouvoir faire passer ce message au monde et être reconnus en tant que tels, pour le respect des combattants morts pendant la guerre, quelles que soient leurs origines ou leurs religions", fait comprendre Jacqueline Delamaisonneuve, présidente honoraire du comité du mémorial de Cerrny-en-Laonnois.
36 sites en lice en Hauts-de-France
La région des Hauts-de-France est au cœur de cette démarche, avec 36 sites candidats, dont 23 en Picardie et 13 dans le Nord-Pas-de-Calais.
Ces sites sont étroitement liés à la mémoire de la Grande Guerre, témoignant de la "rupture majeure dans l’histoire de l’humanité" que fut la Première Guerre mondiale, comme l'explique l'Unesco.
Parmi eux, on compte d'importants cimetières militaires, des tranchées préservées, des mémoriaux imposants, et d'autres éléments du paysage mémoriel de cette époque. Dans l'Aisne, la caverne du dragon et plusieurs sites du chemin des Dames figurent sur cette liste. Dans la Somme, on peut citer le mémorial franco-britannique de Thiepval ou les différents sites de Longueval (l'obélisque divisionnaire néo-zélandais, le mémorial national sud-africain ou les différents cimetières).
Un ensemble représentatif du front ouest
Les 36 sites en lice en Hauts-de-France font partie d'une sélection de 105 éléments, dont 80 pour la France et 25 pour la Belgique. Ils sont strictement choisis parmi plusieurs milliers de cimetières, nécropoles et mémoriaux situés sur le front ouest de la guerre, de la mer du Nord à la frontière franco-suisse. Ces sites sont non seulement des témoignages de l'histoire, mais ils "représentent également la diversité des nations et des peuples impliqués dans ce conflit mondial", selon l’Unesco.
Un processus exigeant d'inscription au patrimoine mondial
L'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco est un processus rigoureux en cinq étapes. Il commence par la création d'une liste indicative des sites potentiels, un inventaire des biens culturels et naturels les plus importants sur le territoire. Ensuite, un dossier complet est soumis, accompagné de cartes et de documentation détaillée, et est vérifié par le Centre du patrimoine mondial de l'Unesco pour s'assurer de sa complétude. Si le dossier est accepté, il est soumis à l'évaluation de deux organisations consultatives indépendantes, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) pour les sites culturels et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour les sites naturels.
Les critères exigeants de l'Unesco
Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco, les sites candidats doivent répondre à au moins l'un des dix critères de sélection qu'il soit considéré comme ayant une "valeur universelle exceptionnelle".
Parmi ces critères, on retrouve le "Génie humain" pour les sites culturels, telles que les fortifications de Vauban en France, ou les constructions ou paysages de l'histoire humaine comme les beffrois de Belgique et de France ou le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.
Ces critères garantissent que les sites retenus ont un impact significatif sur le patrimoine culturel et naturel mondial, et leur inscription sur la liste prestigieuse de l'Unesco les place parmi les trésors de l'humanité.
Les avantages de l'inscription au patrimoine mondial
L'inscription d'un site au patrimoine mondial apporte une reconnaissance internationale et sensibilise les populations locales à la valeur de leur patrimoine. Elle permet également de mieux comprendre l'histoire et la signification des lieux de proximité souvent négligés. De plus, elle impose des obligations de préservation et de gestion renforcée, ce qui se traduit par des rapports périodiques de l'Unesco tous les 6 ans et des plans de gestion obligatoires depuis 2007.
Bien que cela ne soit pas nécessairement lié à un développement touristique, l'inscription au patrimoine mondial peut stimuler le tourisme local et apporter des avantages économiques à la région.
Pour Franck Viltart, chef du service mémoire et du chemin des dames au conseil départemental de l’Aisne : "Au-delà de l'aspect mémoriel, c'est aussi un espoir de développement culturel pour nos territoires, avec des itinéraires de mémoire, un plan de gestion du classement qui doit aussi permettre de développer des routes, des circuits, des musées autour des sites. Et on estime qu’il y a à peu près 20% de visiteurs en plus sur les sites labellisés par l’Unesco. On est sûrs qu’on va avoir une augmentation des visiteurs, notamment étrangers qui vont se sentir concernés et c’est aussi l’enjeu de cette candidature, ce n'est pas seulement que la France parle de la France, mais c’est que les visiteurs étrangers retrouvent dans cette candidature, et dans ce label, beaucoup de leur propre histoire et viennent sur nos territoires pour visiter ces sites."
L’Unesco souligne toutefois l’importance de maîtriser cette augmentation du tourisme pour en tirer profit tout en préservant l'intégrité des sites.
La décision finale, concernant l'inscription de ces lieux de mémoire de la Grande Guerre au patrimoine mondial de l'Unesco, sera annoncée à l'issue de l'examen qui se déroule en Arabie saoudite du 10 au 25 septembre. Si ces sites sont reconnus pour leur valeur universelle exceptionnelle, ils rejoindront la prestigieuse liste du patrimoine mondial, contribuant ainsi à préserver la mémoire de la Première Guerre mondiale pour les générations futures, tout en offrant à la région des Hauts-de-France une reconnaissance internationale méritée.