Hausse des tarifs, métro coupé tout le week-end, Keolis reconduit, la "galère des transports en commun" dénoncée à Lille

Depuis cet été, le métro de Lille fait l'objet de nombreuses et vives critiques. Un doublement des rames qui tarde, des interruptions de circulation incessantes, de l'amiante trouvée sur certaines rames... Une situation envenimée par la fuite d'un document, attestant d'une hausse des tarifs d'Ilévia d'ici 2031.

Les habitants et habitantes de la métropole européenne de Lille (MEL) ont forcément rencontré au moins un problème de métro au cours des trois derniers mois. Interruption du trafic, rames retardées, souvent bondées... À l'origine de ces situations périlleuses : les opérations menées en vue du doublement des rames de métro sur le réseau Ilévia.

Mais si les interruptions de la ligne 1 entre le 12 août au 16 septembre dernier étaient prévues, les incidents techniques et la fréquence de circulation réduite en raison de présence d'amiante sur certaines rames, n'ont pas ce mérite. Surtout lorsque, mi-octobre, les deux lignes de métro rencontrent toujours des problèmes de circulation.

Ces 19 et 20 octobre par exemple, la ligne 1 du métro - dont la fréquence était revenue à la normale - ne circulera pas, à cause d'essais pour la modernisation des installations. Des bus relais assureront donc la continuité du service durant l'entièreté du week-end.

Un enfer, en somme, que les usagers et usagères dénoncent sans voir la situation évoluer. Donc, forcément, la moutarde commence à monter au nez.

"Iléou le respect"

En milieu d'après-midi ce vendredi 18 octobre, des drapeaux, des chants et une pancarte "Iléou le respect", ont germé boulevard des Cités Unies, près du Zénith de Lille. Rassemblés pour manifester ce vendredi devant le siège de la Métropole de Lille, des dizaines d'usagers, fatigués, se racontent les péripéties qu'ils ont pu vivre ces dernières semaines dans les stations de métro.

Parmi les dizaines de plaignants mobilisés, Julie brandit sa pancarte avec force. Cette enseignante est fatiguée de ne pas voir arriver le doublement des voies, promis par le réseau de transports depuis des années, et par des maintenances de rames jugées "catastrophiques". "On demande à la MEL de déployer des moyens et des stratégies à la hauteur", explique Julie, avant de partager : "Là je me lève plus tôt pour prendre le métro avant l'heure de pointe, ou je passe par le TER. J'adapte mes horaires en sortant du travail, c'est du stress et de la fatigue anormalement dépensés."

Dans le métro, on sue, on se pousse, on joue des coudes pour rentrer avant que les portes ne se referment. D'y penser, Emilie en a des frissons. La voyageuse souffre de douleurs chroniques et les contorsions que lui infligent les heures de pointe ne l'aident pas à garder confiance en Ilévia.

"Des personnes doivent changer leur itinéraire, arrivent en retard, les gens censés faire la médiation nous poussent, nous hurlent dessus... On a l'impression d'être du bétail", raconte la Lilloise. "Et quand on apprend que les tarifs vont augmenter, c'est la galère."

Des personnes doivent changer leur itinéraire, arrivent en retard, les gens censés faire la médiation nous poussent, nous hurlent dessus... On a l'impression d'être du bétail.

Emilie, manifestante

La tarification proposée par Keolis sème la discorde

Il y a quelques jours, un document confidentiel et normalement destiné aux élus métropolitains est tombé entre les mains de l'association MobiLille. L'équipe de France 3 Nord-Pas-de-Calais a pu se procurer le document en question, un dossier de plusieurs centaines de pages, parmi lesquelles on retrouve notamment le projet de tarification porté par Keolis, actuel gestionnaire d'Ilévia, d'ici 2031.

Et les chiffres ne sont pas beaux à voir : les trajets unitaires par exemple, passeront progressivement de 1,80 euro à 2,20e. L’abonnement permanent tout public, lui, augmentera de 55 à 67,50e.

Une tarification qui devait être approuvée, ou non, ce vendredi 18 octobre lors du conseil communautaire de la MEL, rassemblé sous le grondement des manifestants. À l'ordre du jour : le renouvellement de la concession en faveur de Keolis, seule société candidate au contrat, jusqu'en 2031, et par extension l'application de cette tarification qui déchaîne l'ire des usagers d'Ilévia.

On voudrait détourner les usagers et les usagères des transports en commun qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

Pauline Ségard, conseillère métropolitaine écologiste

"On voudrait détourner les usagers et les usagères des transports en commun qu'on ne s'y prendrait pas autrement", juge Pauline Ségard, conseillère écologiste à la MEL. L'élue d'opposition dénonce notamment le manque d'ambition du président de la Métropole de Lille, Damien Castelain, dans la gestion des négociations avec Keolis. Ce dernier réagit d'ailleurs à l'invective en décrétant lors du conseil, vendredi : "Lorsqu'un problème survient notre devoir est de chercher des solutions ensemble, dans l'intérêt commun, là où d'autres se contentent de crier au scandale ou de céder à la critique facile ou stérile."

Après plusieurs heures de débat, les conseillers métropolitains ont finalement approuvé à 82% la concession du contrat à Keolis. La manifestation s'est dispersée depuis déjà un moment, mais la colère des usagers d'Ilévia reste pour l'instant intacte.