Avec des manifestations organisées dans plusieurs villes françaises, Lille ne fait pas exception. 2 000 personnes se sont rassemblées pour dénoncer le génocide par Israël en Palestine, et réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent.
"Les peuples se réveillent doucement, s'intéressent enfin à l'histoire de la Palestine", salue Farida, psychiatre lilloise, devant les 2 000 personnes rassemblées pour la paix en Palestine.
Sur la place de la République, à Lille, la septuagénaire d’origine algérienne, dénonce une colonisation "[qu’elle] connaît bien." C’est de ça qu’il s'agit dans la guerre entre le Hamas et Israël selon elle : "on veut en faire un problème religieux, les musulmans contre les juifs, mais c’est un problème de territoire."
"On se sent obligés de rappeler qu'on n'est pas antisémites, car on n'est pas contre les juifs, mais contre le gouvernement israélien et ses actions", poursuit la retraitée de 73 ans. Elle dénonce ainsi des bombardements, massacres et exécutions qui "tuent des civils sous couvert de vouloir éliminer le Hamas".
Des dommages alliés à la stratégie de la terre brûlée, "qui détruit une ville pour que les gens se déplacent et n'aient plus rien pour vivre, à moins de prendre 50 ans pour tout reconstruire", se désole Farida.
Il s'agit de "faire table rase de l'histoire palestinienne et progressivement éliminer le peuple au profit du colon", détaille-t-elle, encore sous le choc de la mort d'au moins 45 personnes, dimanche 26 mai, dans une frappe sur un camp de réfugiés au sud de la bande de Gaza.
La jeunesse attaquée de plein fouet
Qualifié "d'erreur tragique" par Benjamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, ce bombardement a motivé l’ONU à demander une enquête "complète et transparente." En attendant, les manifestants en faveur de la paix en Palestine rendent hommage aux victimes de ces frappes, et notamment aux enfants.
En 8 mois, 15 000 mineurs auraient été tués par les bombardements dans la bande de Gaza. Un chiffre sous-évalué selon les médecins sur place, évalué à 30 000 ou 40 000 en comptant ceux "qu'on ne retrouvera sûrement jamais sous les décombres, car les bombes pulvérisent leurs corps", s'indigne une militante, micro en main.
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Devant elle, des landaus, poussettes, chaussures, peluches, cartables et jouets d'enfants jonchent le sol. Sur le dossier des chaises d'école, les photos de ceux mutilés ou tués par les frappes israéliennes.
Un hommage aux "enfants innocents et aux âmes assassinées" qu'elle questionne. "Et si c'était vos enfants ? Et si c'était vos élèves ? Que feriez-vous ?", interpelle-t-elle les manifestants. Jusqu'à ce qu'un trentenaire transperce le silence de la place du centre-ville en répondant "pareil que la Palestine !"
🗣️ "Si c'était vos élèves, si c'était vos enfants, garderiez-vous le silence ?"
— Louise Bihan (@brouillonzero) June 1, 2024
Hommage rendu aux enfants, aux élèves, aux enseignant•es palestinien•nes aujourd'hui à Lille.@EnseignantsGaza pic.twitter.com/MB3DZOfdyW
Transmettre quand l'éducation brûle
Malgré la pluie, Nadia et ses trois enfants, de 7, 16 et 21 ans, sont venus manifester. Une présence régulière aux rassemblements en faveur d'une paix en Palestine, qui fait partie de leur éducation. "J'essaie de leur apprendre l'histoire telle qu'elle est, et leur inculquer les bonnes choses pour qu'ils sachent qu'on soutient les oppressés", témoigne la mère de famille, tenant l'une des extrémités du drapeau palestinien porté par son fils.
À 7 ans, Kelim a vu des vidéos "de pleins d'enfants, mesdames et messieurs tués sous les bombes", explique-t-il. Nadia a souhaité "leur montrer qu'ils vont grandir avec ça", mais ne s'imagine pas se mettre à la place des familles de blessés. "J'ai déjà du mal à les voir saigner, alors qu'ils voient leurs proches mutilés, violés ou tués, sous les bombes et sous leurs yeux, c'est insupportable", témoigne-t-elle, émue par le scénario.
C'est pourtant le quotidien à Gaza, où les bombardements sont réguliers depuis le 7 octobre 2023. Des frappes qui ont notamment détruit des universités, écoles et établissements publics, empêchant l'accès à l'éducation pour plus de 700 000 enfants de la bande. Le symbole d'un epistémicide selon un collectif récemment créé. Éducation avec Gaza dénonce une destruction volontaire du patrimoine culturel et des systèmes d'éducation palestiniens.
"Derrière le bombardement des universités, Israël veut détruire les archives et le travail intellectuel de la communauté éducative palestinienne", dénonce Merzic, enseignant d'histoire à Lille, d'origine palestinienne. Il rappelle pourtant, avec fierté, que son peuple, "est un pays avec l'un des taux de doctorat par habitant les plus hauts, et d'analphabétisme les plus bas."
Une volonté de défendre l'éducation et le savoir comme une force puissante de résistance, détaillée dans une tribune qui souhaite faire converger les syndicats d'enseignants à l'international. "Nous endossons la responsabilité d'expliquer les génocides du passé, comment le faire quand Israël en perpétue un autre en direct et en toute impunité ?", s'agace le professeur.
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Un soutien occidental qui dérange
Au-delà des actes du gouvernement israélien, les manifestants dénoncent aussi le soutien inconditionnel des États occidentaux, "principale condition au maintien de la guerre" selon Merzic.
Alors que la France, les États-Unis et l'Angleterre fournissent des armes à Israël, "il suffirait de leur couper les vivres pour qu'ils arrêtent de bombarder au bout de 24 heures", argue-t-il. Mais le fond du problème est la volonté des gouvernements, selon le manifestant palestinien : "s'ils avaient vraiment envie d'y mettre fin, ils signeraient un embargo, pas un contrat de vente d'armes."
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En attendant le cessez-le-feu permanent, Joe Biden, le président américain, a présenté un plan de paix temporaire et progressif, vendredi 31 mai. Une feuille de route israélienne à laquelle il a exhorté le Hamas à adhérer. "Des balivernes", selon Merzic, qui attend "la reconnaissance de l'État Palestinien par la France", à l'instar de celle attribuée le 28 mai par l'Espagne, l'Irlande et la Norvège.