La mairie de Lille a demandé aux particuliers volontaires pouvant accueillir des réfugiés ukrainiens de se faire connaître pour pouvoir s’organiser. En moins de 24 heures, plus de 400 familles se sont manifestées.
Depuis le début de la guerre il y a cinq jours, Christelle ne dort quasiment plus. Lorsqu’elle évoque l’invasion russe, sa voix tremble. "Je suis la situation quasiment minute par minute", raconte cette employée à la préfecture du Nord.
Habitante d’Armentières, elle n’a pas hésité une seule seconde avant de répondre à l’appel lancé par la mairie de Lille. "J’ai indiqué que je pouvais accueillir une famille de réfugiés, que mon fils ainé avait pris son envol et avait quitté la maison et que j’avais une chambre de disponible". Elle l’assure, ils pourront rester chez elle de façon indéterminée.
Un discours tenu par tous les Nordistes ayant répondu à l’appel avec qui nous avons échangé. "J’habite dans le vieux Lille, dans un logement social, nous explique Barbara, agent à la mairie de Lille. J’ai passé ma journée au téléphone avec Vilogia pour m’assurer que j’avais le droit de faire ça".
Après avoir obtenu l’accord du bailleur social, elle a immédiatement envoyé un mail à la mairie. "Mon logement comporte trois chambres. J’ai une chambre disponible voire deux avec les couchages qu’il faut pour accueillir quatre personnes".
Même réponse de Florent, cuisinier dans un établissement scolaire, qui vit avec sa compagne à Tourcoing. "Nous n’avons pas d’enfants. Nous avons deux chambres de libre. Nous pouvons accueillir deux couples ou une famille".
Plus de 400 familles volontaires
Comme Christelle, Barbara ou Florent, 420 familles lilloises et nordistes se sont manifestées auprès des services de la mairie de Lille en moins de 24 heures. Soit 800 places au total, en plus des 250 repérées par la mairie en lien avec la préfecture.
"Ça dépasse nos attentes, avance Arnaud Deslandes, adjoint de Martine Aubry en charge des solidarités. À chaque crise, les Lillois et les Nordistes ont répondu présents". Selon l’élu, la situation touche tout le monde, sans exception. "On voit qu’il y a un choc qui atteint chacun d’entre nous. C’est l’élan du cœur qui parle. Un pays libre, démocratique, en paix qui n’a jamais menacé la Russie se retrouve aujourd’hui envahi, couvert de bombes… je comprends que ça éveille l’envie de se dire : il faut se mobiliser".
Comment expliquer une telle mobilisation ?
Arnaud Deslandes avance également un autre facteur pouvant expliquer cette générosité sans limite dans notre région : "il y a beaucoup de descendants de familles polonaises dans le Nord qui réagissent à l’affect et c’est normal". C’est l’argument avancé par Barbara, qui s’apprête à accueillir des réfugiés pour la première fois. "Mes grands-parents étaient polonais et ont connu l’immigration en arrivant dans le bassin minier. J’ai du mal à expliquer mon geste, mais je pense que c’est mon origine polonaise qui fait sortir mes entrailles. C’est comme viscéral".
Il y a beaucoup de descendants de familles polonaises dans le Nord qui réagissent à l’affect et c’est normal.
Arnaud Deslandes, adjoint à la maire de Lille en charge des solidarités
La grand-mère de Christelle était ukrainienne. "Ça me touche énormément, peut-être aussi parce que j’ai de la famille qui habite encore sur place. J’ai pris contact avec eux il y a quelques années mais j’ai perdu le lien depuis…" Quant à Florent, il justifie également son geste par son histoire personnelle. "Des gens vont dire : mais pourquoi tu ne l’as pas fait avant ? Je ne sais pas trop expliquer mais je pense que c’est mon cœur qui parle. Ma femme est lithuanienne, elle se dit que son pays pourrait être le prochain".
"Ce n’est pas une situation supportable pour eux et ça m’est insupportable"
Autre dénominateur commun qui saute aux yeux entre toutes les personnes que nous avons interrogé : ces habitants du Nord affichent une détermination sans faille. Le Tourquennois a proposé à plusieurs associations de se rendre à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne pour "faire le taxi" et ramener au plus vite les réfugiés dans un endroit sûr. Soit, depuis Lille, une vingtaine d’heures de route aller et une vingtaine d’heures retour, "sans aucune contrepartie financière" tient-il à préciser.
Barbara explique avoir pris la décision ce lundi matin au réveil. "J’en ai parlé avec mon mari ce matin et lui ai dit : "on le fait ?". Il m’a répondu "oui", sans réfléchir". Elle a déjà pensé à réaménager les chambres de son appartement pour accueillir au mieux les réfugiés. "Je veux accueillir, et bien. Entre une bouche de métro et un matelas, on va préférer le matelas. Mais s’il peut être dans une chambre bien aménagée avec une vie de famille, c’est encore mieux".
Quant à Christelle, elle espère une réponse de la mairie au plus vite. "Je suis prête à chambouler ma vie pour les accueillir et ils seront chez moi comme chez eux. Avant d’ajouter. Ce n’est pas une situation supportable pour eux et ça m’est insupportable".