La nouvelle R4 électrique, fabriquée dès 2025 à Maubeuge, sera l'une des vedettes du Mondial de l'Auto qui s'ouvre à Paris. Dans les Hauts-de-France, première région de production automobile du pays, les voitures électriques sont à la fois sources d'espoir et d'inquiétudes.
Au milieu des allées frémissantes du Mondial de l’Auto porte de Versailles à Paris, elle occupe TOUTES les discussions : la nouvelle R4, dite 4L, est dévoilée ce lundi 14 octobre 2024 en exclusivité mondiale par la marque au losange. Après un premier concept présenté il y a deux ans, il s’agit cette fois de la version de série. Avec un look différent de la mythique 4L vendue à plus de 8 millions d’exemplaires dans 100 pays entre les années 60 et 70, la nouvelle Renault 4, une sorte de petit SUV électrique, va être fabriquée à partir de 2025 à Maubeuge (Nord).
À 60 kilomètres de là, la R5 électrique – plus petite que la R4 – est déjà fabriquée dans les Hauts-de-France, au sein de l’usine de Douai. L’objectif affiché : livrer les premiers modèles aux clients avant la fin de l’année 2024. Outre le moteur du véhicule qui sort des lignes de production de l’usine de Cléon, en Normandie, tout est 100% made in Hauts-de-France : le bac batterie est fabriqué à Ruitz puis la voiture est assemblée sur place, à Douai. Et d’ici au printemps 2025, les batteries seront elles aussi 100% fabriquées sur place, avec la construction de la gigafactory Envision AESC à Lambres-lez-Douai. Une campagne de recrutement de plus de 350 personnes a été lancée en octobre, afin de permettre de produire à partir de mars 2025 les batteries pour les nouvelles R4 et R5.
Les Hauts-de-France et le virage de l’électrique
Dans les Hauts-de-France, première région de production automobile du pays, le virage à l’électrique est bien engagé. En témoignent les R5 et R4 du groupe Renault, fabriquées au sein du pôle Electricity. Avec le regroupement des manufactures de Douai, Maubeuge et Ruitz, la marque au losange a ainsi annoncé en 2021 la création le centre de production de véhicules électriques “le plus important et compétitif d’Europe”. Cet ensemble industriel s’est fixé pour ambition de produire 400 000 véhicules électriques par an à l’horizon 2025.
Début 2020, ACC – regroupant Stellantis, Mercedes et Total Energies – annonce la création d’une gigafactory de batteries électriques à Billy-Berclau (Pas-de-Calais), désormais ouverte depuis une année. Quatre autres gigafactories, nécessitant le recrutement de 20 000 travailleurs d'ici 10 ans, sont en cours de construction à Dunkerque et dans le Douaisis. L'objectif est de faire du Nord et du Pas-de-Calais la “vallée de la batterie” afin d’alimenter les constructeurs avec une échéance en ligne de mire : la fin de la vente de véhicules thermiques en Europe en 2035.
Un marché qui stagne
En décembre 2023, le million de véhicules 100% électriques immatriculés en France est dépassé. Après une explosion spectaculaire des ventes de voitures l’année dernière, le secteur connaît toutefois des turbulences. Entre janvier et août 2024, les ventes d’électriques ont baissé de 8,3% par rapport à la même période en 2023, dans un marché qui progresse d’un peu plus de 1%.
Automobile électrique : la panne avant les lendemains qui chantent ?
— Rédaction de France Culture (@FC_actu) October 12, 2024
Notre podcast 'Culture de l'Info' se penche sur cet enjeu économique et de souveraineté qu'est le passage à l'électrique.
La transition a du mal à se faire. https://t.co/KNDU8RxX9D pic.twitter.com/4Ox8HtxTtF
Début septembre 2024, de l’autre côté de la frontière, les salariés de l’usine Audi de Forest, près de Bruxelles, descendent dans la rue. Plusieurs milliers de manifestants défilent en soutien aux 3 000 salariés, alors que le groupe a annoncé la possibilité de la fermeture du site l’année prochaine. L’usine du groupe ne fabrique plus que le SUV électrique de la marque.
L’autre coup de frein dans le secteur de l’électrique a été annoncé par ACC au début de l’été : le fabricant de batteries de voiture a décidé de suspendre la construction de deux gigafactories en Italie et en Allemagne.
Faut-il s’inquiéter ?
Une surprise, et de nombreuses interrogations alors que l’usine du groupe fraîchement inaugurée dans le Pas-de-Calais commence à livrer ses premières batteries pour des véhicules de série comme la nouvelle 3008 et la nouvelle 5008 de la marque Peugeot, fabriquées à l’usine de Sochaux.
“Nous avons pris la décision de mettre sur pause la construction de deux usines parce que nous avons constaté un ralentissement de la croissance du marché du véhicule électrique”, admet Yann Vincent, directeur général d’ACC. Mais il l’assure : cela ne change strictement rien pour l’usine de Billy Berclau. “Nous avons notre première usine qui est dans la phase de montée en cadence. La deuxième, qui est en cours de construction, démarrera à la fin de l’année prochaine”, indique le PDG, affirmant que la barre des 1 000 emplois créés sera dépassée à la fin de l’année.
Plutôt que de commencer à construire des usines et de s’apercevoir qu’elles seraient vides ultérieurement parce que le marché ne progresse pas aussi vite que prévu, nous avons préféré mettre ces projets en pause le temps que l’on ait la définition d’une solution moins coûteuse.
Yann Vincent, directeur général d'ACC
Faut-il toutefois s’inquiéter de l’évolution du marché de l’électrique ? Pour Yann Vincent, l’objectif est de trouver des solutions moins coûteuses pour permettre au plus grand nombre de s’acheter un véhicule électrique, alors qu’une batterie électrique représente 40% du prix du véhicule. “Nos deux clients – Mercedes et Stellantis – nous disent qu’il faut des solutions moins coûteuses”, résume le PDG d’ACC.
"Qui peut acheter une R5 à 33 000 euros ?”
Le prix est également le premier argument pour expliquer la stagnation des ventes selon Ludovic Bouvier, représentant de la CGT métallurgie dans le Nord et le Pas-de-Calais. “Le consommateur ne veut pas cette voiture, lance le représentant syndical. Et pour plusieurs raisons : la faible autonomie de 400 km en moyenne et surtout les prix”.
#Renault4 #ETech 100% #électrique libre depuis le premier regard
— Renault France (@renault_fr) October 14, 2024
inspirée de la légendaire R4…réinventée, avec le même esprit de liberté.#R4 revient en 100% électrique. assemblée en France, dans notre manufacture de Maubeuge pic.twitter.com/LcYtOTxcKF
Il prend l’exemple de la R5 électrique de Renault. “On nous l’annonçait à 20 000 euros et elle est aujourd’hui à 33 000 euros” indique-t-il. Des prix élevés qui expliquent selon lui la situation actuelle. “Il y a un coup d’arrêt car les consommateurs ne sont pas au rendez-vous. Stellantis a misé sur des véhicules haut de gamme et toujours plus chers, qui peut les acheter ? Qui va acheter une R5 à 33 000 euros ? Certainement par les travailleurs qui fabriquent des automobiles mais qui ne peuvent même pas se les acheter”.
Le représentant de la CGT annonce qu’une action est prévue le 17 octobre 2024 au Mondial de l’Auto à Paris. “On ne va pas les laisser parader autour de paillettes et de dire que tout va bien, alors que rien ne va pour les travailleurs”, conclut Ludovic Bouvier.
La voiture électrique, seule solution pour décarboner la mobilité
En 2024, les véhicules électriques sont encore “trop chers”, admet Pascal Hureau. Mais le président de la Fédération française des Associations d'Utilisateurs de Véhicules Electriques (FFAUVE) veut rester optimiste. “Nous sommes dans une période de transition”, avance-t-il : “l’équivalence des prix entre un véhicule thermique et électrique sera atteinte avant 2030, et il y aura des véhicules de plus en petits qui vont arriver”. Une manière de rendre les voitures électriques accessibles au plus grand nombre et d’accélérer la transition vers une mobilité décarbonnée.
Enfin, Pascal Hureau tient à rappeler qu’acheter une voiture électrique, “c’est plus cher à l’achat mais tellement moins coûteux à l’usage. Exemple à l'appui : une voiture électrique, on ne la révise quasiment plus. Aujourd’hui, un véhicule électrique peut rouler avec une batterie qui va tenir 300 000, 400 000 kilomètres. C’est-à-dire non plus tous les 5 à 10 ans, mais plutôt tous les 15 à 20 ans, sinon même au-delà de 20 ans. C’est un investissement qui dure, du développement durable”.
À ce jour, la voiture électrique reste la seule solution technique disponible à grande échelle pour décarboner massivement les transports individuels.
François Gemenne, membre du GIECJuin 2024, Franceinfo
Selon François Gemenne, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme et membre du GIEC, il est “essentiel” d’augmenter rapidement la proportion de voitures électriques en circulation. Bien qu’elle soit “infiniment plus polluante que la marche à pied, elle est aussi beaucoup moins polluante qu’une voiture thermique”, rappelle l’expert sur Franceinfo. Ainsi, une voiture fabriquée en France et destinée au marché français émettra 8 fois moins de carbone qu’une voiture thermique sur son cycle de vie.