Lillenium, le nouveau centre commercial de Lille ouvre ce 25 août : c'est quoi ? Est-ce que ça peut marcher ?

Avec plus de 55 000 m² et 92 enseignes, Lillenium ouvre les portes de sa galerie commerciale à Lille Sud ce mardi 25 août. En pleine crise du Covid-19 et dans une tendance du consommer local, ce centre commercial peut-il trouver ses consommateurs et redynamiser le quartier de Lille Sud ? 

Lillenium, c'est quoi  ? 

Étiquetage, repassage, mise en place de la signalisation sanitaire, le centre commercial Lillenium s'agite pour régler les derniers détails avant son ouverture prévue ce mardi 25 août à 17 heures.Porté par Martine Aubry depuis 2009, le projet de ce centre commercial, situé à Lille Sud, a été pensé pour permettre de redynamiser le quartier avec la création d'emplois et d'une activité économique. 

Basic Fit, Blue Box, H&M, Grain de Malice, Darty, Jennyfer, Levis, Mango, Leclerc "On trouvera une centaine d'enseignes connues et appréciées des clients, mais aussi une trentaine d'enseignes inédites dans la région lilloise ou en France", explique Sophie Martin, directrice du centre commercial.

Plus surprenant, la présence d'une boutique Camaïeu alors que celle de la rue de Béthune à Lille s'apprête à fermer après le redressement judiciaire de la marque de prêt-à-porter dont le siège se trouve à Roubaix

Combien de Lillois parmi les 900 emplois promis ? 

Les promoteurs du centre commercial appuyés par Martine Aubry  avaient promis la création de 900 emplois avec ce nouveau centre commercial.

À 24 heures de l'ouverture, les chiffres sont flous. La maison de l'emploi qui travaille en coordination "avec les missions locales, pôle emploi, le département du Nord", a "recruté 350 personnes dont 200 pour Leclerc". L'enseigne est la plus grande pourvoyeuse de contrats.

Sur ces 350 emplois, "80 % sont assurés par des Lillois, Lommois, Hellemois" et "75 % sont des CDI [contrat à durée indéterminée, ndlr]". Au total, "700 postes devraient être pourvus dans les prochaiens semaines" selon la maison de l'empoi.  

Pour le mouvement de gauche Génération.s, ces emplois seront plus "une substitution à des emplois existants qu'une réelle création d'emplois." Il considère que "l'implantation d'un centre commercial a toujours un impact négatif sur les commerces avoisinants et indépendants. [...] Pour deux emplois créés, trois emplois locaux étaient perdus puisque les économies d'échelle leur permettent de réduire le nombre d'employé.e.s nécessaires au bon fonctionnement du magasin."

Miser sur Lillenium, une bonne stratégie en temps de crise ? 

À l'image des grandes surfaces comme Auchan qui rencontre des difficultés, le modèle de l'hyperconsommation n'est plus aussi plébisicité, les consommateurs privilégiant la proximité. Nathalie Lemarchand, géographe et spécialiste des questions d'aménagement commercial, ouvrir ce type de centre commercial "reste un pari" compte tenu du contexte économique et sanitaire. Selon la fédération du commerce spécialisé, en l'absence de nouvelle crise sanitaire comparable à celle du printemps 2020, le "commerce spécialisé pourrait voir son activité reculer de - 15 % à - 25 % et jusqu'à 35 % en restauration."

Elle estime donc que la "reprise sera faible" du fait de "la prudence des consommateurs" face à l'épidémie, de "l'inconfort d'achat lié aux protocoles sanitaires" et de "la paupérisation des ménages réelle ou redoutée".

Ces chiffres ne laissent rien présager de bon pour Lillenium en cette période. Mais pour Nathalie Lemarchand, d'autres éléments sont aussi à prendre en compte tels que l'accessibilité, l'alchimie entre les caractéristiques du quartier et les produits vendus (des revenus en accord avec le panier moyen, des produits adaptés aux besoins des habitants),

"Si la zone autour du centre est désertée, qu'il y a peu de commerces accessibles alimentaires, la locomotive" jouée ici par la grande surface Leclerc, "peut avoir un effet d'entraînement qui va permettre au centre de s'assurer un revenu suffisant."

Un autre critère d'évaluation de la pérennité du centre est le prix du loyer. Du fait de la crise à venir, "les enseignes sont de plus en plus frileuses à payer des loyers. Elles sont en train de réduire leur nombre de magasins physiques. Certaines ferment même complètement", à l'image de Camaïeu qua drastiquement réduit sa voilure en supprimant 123 magasins et en licenciant 527 personnes. 

"Pour espérer un succès, il faut une alchimie entre le quartier et le centre commercial", rappelle Nathalie Lemarchand. "Il faut s'intéresser au taux de revenu moyen de la zone de chalandise."

Ce taux pourrait être amené à baisser compte tenu des "probables faillites, licenciements et baisses de salaires", conséquences du confinement et du ralentissement de l'activité économique qui en a suivi. 

Les mesures sanitaires peuvent-elles être un frein ? 

Si l'épidémie de coronavirus s'invite dans l'économie, elle transforme aussi les habitudes. Les mesures sanitaires peuvent créer une rupture entre l'intérieur et l'extérieur du centre.

"Les centres commerciaux sont des espaces clos, et donc pas les premiers lieux de fréquentation dans le cadre d'une crise sanitaire. Notamment durant le confinement, car une fois que l'on sort de l'espace clos de son appartement, on n'a pas envie de se retrouver de nouveau cloisonné.

Seulement avec la mise en place du port du masque obligatoire dans de nombreuses rues de la métropole lilloise, la donne peut changer : "Comme le masque se généralise dans les rues, il n'y a plus de rupture avec le centre commercial où on doit aussi le porter", estime-t-elle. 

Réenchanter le centre commercial

"La question du pouvoir d'achat est un élément clé", considère Stéphane Hugon, sociologue et fondateur d'Eranos, un cabinet dont l'objectif est de réconcilier l'entreprise et la société. "Les gens sont capables d'aller dans le centre commercial même si l'expérience n'est pas satisfaisante, car ils y trouvent leur compte en terme de revenu."

Mais la directrice du centre commercial, Sophie Martin, "préfère" considérer Lillenium comme "un centre de vie et de loisir. On a envie d'en faire un lieu de vie, de rendez-vous et de rencontre, plus qu'une destination exclusivement shopping."Cette stratégie s'inscrit dans une volonté de rénover la grande surface en théâtralisant les produits selon Stéphane Hugon.

"Jusqu'aux années 2000, nous étions dans l'émotion de la gourmandise, conséquence de l'expérience de la rareté durant la Seconde Guerre mondiale", commente-t-il.

"Aujourd'hui, l'idée d'en avoir toujours plus donne la nausée et prive de sens. La gourmandise n'est plus quelque chose qui fait rêver les foules, elle est dépassée par l'envie de convivialité. Or, dans un hypermarché, vous êtes seuls devant le silence assourdissant des produits."

Ce changement d'état d'esprit se traduit concrètement dans ce centre. Lillenium propose une salle de sport, des jeux d'acarde et de réalité virtuelle, des espaces de restauration, un cinéma, la Cité des Enfants. "On est tout seul lorsqu'on pousse un caddie, mais si on réinjecte de l'amusement, des endroits où les gens peuvent séjourner, les gens viennent à plusieurs, ce qui change la fonction du centre commercial."

Ce mardi 25 août, tous les commerces ne seront pas ouverts. Il faudra attendre le 23 septembre pour découvrir la deuxième salve de magasins tandis que l'hôtel ne devrait pas accueillir de clients avant 2021. 
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